
Il n'y a pas de petites économies... Telle pourrait être la devise de l'Assurance maladie, qui enregistre une économie de ses dépenses de santé de 9,4 millions d'euros en Bourgogne pour l'année 2009. Quelle recette magique a-t-elle mise en œuvre pour arriver à ce résultat ? Utilisation des génériques, bon usage des soins, vérification des arrêts de travail... "La maîtrise médicalisée des dépenses" est bel et bien en marche. Revue de détails avec Pierre Routhier, directeur de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie en Côte-d'Or...
3,3 milliards d'euros pour les soins de santé en Bourgogne
En 2009, 1,2 millions de Bourguignons ont été protégés par l'Assurance maladie et 3,3 milliards d'euros ont été dépensés pour leurs soins de ville et à l'hôpital. En comparaison, les 9,4 millions d'euros d'économies réalisées en 2009 semblent dérisoires... Mais plutôt que de parler d'économie, le terme de "dépenses évitées" semble plus approprié.
Celles-ci s'appuient sur des objectifs d'économies quantifiés par l'Objectif national des dépenses d'assurance-maladie (ONDAM) et définis avec les professionnels de santé sur trois thèmes de référence : l'optimisation des prescriptions de médicaments (3,7 millions d'euros économisés), le respect des règles de prescription (5,7 millions d'euros économisés) et les thèmes de santé publique (dépistage du cancer du sein, vaccination contre la grippe saisonnière, etc). A noter : 78% de ces objectifs de maîtrise fixés ont été atteints, contre 66% en 2008.
Pas d'économies "à courtes vues"...
"Il ne vous a pas échappé que l'objectif des pouvoirs publics était de ramener l'assurance maladie à l'équilibre. Nous étions d'ailleurs bien partis puisque nous étions passés de 14 milliards d'euros de déficit fin 2004, à moins de de 5 milliards d'euros fin 2008. Mais la crise économique est intervenue. Les conséquences pour la sécurité sociale sont un effondrement des recettes, non pas une augmentation considérable des dépenses, indique Pierre Routhier, directeur de la CPAM en Côte-d'Or .
"Mais quand nous disons avoir économisé, cela ne veut pas dire que nous avons empêché quelqu'un de recevoir le traitement dont il avait besoin. Concrètement, nous travaillons à une meilleure utilisation des deniers publics à disposition du système. Nous ne cherchons pas à faire des économies à courtes vues... Par exemple, avec les médecins libéraux, nous avons développé en juin 2009 le contrat d'amélioration des pratiques individuelles, qu'un médecin sur trois a signé en Bourgogne. Il s'agit d'une collaboration dont le but est de travailler à la prévention des risques notamment du cancer du sein, de la grippe saisonnière et du diabète."
Arrêts de travail : 200 millions d'euros de dépense/2 millions d'euros économisés = bien!
63.000 arrêts de travail ont été contrôlés par la cinquantaine de médecins-conseil de la région en 2009, soit 12% de plus qu'en 2008. Les arrêts entre un et deux mois sont ceux qui ont subi le plus de contrôle : 39.000. "En gros, nous avons eu environ 10% de notifications de reprise du travail par les caisses primaires sur nos propositions, précise Odile Blanchard, médecin-conseil adjoint à la direction régionale du service médical de l'Assurance maladie.
"Si nous arrivons à ce chiffre, c'est parce que nous ciblons bien les contrôles d'arrêt, là où nous pensons qu'il va y avoir des difficultés. En 2009, nous avons dans ce sens travaillé notamment sur les lombalgies (ndlr : douleurs dans le bas du dos), pour lesquelles nous faisons également de la prévention. Il est évident que nous n'allons pas contrôler un arrêt dont nous sommes persuadés qu''il est justifié médicalement. Néanmoins, cette année nous avons décidé de faire une journée de contrôle du tout venant afin d'avoir une approche plus précise du véritable taux d'arrêts injustifiés".
Soins hospitaliers : 1,83 milliards d'euros de dépenses/+7,4% = pas bien...
Il existe un contraste entre les soins de ville (médecin libéral, infirmière, kinésithérapeute, etc), qui évoluent de manière "extrêmement sage" (+1,8%), et les soins à l'hôpital. Ces derniers ont augmenté de 7,4% alors que l'objectif fixé était de 3%... "Ce n'est pas tenable à terme ; il existe donc une urgence à mieux contrôler les dépenses hospitalières", affirme Pierre Routhier.
"Pour 2010, les délégués de l'Assurance maladie sont en train de rencontrer les directeurs d'hôpitaux de manière à construire un plan d'action concerté afin de mieux maîtriser tout ce qui est prescription de sortie (ordonnances, arrêts de travail...), qui ont évolué dans la région de plus de 5% l'an dernier". Et de faire la promotion de la chirurgie ambulatoire : le patient est opéré le matin et rentre chez lui le soir... si son état le permet. "Il ne s'agit pas de virer les gens de l'hôpital, assure le directeur de la CPAM. En 2009, les autorités ont repéré cinq actes qui le permettaient : l'opération de la cataracte, la coloscopie (ndlr : exploration visuelle) du genou, les varices, les extractions dentaires et les amygdalectomies (*1)".
En 2010, ce qui a été fait sur cinq actes le sera sur dix-sept (le canal carpien (*2) est d'ailleurs l'une des nouveautés cette année). "Le résultat de tout cela est d'économiser sur le personnel de nuit notamment. De cette manière, nous préparons l'hôpital de demain, qui se dirige vers une structure d'accueil où l'on opère mais où l'on ne dort pas. Nous aurons des hôpitaux dédiés à cela et d'ailleurs, le CHU du Bocage à Dijon, en travaux, est en train d'adapter ses plans pour prévoir une unité en chirurgie opératoire."
Transports sanitaires : + 7,2%/2,1 millions d'euros économisés = peut mieux faire
Les transports de malades proviennent majoritairement de l'hôpital. L'évolution de la répartition de l'offre de soins et le vieillissement de la population expliqueraient en partie l'évolution de ce poste de dépenses : 80 millions d'euros. "En 2009, nous avons signé une convention avec les sociétés de taxis privées afin d'organiser les transports et améliorer la qualité du service rendu au patient. En 2010, nous continuerons de rappeler la réglementation des transports sanitaires car il faut savoir qu'une ambulance coûte quatre fois plus cher qu'un taxi et donc chaque fois que l'état de la personne le permet, il vaut mieux prendre le taxi", souligne Pierre Routhier.
Médicaments génériques : 633.000 euros économisés en 2009/5 millions d'euros d'économie prévues en 2010 = très bien!
Les médicaments représentent le premier poste de dépense avec 50 millions de boîtes remboursées en 2009, soit 400 millions d'euros. "Un médecin coûte plus cher par ce qu'il prescrit que par ses honoraires !", souligne Pierre Routhier. D'où un travail par les médecins-conseil auprès des acteurs de santé pour "mieux prescrire", c'est-à-dire recommander tel médicament plutôt qu'un autre. "Et puis nous avons un contrat avec les pharmaciens par rapport à la délivrance des médicaments génériques (*3) : vous avez pu vous apercevoir qu'en quelques années, les choses ont considérablement évolué dans le domaine : aujourd'hui, les pharmaciens proposent presque systématiquement les médicaments génériques".
Une autre bonne nouvelle se profile pour les économies de 2010... "Nous avons la chance d'avoir une molécule extrêmement importante, le Plavix (médicament pour le cœur), qui est tombée dans le domaine des génériques en octobre 2009. Or c'est le médicament le plus remboursé en montant par l'Assurance maladie en France : 625 millions d'euros pour la France ! Aujourd'hui, vingt-quatre laboratoires le proposent en moyenne à 30,75 euros tandis que la marque le propose à 56,82 euros : cela représente 26 euros d'écart par boîte, c'est énorme !". En calculant le ratio France/Bourgogne, le poids actuel de ce médicament dans la région serait de 15 millions d'euros. Aussi, cinq millions d'euros d'économie pourrait être réalisée cette année... Le directeur de la Cpam en a parfaitement conscience : "Autrement dit, ce médicament est notre blockbuster 2010 !".
(*1) Ablation totale et chirurgicale des amygdales palatines, de façon partielle (source : vulgaris-medical.com)
(*2) Le syndrome du canal carpien est un ensemble de signes fonctionnels et physiques lié à la souffrance du nerf médian au niveau du poignet par sa compression (source : Wikipédia)
(*3) Un médicament générique est la copie exacte d'un médicament de marque. Il contient le même principe actif et a le même effet thérapeutique mais coûte en moyenne 30% moins cher qu'un médicament de marque (source : Ameli.fr)
