
Avec ses Big Mac au pain complet et son nouveau code couleur vert, McDonald's ferait-il sa révolution écologique et nutritionnelle ? C'est en tout cas ce qu'était venu confier Éric Gravier, vice-président de l'enseigne en France, de passage à Dijon jeudi 1er avril 2010, accompagné d'Olivier Burniaux, franchisé depuis treize ans et possédant quatre restaurants dans le Grand Dijon. En toute honnêteté, les deux représentants de Mac Do reconnaissent, dans cette deuxième partie de leur interview, la nouvelle stratégie de communication de l'enseigne, qui imaginerait même faire des profits avec ses économies vertes...
Messieurs, vous semblez vouloir changer l'image de McDonald's : le fond du logo est en effet passé du rouge au vert...
Olivier Burniaux : "C'est une initiative française. Notre PDG, très visionnaire, est parti d'un principe : les restaurants français, avec les changements des décors et l'approche nutritionnelle un peu différente, sont devenus vraiment modernes. Mais ce n'était pas suffisant : il fallait en plus réfléchir à l'impact extérieur dans l'environnement car nos totems avec ce "M" jaune sur fond rouge étaient très agressifs.
Eric Gravier : Et puis ce n'est pas un changement de logo puisque l'arche reste jaune ! Par contre, il n'aurait sûrement pas fallu le faire si nous ne faisions que commencer à améliorer la marque. Mais là, nous arrivons presque à l'aboutissement de notre changement amorcé il y a des années. Le décor par exemple : il y a encore quelque temps, nos restaurants ressemblaient à des arbres de Noël tellement il y avait d'affiches, de guirlandes, etc. Tout cela a disparu ! Aujourd'hui, nous sommes plus typés brasserie. Donc la tenture extérieure, c'est quand même mieux si elle est verte que rouge. Dans cet esprit, les façades vont totalement être rénovées d'ici trois ans.
O.B : En ce qui concerne Dijon, les travaux commenceront d'ici le mois de septembre 2010. Mais ce n'est pas qu'une histoire de design : nous sommes dans une démarche qui va au-delà du coup de peinture. Nous allons mettre des pompes à chaleur* dans nos restaurants. Et puis l'électricité de tous les restaurants de France, depuis le 1er janvier 2010, est issue d'énergies renouvelables, c'est-à-dire tout sauf d'origine nucléaire, fossile ou de la grosse hydro-électricité (ndlr : barrage). De par notre taille, nous avons un rôle sociétal à jouer mais il faut savoir que tout cela a un coût. On se fait mal au porte-monnaie !
Si ces investissements font "mal au porte-monnaie" de MacDo, c'est aussi pour que cela lui rapporte dans quelques années, non?
E.G : En fait, nous travaillons sur notre réputation. Notre directrice environnement a un blog qui s'appelle le "Blog de Delphine", où nous prenons le pouls des questions que la société se pose aujourd'hui. Ce n'est pas un baromètre précis mais cela nous donne un aperçu de l'air du temps.
O.B : On sait très bien que les comportements d'achat vont se transformer dans les années qui viennent... Moi je suis persuadé qu'en 2015, les gens viendront nous dire que nous avons gaspillé de l'énergie. Je préfère donc que nous n'attendions pas que les politiques se mettent d'accord mais que nous prenions nos responsabilités dès aujourd'hui.
E.G : J'ai souvent entendu qu'avec ce type de démarche, nous nous achetions une conscience. Mais il se trouve que nous avons un plan énergie qui est beaucoup plus vaste. Notre principal but est de consommer moins parce que l'énergie la plus verte est quand même celle que l'on ne consomme pas... Pour cela, nous allons commencer à mettre dans chaque restaurant un référent environnement. Et puis nous avons d'ores et déjà mis en place un logiciel pour former les équipes afin qu'elles consomment moins. Cet outil, mine de rien, a permis de réduire notre consommation d'énergie de 10%. Et l'économie d'énergie des pompes à chaleur qui seront installées dans les 800 restaurants (sur les 1.134 que compte l'enseigne en France) d'ici deux ans représentera 8%.
Vous semblez avoir pensé à tout : quel est le prochain défi ?
E.G : Il nous reste à résoudre le problème des déchets aux abords de nos restaurants ou tout simplement du tri sélectif dans nos salles. Les gens ne comprennent pas pourquoi on ne s'y met pas alors qu'eux le font à la maison. Si j'avais une baguette magique, c'est ça que je résolverais tout de suite. Le problème, c'est que les communes ne nous le permettent pas. Quand les camions-poubelles passent, ils prennent tous les conteneurs et ils les vident dans la même benne : il n'existe pas de filière de tri sélectif pour les entreprises. Notez que pour le moment, nous continuons à payer les taxes d'ordures ménagères dans les communes et que nos franchisés sont obligés de se faire collecter par un système privé qui coûte entre 10.000 et 15.000 euros par an et par restaurant. La destination des camions est inconnue bien qu'en général, il s'agisse d'incinération.
Aujourd'hui, il faut savoir que le tri sélectif des déchets ménagers est financé par une taxe appelée "éco-emballage" : c'est le fameux petit logo que vous voyez sur les emballages jetables. Cette taxe est perçue chez toutes les entreprises qui génèrent de l'emballage. En ce qui concerne McDonald's, nous sommes taxés sur 18% de tous nos emballages parce qu'on a considéré, après analyse, que 18% de nos emballages partaient dans les déchets ménagers. Aujourd'hui, Eco-emballage veut nous faire payer 100% de l'assiette en 2011 : ça représente la bagatelle de sept millions d'euros de surcoût ! J'ai pensé qu'il y aurait au moins une collecte à des fins de recyclage mais ils nous ont répondu que les communes n'étaient pas prêtes pour cela. En revanche, ils proposent de mettre notre propre système en place...
Nous avons trouvé cinquante communes prêtes à détourner les camions de déchetteries ménagères pour nous mais ça reste très compliqué. Du coup, on s'est mis au travail avec une question : comment faire ? Bien sûr, nous pourrions faire le tri sélectif en salle mais ça partirait dans la benne commune et il n'y a rien de pire que de faire croire à nos clients que nous faisons le tri sélectif alors que nous ne le faisons pas...
Alors à quel système avez-vous pensé ?
E.G : Pour le moment, la piste est d'envoyer la totalité de nos déchets à la méthanisation** parce qu'il s'avère que 75% de la totalité de nos déchets sont compostables. Soit nous faisons un méthaniseur par restaurant mais ça coûte cher et ce n'est pas réaliste, soit nous utilisons le modèle écologique conçu par l'université de Troyes, qui a créé un méthaniseur pour cinquante restaurants. Il reviendrait environ à 800.000 euros mais son coût serait compensé par nos économies d'énergies, de taxe sur l'éco-emballage... En plus, nous pourrions revendre l'électricité produite à EDF.
De même, nous pensons que les agriculteurs avec qui nous travaillons pourraient créer de l'énergie : les élevages de poulets pourraient installer des panneaux photovoltaïques sur leurs toits ; on pourrait également récupérer le fumier des animaux. D'ailleurs, on découvrira bientôt qu'il vaut mieux avoir des vaches en bâtiment qu'à l'herbage - sur un plan purement environnemental parce qu'au lieu de partir dans les nappes phréatiques, le fumier pourrait être recueilli. Bref, il y a un nouveau schéma agricole, tout à fait fascinant, qui est en train de se dessiner et nous y serons évidemment acteurs.
Justement, quel rôle jouez-vous dans l'agriculture française ?
E.G : 60% de tout ce qui rentre dans nos restaurants est issu de l'agriculture française ; 75% de ce qui est livré provient d'unités de production françaises : je fais la distinction entre le produit fini et la matière première qui a servi au produit fini. Bref, nous sommes le plus gros partenaire de l'agriculture en France et c'est le cas depuis trente ans. Il y a 3.000 hectares de culture de pommes de terre pour nous dans le pays, nous travaillons avec 37.000 éleveurs français... Dans la région, le plus gros acteur, c'est Mc Cain à Matougues (Marne) et puis il y a la société Reine de Dijon (Côte-d'Or), qui fait toutes nos sauces.
Vous allez bientôt devenir irréprochables...
E.G : Mais nous le sommes déjà ! C'est vrai que c'est de la communication dans le fond mais c'est de la communication utile.
Depuis quelques mois, les Dijonnais peuvent voir circuler dans la ville un éco-patrouilleur McDonald's qui ramasse les déchets de l'enseigne : ça aussi, c'est de la communication ?
E.G : Un peu mais les résultats sont là : il y a 20 % de déchets MacDo en moins dans les rues de Dijon. Nous nous sommes appuyés sur l'expérience de Dijon afin que la démarche devienne une posture nationale. Nous cherchons également à nous associer à d'autres commerçants. J'étais à Marseille ces derniers jours, où nous nous sommes d'ores et déjà associés à Quick, et le maire du premier arrondissement me disait qu'un autre magasin voulait se joindre à nous. Vous voyez, il y a également un travail collaboratif avec les collectivités...
Avez-vous pour habitude de rencontrer les élus des collectivités ?
E.G : Au niveau national, nous avons eu l'occasion de recevoir près de 350 députés et sénateurs sur 900. Nous avons fait plus d'un tiers des parlementaires donc c'est intéressant...
O.B : En Côte-d'Or, nous avons d'ores et déjà reçu beaucoup de monde : Bernard Depierre et Rémi Delatte (députés de Côte-d'Or), François Rebsamen (sénateur-maire de Dijon), Louis De Broissia (vice-président du conseil général de Côte-d'Or). François Sauvadet (président du Conseil général Côte-d'Or) et François Patriat (président du conseil régional Bourgogne), on a essayé mais on n'y arrive pas. Après, je ne dis pas que ça crée quoi que ce soit mais le but est de dire : vous avez des idées sur MacDo alors venez voir. Et c'est ce que nous venons de faire ensemble..."
* Une pompe à chaleur est un dispositif thermodynamique permettant de transférer la chaleur du milieu le plus froid vers le milieu le plus chaud (et donc de le chauffer), alors que, naturellement, la chaleur se diffuse du plus chaud vers le plus froid jusqu'à l'égalité des températures. (Source Wikipédia)
** La méthanisation, en tant que bioprocédé, peut être mise en œuvre dans un digesteur pour dépolluer des rejets chargés en matière organique tout en produisant de l'énergie sous forme de méthane. Elle permet de traiter des rejets aussi divers que les eaux usées, les boues de stations d’épuration, les déchets de l’industrie agro-alimentaires, les déchets agricoles... La méthanisation avec valorisation du biogaz produit compte parmi l'ensemble des solutions de production d'énergie renouvelable en permettant d'atteindre deux objectifs complémentaires : produire de l’énergie, tout en réduisant la charge polluante des déchets et des effluents organiques, mais également, selon la nature du produit de départ, produire un digestat stabilisé utilisable comme fertilisant ou amendement organique. (Source Wikipédia)
