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Billet de blog 10 février 2010

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Quand la presse dérape... Comment? Jamais!

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Diffusé mardi 9 février sur Arte, le reportage "Internet : main basse sur l’info" a été suivi d’une séquence édifiante mettant en scène "huit journalistes en colère", huit ténors de la profession qui devaient monter au créneau pour dénoncer "le mal qui ronge l’information" (mal = internet, plagiat, gratuité, méchants politiques, publicité, Google news, etc.). Ils ont ainsi eu "carte blanche pour dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas". L’accroche était tentante, dijOnscOpe s’est engouffré dans la brèche. Pour rester sur le carreau. Et vous, qu’en pensez-vous ?...


Le journalisme version "people"


L’occasion de crever certains abcès – avec colère de préférence –, était pourtant belle. Mais pas autant que le plateau des invités, il faut le reconnaître : David Pujadas (présentateur du JT de France 2), Philippe Val (directeur de France Inter), Jean-Pierre Elkabbach (journaliste politique), Arlette Chabot (directrice de la Rédaction de France 2), Edwy Plenel (directeur de MédiaPart), Franz Olivier Giesbert (directeur du Point), Eric Fottorino (directeur du Monde), Axel Ganz (fondateur de Prisma Presse).


Pour l’occasion, les huit pontes du journalisme étaient filmés par Denis Jeambar, membre du conseil d'administration de Marianne et ancien directeur de l'Express. De grands noms pour de nobles débats : voilà ce dont nous avions tous besoin, journalistes comme lecteurs. Car "quand l’information va mal, c’est toute la démocratie qui est en danger", rappelle le réalisateur. Bref, les grands esprits se rencontrent pour aider la presse à sauver ses billes de la crise qui la touche, balayée qu’elle est de plein fouet par l’indifférence grandissante du public à son égard. Et encore, ce n’est que l’introduction du documentaire...


Décryptage depuis la Bourgogne


Chapeau bas pour les éditorialistes d’un soir : ils ont fait montre d’un stoïcisme digne des plus grands (eux aussi) sophistes grecs. Comme le disait Sénèque dans son ouvrage De la Colère, "Tu commences à vaincre [la colère] si tu la fais taire". Pari réussi : s’ils sont mécontents, leur bienséance est exemplaire. Aucun n’a eu un mot plus haut que l’autre sur ses voisins de journal. Petit florilège de leurs interventions...


Davis Pujadas, le moralisateur : "Le problème n’est pas à côté de nous mais en nous". Contre : conformisme, mimétisme, bruit de fond médiatique, journalisme des bons sentiments, bien-pensance. Pour : le retour aux fondamentaux, la libre pensée, l’analyse des faits. Conclusion : la presse a seulement l’apparence du courage. Rappel : David Pujadas est présentateur du JT de France 2, dont le capital est exclusivement détenu par l'État français.


Philippe Val, le libérateur : "Il faut penser contre soi-même". Contre : la tentation du bien et du mal, l’opinion, le journalisme engagé. Pour : l’indépendance, les faits, les faits, les faits ; la conjuration de la fin de l’info. Conclusion : honnie soit la presse gratuite, honte de la profession. Rappel : Philippe Val a été l’un des fondateurs du journal satirique Charlie Hebdo. Aujourd’hui, il dirige France Inter, dont l’actionnaire unique est l’Etat français.


Jean-Pierre Elkabbach : le pacificateur : "Assez d’agir en meute, de nous copier". Contre : la bataille entre le Bien et le Mal, le voyeurisme, la peopolisation, le citoyen journaliste, la course aux subventions d'État. Pour : le journalisme citoyen, la curiosité, l’agitation intellectuelle. Conclusion : chacun sa place. Rappel : Jean-Pierre Elkabbach a été président de France 2 et France 3, président de Public Sénat, journaliste sur Europe 1, officier de la légion d’honneur...


Arlette Chabot, le protecteur : "Méfiez vous de la théorie du complot, l’idée que les médias traditionnels vous cacheraient la vérité". Contre : la liberté présumée d’internet, la manipulation, la tentation du vite, vite, vite. Pour : la réflexion. Conclusion : Internet est une zone grise pour l’information. Rappel : Arlette Chabot est directrice de la rédaction de France 2 (actionnaire connu), mais aussi Chevalier de la Légion d’honneur, membre du Siècle, un club parisien réunissant les membres de la «classe dirigeante» française.


Edwy Plenel, le sélectionneur : "Je crois à une presse papier [...] plus haut de gamme". Contre : l’inutile, le copier-coller, la redondance, la médiocrité, la presse traditionnelle. Pour : Internet, la démocratisation de l’info, l’identité forte des médias. Conclusion : Le numérique est sans retour pour la presse traditionnelle. Rappel : Edwy Plenel a été directeur de la rédaction du Monde, soit 25 ans de bons et loyaux services avant de démissionner pour fonder un journal numérique concurrent : MédiaPart.fr.


Franz Olivier Giesbert, le calculateur : "Un journal en déficit est toujours malade". Contre : les pressions en tout genre, notamment politiques. Pour : le lecteur, véritable patron. Conclusion : Les pressions viennent de partout : quand ce n’est pas le PS, c’est l’UMP. Rappel : Avant de rejoindre Le Point, Franz Olivier Giesbert a occupé les fonctions de directeur au sein du Nouvel Observateur et du Figaro. Sans oublier un petit détour par Paris Première, Europe 1, France 2, France 3, le Siècle, etc.


Eric Fottorino, le prédicateur : "Le quotidien de redite est condamné à la disparition". Contre : le manque de créativité, les lobbyings divers et variés, le chef de l'État. Pour : le contre-pouvoir, l’élitisme journalistique. Conclusion : Personne, aucun annonceur, aucun chef d’entreprise, ne s’est jamais permis de l’appeler lui, Eric Fottorino, au journal pour faire pression. Rappel : Eric Fottorino est l’actuel directeur du Monde mais ne se prive pas de quelques petits à-côtés : chargé de conférences, journaliste, romancier, essayiste, cycliste, etc.


Le mot de la fin était pour Axel Ganz, directeur de Prisma Presse, qui souhaite "informer le monde plutôt que de vouloir le changer". Sagesse stoïcienne une fois de plus ; qui oserait contredire et sous-entendre que la mission du journaliste n'est pas de "donner librement l'information aux gens"?


Et pourtant, il faut reconnaitre au final qu’à Paris comme en Province, quel que soit le support médiatique, les guerres intestines et les tranchées creusées entre médias alimentent souvent plus la crise que la défection du public en elle-même. Qui détient véritablement l’information au fond, lorsque l'on creuse dans les rouages qui en permettent l'accès ? Qui peut affirmer "savoir" tandis que les pressions sur le "pouvoir" se multiplient?


Les pistes de réflexion à venir sur dijOnscOpe


* Best of des dérapages journalistiques sur le net
* 8 journalistes (vraiment) en colère



Le débat sur dijOnscOpe : mode d’emploi


Chers internautes et mobinautes : ce débat virtuel est l’occasion pour tous de faire le point sur un sujet et de tenter d’en appréhender le maximum de tenants et aboutissants. Une à deux fois par mois, nous posons une problématique et pendant plusieurs jours, nous tentons de répondre à vos questions en sollicitant toutes les parties impliquées dans la thématique.


* Jour 1 : le débat est posé avec une mise en perspective rapide des enjeux et des oppositions flagrantes. Nous vous annonçons les pistes que nous avons suivies. Vous êtes invités à réagir.
* Jours 1 à 3 : vous posez vos questions, exposez vos arguments. Vous engagez le débat collectif ; nous cherchons et interviewons les interlocuteurs impliqués. Chaque jour, nous procédons à une synthèse des enquêtes effectuées et des avis recueillis.
* Jour 3 : nous disposons tous enfin de suffisamment d’éléments pour comprendre les enjeux du sujet proposés et surtout, nous constituer un avis qui soit le plus clair et le plus objectif possible.


Demandez, nous enquêtons.

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