
Le 1er mars 2010, un texte voté au Parlement en janvier dernier transformera La Poste en société anonyme à capitaux publics au grand dam de ses employés et des partis de gauche, qui crient à la privatisation insidieuse. Le référendum organisé sur la question à l'automne 2009 et qui aura réuni 2,3 millions de votants en France, dont 15.329 Côte d'Oriens (dont 14.299 voix contre le changement de statut de La Poste), ainsi que les diverses grèves des employés, n'y auront rien changé. Alors pour se faire une raison, certains d'entre eux ont trouvé la parade : l'ironie ! Récit d'une "cliente" confrontée à la nouvelle politique maison...
Du rire...
"Il y a quelques jours, je devais passer à la poste pour envoyer un livre par colis. Je repoussais un peu le moment redoutant les files d'attente légendaires de l'institution ancestrale... Je me lance et pousse la porte d'une agence à Dijon. Un constat étrange me saute alors aux yeux : il n'y a personne. Quelle veine alors ! Une dame âgée termine tout juste son opération laissant le guichet rien qu'à moi. Voilà une belle journée qui s'annonce...
- Bonjour monsieur, j'aimerais envoyer ce livre par colis s'il vous plaît.
- Vous savez combien il pèse ?
- Ah non...
Le guichetier, d'une cinquantaine d'années à vue d'œil, s'empare du livre, le pose sur la balance, sort de sa guitoune pour aller chercher dans les allées l'enveloppe correspondante et revient à moi.
- La prochaine fois, je saurai que c'est du libre service...
- Non, on peut encore se rendre utile ! Et sinon vous ne voudriez pas d'une recharge de téléphone Orange ?, lance-t-il d'un air chafouin.
- Euh, non pas trop...
- Mais si, mais si. Regardez, si vous achetez une recharge, vous recevez en cadeau ce magnifique cadre photo en forme de cœur ! C'est spécial Saint Valentin cette semaine !
Le guichetier sort en effet de son tiroir un cadre rouge comportant une photo d'un couple semblant fort heureux et amoureux... La scène est incongrue et je ne peux inévitablement m'empêcher de rire.
- Non non, vraiment, je crois que je vais me passer de la recharge téléphonique !
- Oui mais si vous en preniez deux, j'étais prêt à vous offrir en plus du cadre cette formidable bougie également en forme de cœur ! Ça ferait un beau cadeau pour votre amoureux, non ?
- C'est vraiment gentil mais je crois que je vais m'arrêter à l'envoi de mon colis. Ah si, j'allais oublier ! J'aurais besoin de quatre timbres s'il vous plaît.
- Comment, vous avez dit avoir besoin d'une recharge téléphonique ?
... Aux larmes
Cette fois-ci, j'éclate de rire. Le guichetier, tout sourire, sort quatre timbres d'un classeur datant certainement d'avant-guerre vu son allure délabrée. Le temps que je reprenne un semblant de sérieux, le monsieur m'a encaissée et me souhaite de passer une bonne journée. Je repars, le cœur réchauffé en cette froide journée d'hiver. Je traverse les allées de l'agence en passant devant les présentoirs sur lesquels figurent toutes sortes d'objets.
Tout à coup, je prends conscience du drame qui vient de se jouer. Les voiturettes jaunes siglées La Poste, à offrir aux enfants, et les boîtes aux lettres miniatures révèlent le malaise. Je suis dans un supermarché où chaque timbre, chaque enveloppe est en libre-service. Les anciens PTT sont bel et bien morts. Et celui qui fut guichetier jadis n'a d'autre choix aujourd'hui que d'être commercial. L'humour en parade pour mieux faire passer la pilule, pas plus pour le client que pour lui-même... On en rira bien un jour, non ? Peut-être pas... ".
