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Billet de blog 12 juin 2010

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Manuel Valls : "Je suis bien au PS... même si ça ne se voit pas toujours!"

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Membre du Parti socialiste (PS), maire d'Évry depuis 2001 et député de la première circonscription de l'Essonne depuis 2002, Manuel Valls est actuellement le seul candidat officiellement déclaré à la primaire du parti socialiste pour l'élection présidentielle de 2012. De passage à Dijon, mercredi 09 juin 2010, pour dédicacer son nouveau livre, "Pouvoir"*, à la librairie indépendante Grangier, celui qui se revendique comme un "outsider déterminé" entend bien jouer de son pouvoir lors des primaires du PS en 2011 et au-delà... Manuel Valls, ou l'espoir incarné du changement à gauche pour en finir avec le vieux socialisme...


La valse des primaires


Il se murmure chez les "petits candidats" l'existence d'un "pacte" entre Martine Aubry, Dominique Strauss-Khan et Ségolène Royal, pour ne pas se concurrencer. Manuel Valls tacle Laurent Fabius qui légitime ce pacte au nom de l'unité : "Je joue collectif mais attention, je pense que l'unité de rassemblement est employée pour nous faire taire. Si des candidats s'arrangent entre eux, faisons vivre ce débat démocratiquement. C'est une mobilisation populaire qui peut être tout à fait extraordinaire."


Hormis ces "arrangements" au PS, le député de l'Essonne tire la sonnette d'alarme sur la validité des sondages d'opinions deux ans avant la présidentielle et un an avant les primaires : "Les primaires peuvent être un formidable moment démocratique mais attention à tous les sondages. (voir le sondage CSA du 04 juin 2010). Attention aux hommes providentiels, à tous ceux que l'on attend! Ce n'est pas eux que l'on retrouve au bout. Il faut parler, discuter, trancher et ensuite mener un mouvement collectif pour la France. Je suis candidat depuis juin 2009 et déterminé à faire valoir ma démarche, ma génération, mon projet."

Une Nation de gauche


Fils d'un père artiste peintre et d'une mère institutrice suisse italienne, Manuel Valls est né à Barcelone. Il est l'un des rares députés à ne pas être né Français : "Je suis naturalisé. J'ai appris à devenir Français. Je suis Catalan, méditerranéen et profondément Français. J'aime ce pays, j'en suis fier et je suis républicain." Il juge "catastrophique" la manière dont le débat sur l'identité nationale a été mené : "Être français est une construction complexe, on ne peut pas la définir par une seule identité".


Entre intégration et assimilation, à gauche, il n'y a qu'un pas : "La jeunesse a besoin que l'on valorise ses origines lorsqu'elle est issue de l'immigration mais on doit aussi lui apprendre à aimer la France". Jamais avare en critique sur son propre parti, Manuel Valls estime que "la gauche a oublié qu'elle avait inventé la Nation et que la nation s'invente tous les jours. Il ne faut pas en avoir peur bien au contraire. La démocratie s'organise d'ailleurs dans la Nation, l'État-Nation". Selon le maire d'Evry : "Être français ne se définit pas en fonction de l'origine, du lieu de naissance ou du sang mais en fonction de la langue française et de la République avec ses lois émancipatrices".

Sarkozy "impuissant"


Manuel Valls livre une critique acerbe du "sarkozysme" et notamment du " bougisme" qui conduit directement, dit-il, à une forme d'"impuissance". Roi-fainéant contre roi "bougiste", le député de l'Essonne condamne "l'impuissance" des deux derniers présidents de droite : "Jacques Chirac considérait que l'on ne pouvait pas réformer le pays. Il l'avait d'une certaine manière intériorisé son impuissance. De l'autre côté, Nicolas Sarkozy, en lançant des réformes dans tous les sens, sans cap, sans tenir compte de la réalité économique, au fond, amène finalement au même résultat, même si l'animal est solide et que l'élection présidentielle est loin d'être faite."


Lucide sur la défiance des électeurs envers ses politiques, Manuel Valls soutient le devoir de vérité envers les français : "Dans un pays comme la France qui aime beaucoup la politique même si elle la rejette, des slogans de campagnes tels que "Ensemble tout devient possible", c'est faire croire aux Français que le politique peut tout. Non, c'est faux. Le politique doit être à sa place : éclairer l'avenir, faire preuve de pédagogie, dire quels sont les enjeux, définir les priorités. J'essaie d'être un Michel Rocard efficace. La politique doit se réhabiliter en disant la vérité."

Redéfinir la gauche


"Le vrai problème du politique et donc de la gauche, c'est ce lien entre individu et collectif. Il nous faut mieux répondre à la demande individuelle de chacun. En France, la loi est générale et en plus, la gauche a eu tendance à proposer des projets plus standardisés comme les 35 heures car on pense que c'est le moyen de parvenir à l'égalité ; c'est une belle idée mais c'est plus compliqué que ça. La gauche française à été très dominée par une vision très globale de sa réponse."


Entre "égalité" à gauche et "liberté" à droite, le cœur de Manuel Valls balance. Dans sa volonté de rénover et de moderniser le parti socialiste, il défend ce qui sera certainement l'un de ses futurs slogans de campagne : "l'autoréalisation individuelle". "Je prône l'idée que l'État, les services publics, la société, donc le politique, doivent aider un homme à se frayer un chemin. Il faut aider chaque citoyen à s'émanciper davantage, à construire son chemin tout au long de la vie. Cela rejoint le problème notamment de la formation continue, du crédit formation. Mes idées rejoignent celles de Michel Rocard sur l'autonomie et celles des années 1960 avec l'autogestion. Le socialisme, c'est l'individu jusqu'au bout. Il y a une part aussi en chacun de nous de responsabilité. Lutter contre les inégalités, c'est ça la différence entre la gauche et la droite. Aider ceux qui ont besoin de ce soutien."

Lionceaux contre éléphants


Lorsque l'on interroge Manuel Valls sur la "rupture" qu'il pourrait incarner en tant que figure prometteuse de la nouvelle gauche face à l'hégémonie des "éléphants" du PS, il reste prudent : "Je me méfie du mot rupture. La rupture avec le capitalisme dans les années 1980, la rupture avec le chiraquisme selon Nicolas Sarkozy ; en général, tout ce qui s'apparente de près ou de loin à une rupture se termine mal."


Montré du doigt comme étant le "Nicolas Sarkozy de gauche", il rétorque : "Je suis bien au PS même si ça ne se voit pas toujours. C'est ma famille politique. Ce sont mes référents. Je me suis engagé pour Michel Rocard, j'ai travaillé quatre années avec Lionel Jospin. Je suis sûr que si nous l'emportons en 2012, le gouvernement de la France aura de la gueule."


Manuel Valls reste bon joueur et salue ses "vieux" frères-ennemis du parti socialiste avant la bataille des primaires : "Évidemment qu'il y a une génération qui a commencé dans les gouvernements de François Mitterrand, qui fut au cœur de la dream-team de Lionel Jospin, je pense à Martine Aubry, Dominique Strauss-Khan, François Hollande ou Ségolène Royal. C'est normal qu'ils veuillent reconquérir le pouvoir. Ma foi, si le conflit entre les générations crée de la compétition dans le bon sens du terme, je trouve cela normal. Ma génération, ma classe d'âge au sein du PS, a soif de gouverner mais elle est trop timide. Elle s'est trop rangée derrière ses leaders."

Par ici la sortie !


A l'inverse d'autres pays comme les États-Unis, le maire d'Evry estime qu'il est plus difficile de se faire une place au sein de la vie politique française quand on est jeune à cause de la longueur des carrières politiques et de la possibilité de rebondir après un échec électoral : "Je me méfie du débat générationnel. J'ai 48 ans, c'est l'âge où certains gouvernent dans le monde, voire sont déjà partis pour la retraite. Le cas de Barack Obama fait rêver les ambitieux."


"On a reproché à Lionel Jospin d'avoir annoncé qu'il quittait la vie politique le soir du 21 avril 2002. Certains l'ont ressenti comme un abandon. Pourtant, c'est ce qui se pratique dans d'autres pays. On quitte la scène politique après une défaite aux élections. On lui a reproché après, à juste titre peut-être, d'avoir voulu revenir, d'avoir été ambigu. A titre personnel, je ne lui reproche pas d'avoir fait cette déclaration."

Valls au pouvoir


Mettant de côté le problème des déficits publics abyssaux, Manuel Valls envisage deux réformes structurelles en priorités, lourdes mais essentielles. L'école tout d'abord : "Nous sommes le seul pays qui a inventé la semaine de quatre jours. Il y a des réformes à faire : Passer de 140 à 180 jours, la place de la culture, des arts, du sport dans notre système scolaire, valoriser le métier des enseignants qui se sentent aujourd'hui dépréciés par les pouvoirs publics, rebâtir un contrat avec eux avec une vraie réflexion sur notre système universitaire car lorsque vous avez près d'un étudiant sur deux qui sort au bout de la première année, c'est que quelque chose ne va pas".


La seconde réforme quant à elle, concerne la fiscalité : "La fusion de l'impôt sur le revenu avec la CSG, c'est à dire un impôt progressif. Il faut également s'attaquer aux niches fiscales, supprimer le bouclier fiscal, supprimer ou réformer l'impôt sur la fortune, il faut une tranche supérieure de l'impôt sur le revenu. Enfin, je suis partisan de la taxe carbone avec une véritable fiscalité écologiste."

* Pouvoir de Manuel Valls est publié chez Stock dans la collection "Les documents". Disponible depuis le 24 mars 2010.

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