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Billet de blog 12 juin 2010

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Pôle Emploi : Un service public au chômage!

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Au premier janvier 2009, sur fond de crise économique, l'ANPE et les Assedic disparaissent ; leur fusion donne naissance à Pôle-Emploi. Un an et demi plus tard, le constat est alarmant : afflux de chômeurs, explosion des fils d'attentes, services en sous-effectif, dégradation des conditions de travail, manque de formation, retards dans le traitement des dossiers, précarité des nouveaux employés, difficultés techniques (Lire notre dossier ici)... Quatre syndicats (CGT, SNAP, SNU FSU et SUD Solidaires) appelaient donc à la grève mardi 08 juin 2010 à Pôle emploi, pour dénoncer un service public en déliquescence. Près de 19% des salariés selon la direction - 25% selon les syndicats, ont manifesté...

Le renvoi du "plan rebond"


Signé par le gouvernement et les partenaires sociaux le 15 avril 2010, le "plan rebond" pour l'emploi prévoit la mise en place de mesures pour les chômeurs qui arrivent en fin de droits à l'assurance chômage. Vincent Kerlouégan, délégué syndical régional SNU-FSU Pôle-Emploi Bourgogne affirme que le service est en sous-effectif pour assurer efficacement le suivi de ces chômeurs en fin de droits : "Selon la direction, nous devons recevoir 400.000 demandeurs d'emploi (340.000 selon le site du gouvernement) mais, selon les syndicats, ce serait plutôt un million de personnes qui arrivent en fin de droits. Nous devons les recevoir dès maintenant et nous n'avons clairement pas les moyens supplémentaires en effectif pour le faire."


Selon le secrétaire d'État chargé de l'emploi, Laurent Wauquiez, ce plan rebond vise à proposer à ces personnes des contrats aidés. L'État prévoit également 70.000 formations rémunérées en plus sur toute la France. "Le gouvernement a oublié d'associer les régions qui sont les financeurs de la formation. Aujourd'hui, la Bourgogne n'est pas certaine de pouvoir financer le nombre de formations prévues dans la région", s'alarme le secrétaire régional du SNU.


Enfin, pour tous ceux qui ne pourraient ni bénéficier d'un contrat aidé ni d'une formation, une allocation exceptionnelle de retour à l'emploi d'un montant de 460 euros par mois sera versée pendant six mois à tous les demandeurs qui ont perdu leurs droits à partir du premier janvier 2010. "Le financement des contrats aidés et des allocations risque de ne pas être assuré entre le budget de rigueur de l'État et celui de l'Unedic. Et puis dans 6 mois, que fait-on ?", s'interroge le délégué syndical.

Un conseiller pour 500 demandeurs !


Jean-Luc Michely, conseiller Pôle Emploi, estime posséder un "tout petit porte-feuille de 150 demandeurs" en comparaison de ses collègues : "Il peut s'étendre de 300 à 500 demandeurs. La moyenne officielle proposée par la direction est de 200 mais ça peut aller jusqu'à plus du double."


Vincent Kerlouégan: "Aujourd'hui, en Bourgogne, chaque conseiller qui suit et accompagne les demandeurs d'emploi en a 243 dans son porte-feuille. Avant la fusion, si on remonte à 18 mois, il était environ de 150 par conseiller. Évidemment, la crise est passée par là et a fait exploser les chiffres. Il était prévu à l'horizon 2012 avec la fusion, 5% de chômage et 50 à 60 demandeurs d'emplois suivis par conseiller. Nous en sommes à quatre fois plus en moyenne. La fusion peut fonctionner uniquement si l'on prévoit pour chaque conseiller à l'emploi 60 demandeurs d'emplois à suivre. Au-delà, c'est bancal."

"Une fusion de façade"


Pour Angélique Allexant, employée au service administratif qui gère les ateliers et les bilans de compétences sans lien direct avec le public : "La fusion est pour l'instant uniquement sur le papier. Après, les métiers n'ont absolument pas fusionné. Nous restons chacun sur nos spécificités et nos expertises. Il n'y a pas de partage, pas le temps du partage, pas le temps de la formation. Nous restons deux entités complètement différentes."


Vincent Kerlouégan regrette, malgré les demandes répétées de report de ses collègues, que l'État ait décidé, en faisant fi de la crise, d'opérer la fusion entre l'ANPE et l'Assedic : "La fusion n'est qu'une façade. Les personnes sont reçues dans un même lieu mais le service derrière est complètement dégradé. Les conditions de travail sont déplorables."

Stress, médicaments et agressions


Vincent Kerlouegan confesse ne pas pouvoir proposer aux demandeurs d'emplois le service qu'ils sont en droit d'attendre de lui en tant que conseiller Pôle-Emploi. Il décrit un véritable cocktail explosif où conseillers et demandeurs sont plongés, l'un l'autre, dans un véritable engrenage : "Nous ne voyons pas les demandeurs tous les mois comme ce devrait être le cas. Il y a par conséquent des risques d'agression, d'agressivité. Nous constatons de nombreuses menaces et agressions verbales dans la région."


Le moral n'est également pas au beau fixe pour les conseillers : "De nombreux collègues viennent travailler sous cachetons et d'autres s'arrêtent pour cause de stress ou de surmenage. Par exemple, dans la commune de Digoin (Saône-et-Loire), entre septembre et décembre 2009, sur un effectif d'une trentaine de collègues, six se sont arrêtés. Cela réduit encore plus les effectifs et ils ne sont pas tous remplacés."

Climat de défiance


Pour le secrétaire régional SNU, le constat est clair : "Officiellement et officieusement, le suivi mensuel personnalisé n'existe plus alors même que l'on devait passer à un entretien tous les quinze jours. D'un côté, le marché de l'emploi est saturé et de l'autre il y a eu une institution nationale qui a voulu lancer trop de réformes simultanément. La fusion, le regroupement et la réorganisation géographique de ces derniers mois entraînent plusieurs mois de retard pour le suivi mensuel des demandeurs d'emploi."


"Le suivi personnalisé existe à hauteur de vingt minutes toutes les quatre à six semaines. On ne va peut-être pas l'appeler personnalisé mais plutôt individuel", ironise quant à lui Jean-Luc Michely, qui se demande encore "si Pôle-Emploi permet de retrouver un emploi ou ne contribue pas à freiner plutôt le retour à l'emploi?". Son discours frise même la suspicion : "Concernant le gouvernement et en m'appuyant sur l'avis de certains de mes collègues, je me demande si il n'y a pas là une envie sous-jacente de faire imploser le service public. Plutôt que de le faire sauter, le réformer ou de le donner directement à l'intérim, il s'agirait de le faire imploser, d'où un laisser-aller flagrant dans les conditions de travail qui se dégradent."

Le chômage à Pôle-Emploi


Les grévistes dénoncent une "armée de précaires". La précarité a explosé dans les agences Pôle Emploi. Le SNU-FSU critique à la fois les prévisions chiffrées non réalisables du gouvernement et la rigidité de leur direction : "Il y a 17% de contrats précaires à Pôle-Emploi alors que la convention collective nationale mise en place depuis le premier janvier 2010 n'en prévoit que 5% maximum. 12% des personnes en contrats précaires devraient être en CDI actuellement. Lorsque l'on interpelle la direction sur ce sujet, elle répond que l'on peut toujours aller devant les juridictions compétentes pour les faire condamner. Dès lors, nous reviendrons à 5% de contrats CDD tel que prévu mais derrière cela, on nous précise bien que la charge de travail explosera..."


Christelle Mercey, employée des services de Pôle Emploi, est un exemple de ces récents employés au statut précaire : "A l'heure actuelle, nous sommes trois CDD et quatre titulaires contractuels sur l'ensemble du service. J'ai commencé le premier février 2010 en sachant qu'il y avait quelqu'un d'autre avant moi, déjà un CDD remplacé mais non embauché."


Jean-Luc Michely, 52 ans, est un autre cas concret : en CDD de quatre mois à Pôle-Emploi depuis février 2010, son contrat prend fin dans une semaine et il n'est pas renouvelable. Il surenchérit sur le mécanisme infernal de la précarité qui touche les agences en France : "Les agences, notamment sur Dijon, dans L'Yonne ou en Saône-et-Loire, ont recours à des CDD non pas en cas de besoin mais quand, dans l'agence, la situation n'est absolument plus gérable et qu'il faut, à tout prix, faire appel à une ou deux personnes en plus. Ce sont donc, la plupart du temps, des CDD de trois ou quatre mois non renouvelés. Le CDI à Pôle-Emploi n'existe plus pour une raison de sur-effectif d'après la direction, qui nous explique qu'il y avait suffisamment de CDI et qu'il y aura fatalement bientôt une baisse du nombre de demandeurs. C'est pourquoi, il n'y a pas de raison de surcharger la masse salariale."

Bug informatique


Le portail Neptune, qui devait unifier les deux systèmes avec Clan (ex-Assedic) pour l'indemnisation et B 2000 (ex-ANPE) pour l'accompagnement, semble observer des difficultés techniques de fonctionnement : "La direction a suspendu le déploiement. En Bourgogne, Neptune devait être déployé fin juin mais nous ne savons pas si cela se fera et quand", se demande Vincent Kerlouégan, qui estime que le travail ne peut se faire correctement. "Dans certains pôles, nous avons un serveur ex-ANPE opérationnel mais sans serveur indemnisation. Les collègues de l'indemnisation ne peuvent donc pas venir travailler. Dans d'autres lieux, c'est le même problème mais inverse..."


Parmi les nombreux dysfonctionnements observés liés aux traitements des dossiers, Jean-Luc Michely, conseiller à l'emploi, cite l'exemple de son propre fils, inscrit à Besançon et qui doit transférer son dossier à Dijon : "Cela fait trois semaines qu'il essaye de faire le transfert. On lui dit de passer par internet, ce qu'il a fait, mais le changement d'adresse sur internet n'a pas été pris en compte. Lorsque l'on téléphone au 3949 qui, paraît-il, est le numéro fabuleux qui résout tout, on oublie de dire au demandeur d'emploi que lorsqu'il change de région, il ne doit pas dire qu'il veut changer d'adresse mais plutôt qu'il veut se réinscrire ! Si vous dites que vous voulez faire un changement d'adresse, on vous dit de retourner sur le site Pôle-Emploi.fr où vous venez déjà de faire le changement d'adresse qui n'est pas pris en compte... De plus, vos interlocuteurs au 3949 sont en CDD, formés à la va vite en trois jours." Allez comprendre...

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