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Billet de blog 12 août 2011

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Londres: le chaos vu de l'intérieur...

Magasins éventrés, vitrines brisées, mobilier urbain saccagé... Comme chaque matin et depuis plusieurs jours, Londres panse ses plaies. Depuis samedi 06 août 2011 et le décès d'un homme de 29 ans dans une fusillade avec la police au cœur du quartier de Tottenham, la capitale britannique est prise dans la tourmente. Alors que le Premier ministre, David Cameron, s'est dit prêt à recourir à l'armée étouffer les émeutes, dijOnscOpe a pu recueillir le témoignage de trois Dijonnaises ayant passé la semaine dans la capitale anglaise...

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Magasins éventrés, vitrines brisées, mobilier urbain saccagé... Comme chaque matin et depuis plusieurs jours, Londres panse ses plaies. Depuis samedi 06 août 2011 et le décès d'un homme de 29 ans dans une fusillade avec la police au cœur du quartier de Tottenham, la capitale britannique est prise dans la tourmente. Alors que le Premier ministre, David Cameron, s'est dit prêt à recourir à l'armée étouffer les émeutes, dijOnscOpe a pu recueillir le témoignage de trois Dijonnaises ayant passé la semaine dans la capitale anglaise...


Des émeutes prévisibles ?

Jeudi 04 août 2011. Une fusillade avec la police britannique met le feu aux poudres ; Mark Duggan est abattu. Soupçonné d'être un dealer de cocaïne, il laisse quatre enfants derrière lui. Deux jours plus tard, au terme d'une marche organisée par les proches du défunt dans le quartier de Tottenham, des premiers heurts opposent manifestants et forces de l'ordre. Un scénario qui va se répéter et gagner Londres ainsi que plusieurs villes du pays mardi 09 août 2011... Pourtant, depuis plusieurs mois, la tension était palpable. Les émeutes qui touchent le pays ont-elles donc uniquement pour origine ce fait divers ou condamnent-elles d'une façon plus globale la politique d'austérité infligée par le gouvernement conservateur ? Étudiante en philosophie, économie et politique, Raphaëlle Houdot, originaire de Dijon, se souvient des premières manifestations étudiantes qui ont touché l'île en avril dernier...

"Le système universitaire anglais est assez différent de ce que nous connaissons en France. Les frais de scolarité sont beaucoup plus élevés", explique-t-elle. Alors que les droits d'inscription étaient plafonnés jusqu'à présent à 3.700 euros, ils s'envoleront jusqu'à tripler pour certaines universités comme Cambridge à la rentrée prochaine. "Les étudiants vont être obligés de souscrire à un prêt pour suivre des études. Les demandes d'inscription à l'université vont donc inévitablement chuter." Objectif affiché du gouvernement ? Économiser 110 milliards d'euros d'ici 2015... "Plusieurs amies se sont rendues à Londres pour aller manifester devant le Parlement, sans que rien ne change." À titre de comparaison, un étudiant en France doit débourser en moyenne 177 euros pour une licence et 245 euros pour un master selon un rapport de l'Institut de l'entreprise (Lire ici). "En Angleterre, peu d'étudiants poursuivent avec un master. La majorité des diplômes se font en trois ou quatre ans, ce qui permet de travailler directement après", poursuit celle qui a déjà suivi deux années de cours de l'autre côté de la Manche...

"Personne ne sait comment réagir"

Pour elle, deux points de vue s'opposent au sujet des émeutes qui secouent la capitale depuis plusieurs jours : "Certains considèrent que ces conflits ne sont pas à prendre au sérieux dans le sens où les jeunes profitent de la situation de crise, alors que d'autres pensent que ce malaise reflète un problème plus profond dans la société". Un sentiment que partage Émilie Damas. La jeune Dijonnaise travaille à Londres et reconnait que la tension était palpable depuis plusieurs semaines : "C'est un véritable problème de société dans le sens où Londres est une ville où cohabitent de grosses richesses et une extrême pauvreté".

Un phénomène qui puiserait donc sa source dans la typologie de la société et dans l'urbanisme-même de la ville. "Contrairement à ce que nous avions vécu en France en 2005, les heurts ont éclaté partout dans la capitale car une rue où la population est aisée peut se situer à côté d'une rue plus modeste. Je ne suis pas étonnée que cela éclate partout", poursuit Émilie Damas. Une Google map répertoriant les dégâts, les arrestations et les blessés a même été créée et l'opération "Riot cleanup" - pour nettoyer la ville après les dégâts causés par les émeutiers - n'a pas tardé d'être relayée sur les réseaux sociaux (Voir le site internet et le compte Twitter de l'opération). "Il est évident que ces événements font peur car personne ne sait vraiment comment réagir, ajoute-t-elle. Londres est une ville où la criminalité est assez répandue. Ce n'est pas la même chose qu'en France, mais le jour où ça arrive, c'est sérieux !"

A deux pas du stade des JO 2012 : la désolation

Et la jeune femme parle en connaissance de cause. Trois de ses amies ont déjà été agressées "pour un simple sac à main". "Les cambriolages sont aussi très fréquents. Et là, les voleurs fonctionnent sur le système des gangs, c’est-à-dire qu'ils dévalisent une rue entière en une nuit. Il y a même des personnes qui ont été séquestrées cinq heures le temps de vider la maison..." D'abord limités au quartier populaire de Tottenham, dans le Nord de la capitale, les incidents se sont propagés dans tout Londres, y compris au sein des quartiers les plus huppés.

"De ce que j'ai pu voir entre lundi et hier soir [ndlr : mercredi 10 août 2011], une réelle tension s'est installée, même au centre de Londres, dans des quartiers qui n'ont pas été touchés", nous confie pour sa part la Dijonnaise Claire Janvier. Car tous les quartiers sont aujourd'hui concernés. Hackney, par exemple, pâtit de cette très mauvaise publicité à moins d'un an des Jeux olympiques. "Le quartier a été chamboulé avec les travaux liés à l'accueil de la manifestation sportive. La Ville avait souhaité les organiser ici pour lui redonner une autre image", explique Émilie Damas. Pourtant, à quelques mètres du stade olympique de Stratford, la désolation est aujourd'hui immense. Ce qui était un des quartiers les plus pauvres du Royaume-Uni devrait pourtant fournir 25% des 11.000 employés nécessaires au bon fonctionnement du site olympique, dont le plus grand centre commercial d'Europe. "Londres est une ville de consommation. Avec la bourse, elle est un point central pour les transactions et voit circuler beaucoup d'argent". Tout un symbole, à l'heure où les bourses plongent elles aussi...

Des rues vides... mais pas de psychose !

Pour sa part, Claire Janvier est interpelée par le climat qui règne dans les rues : "Mardi 09 août, dans l'après-midi, j'étais a Angel - une station de métro - et dès qu'une voiture de police passait, on pouvait voir les gens qui se regardaient d'un air inquiet". En outre, elle note la présence importante de policiers alors qu'habituellement, ces derniers sont plutôt discrets dans la capitale. "Sur Saint Johns street, entre Clerkenwell road et Angel, j'ai dû en croiser une dizaine ! Il y avait même des vigiles au Sainsburys - un supermarché anglais - qui faisaient des allers-retours dans les allées". Mercredi 10 août, la jeune femme est sortie près de Picadilly Circus pour finalement constater que de "nombreux magasins ou restaurants fermaient plus tôt que d'habitude, ou avaient installé de véritables rideaux de fer pour se protéger contre les pilleurs". Le quartier était "vide" alors qu'il est habituellement l'un des plus touristiques de la ville.

Pourtant, face à la surenchère médiatico-politique, Claire Janvier préfère relativiser les choses : "En parlant avec mes amis, j'ai réalisé que personne n'avait vu venir ces émeutes. Dans les journaux, ils disent que l'élément déclencheur a été la mort d'un homme jeudi dernier mais l'impression que nous avons, c'est plutôt que des gens, - et pas seulement des gangs -, y participent car ils ont vu les premières émeutes comme un moyen d'obtenir des choses gratuitement. Et on sait que les émeutiers sont des cuisiniers, des mères de famille, des gens avec un casier vierge...". Dans un discours devant le Parlement britannique, le Premier ministre David Cameron, a considéré que ces émeutes "n'ont rien à voir avec la politique mais ont été motivées par la volonté de voler". Il s'est même dit prêt à recourir à l'armée pour faire cesser les émeutes. (Lire ici l'article du Point.fr sur le sujet). Et Claire Janvier de conclure qu'en quatre ans, c'est la première fois qu'elle ne se sent pas à l'aise à Londres : "Il est vrai que la ville est plongée dans une atmosphère spéciale, tendue, mais la vie continue... Les gens ne sont pas cloîtrés chez eux dans la peur, il faut juste être prudent".

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