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Billet de blog 12 septembre 2010

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Chômage des jeunes: à qui la faute?

Selon un rapport de l'Organisation internationale du travail (OIT) publié le 12 août, le chômage mondial des jeunes a atteint son plus haut niveau jamais enregistré et devrait continuer d'augmenter courant 2010. Ainsi, sur les 620 millions de jeunes économiquement actifs, âgés de 15 à 24 ans, 81 millions étaient sans emploi fin 2009 – le plus haut chiffre jamais atteint; 7,8 millions de plus qu'en 2007...

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Selon un rapport de l'Organisation internationale du travail (OIT) publié le 12 août, le chômage mondial des jeunes a atteint son plus haut niveau jamais enregistré et devrait continuer d'augmenter courant 2010. Ainsi, sur les 620 millions de jeunes économiquement actifs, âgés de 15 à 24 ans, 81 millions étaient sans emploi fin 2009 – le plus haut chiffre jamais atteint; 7,8 millions de plus qu'en 2007... Si la crise a bien évidemment empiré la situation, le fort taux de chômage des jeunes était déjà une réalité en France auparavant. Comment expliquer ce phénomène? Eléments de réponse avec Frédéric Remond, directeur de la Mission locale* de Dijon dont la vocation est de favoriser l'insertion des jeunes de 16 à 25 ans, et avec Mathieu, jeune actif de 24 ans...

La faute... à la crise

Le rapport du Bureau international du travail (BIT), Tendances mondiales de l'emploi des jeunes, 2010 (Lire ici le rapport en anglais), indique que le taux de chômage des jeunes est passé de 11,9 pour cent en 2007 à 13 pour cent en 2009. Et selon les prévisions de l'OIT, la hausse du taux de chômage des jeunes devrait se poursuivre en 2010 pour atteindre 13,1%, puis décliner modérément pour atteindre les 12,7% en 2011. Le rapport souligne également que le taux de chômage chez les jeunes se révèle plus sensible à la crise que celui des adultes et que la reprise du marché de l'emploi pour les jeunes, hommes et femmes, devrait être en retrait par rapport à celui des adultes.

La France, déjà dans un rapport de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) datant de 2009, était particulièrement épinglée : depuis près de 30 ans, le taux de chômage des Français de 15-24 ans se maintient en effet au-dessus de 18% (20,6% en 2007, avec un maximum de 29% en 1997), soit plus de 7 points de pourcentage au dessus de la moyenne des pays riches selon l'OCDE (Lire ici le rapport). En 2010, le taux de chômage des 15-24 ans inscrits à Pôle emploi sans travail atteint le niveau très élevé de 23,3% (soit 632.000 personnes), selon une enquête de l'Insee publié jeudi 02 septembre 2010. Alors que le chômage indique globalement une légère baisse, pour cette catégorie d’âge la plus exposée, les moins de 25 ans, le chômage s’est seulement stabilisé (Lire l'enquête ici)...

"Avec la conjoncture actuelle, dont les effets se sont fait ressentir dès début 2009, les choses ont empiré, raconte Frédéric Remond, directeur de la Mission locale de Dijon qui a reçu 6170 jeunes en entretien en 2009. Les passages de contrat à durée déterminée à contrat indéterminé sont devenus rares. A notre échelle, on ne sent aucun frémissement positif pour le moment". Le rapport de l'Insee démontre en effet dans son enquête que, si le taux d’emploi s’est amélioré pour l'ensemble de la population active, la précarisation, elle, a augmenté. La part des personnes en contrat à durée déterminée ou en intérim a connu une hausse de 0,2 point à 6,6% alors que celle des salariés en contrats à durée indéterminée a continué de diminuer pour revenir à 49% de la population active.

La faute... au découragement

Localement, selon les chiffres parus en septembre 2010 de la Maison de l'emploi et de la formation du bassin dijonnais (Mdef), le nombre de demandeurs d'emploi de catégorie A, B et C a augmenté de 5,1% en un an (soit 3.895 inscrits à Pôle emploi), entre juin 2009 et juin 2010 (Consulter ici les chiffres de la Mdef). "Si ces chiffres ne sont pas tellement rassurants, ils sont pires dans la réalité, ajoute Frédéric Remond. Il faut en effet prendre en compte tous ceux que le manque de résultat obtenu en étant inscrit à Pôle emploi ont fini par décourager : au bout de douze mois d'attente, nombreux sont les jeunes qui abandonnent. Sans compter tous ceux qui se font radier : il faut savoir que Pôle emploi est un organe de contrôle où le moindre rendez-vous loupé permet à l'ordinateur de vous rayer des listes d'inscrits. Mais ce n'est pas parce qu'ils sont radiés qu'ils n'existent plus...".

Mathieu, en train de monter sa propre entreprise après avoir cherché du travail pendant deux ans, explique ce découragement : "Comme souvent il s'agit pour la plupart d'entre nous de la recherche d'un premier job, nous ne touchons aucun chômage. Et vu que nous n'avons pas 25 ans, nous ne touchons pas non plus le RSA (ndlr : revenu minimum). Pourquoi rester inscrit à Pôle emploi qui ne nous trouve pas de boulot ? Je ne dis pas que c'est de leur faute ; ils ne peuvent pas l'inventer non plus. En tout cas, nous avons plutôt intérêt à bien nous entendre avec nos parents car nous habiterons tard chez eux ! Je suis loin d'être le seul dans cette situation... Bien sûr que je pourrais bosser dans un fast-food mais j'ai fait des études pour faire autre chose et je n'ai pas envie de vendre des hamburgers. Je ne veux pas que le petit boulot "en attendant" devienne "pour toujours". Du coup, j'ai refusé tout ce qui n'était pas un peu dans ma branche. C'est une ligne de conduite".

La faute... aux patrons

L'OIT met justement en garde contre "le risque d'une "génération perdue", constituée de jeunes gens qui sont totalement détachés du marché du travail et ont perdu tout espoir de pouvoir travailler pour gagner décemment leur vie". Le directeur de la mission locale confirme cet état de fait : "Aujourd'hui, il est fréquent d'être payé au Smic alors qu'on possède un Bac+3 ou Bac +4. Les jeunes sont donc de plus en plus au chômage mais en plus, même lorsqu'ils travaillent, ils vivent une réelle situation de précarité". "Moi je crois que les patrons profitent qu'il y a autant de chômage pour nous payer au lance-pierres, relève Mathieu. Ils tirent sur les prix alors qu'ils sont déjà bas".

Rémunérer à bon prix ou non, encore faut-il que les entreprises recrutent : "Il existe une grande frilosité des entreprises à accueillir les jeunes chez elles ; depuis dix ou quinze ans, les jeunes représentent une variable d'ajustement par rapport au monde du travail. Si les entreprises en ont vraiment besoin, elles en embauchent et sinon, elles préfèrent de loin les personnes qui ont de l'expérience. Du coup, les contrats sont précaires : neuf fois sur dix, il s'agit de contrat à durée déterminée (CDD). Le marché des jeunes chômeurs est ainsi sans arrêt sur-alimenté : il y a les nouveaux arrivants et ceux qui sortent de CDD".

La faute... au système

Frédéric Remond pointe du doigt le noeud du problème selon lui : l'orientation. "Nous sommes très basés sur les diplômes en France, contrairement aux pays anglo-saxons et en Allemagne où il existe une culture d'intégration des jeunes dans l'entreprise. L'apprentissage dans le système allemand est une voie naturelle et les industries prennent d'ailleurs des apprentis en grand nombre. Alors que chez nous, l'apprentissage reste une voie par défaut, valable pour ceux qui n'ont pas réussi ailleurs. Le système éducatif français est hyperperformant pour ceux qui réussissent, soit moins de la moitié des jeunes. C'est difficile pour un jeune qui n'a pas réussi à l'école de réussir après. Le ministère de l'Education nationale est en train de réfléchir à un service public de l'orientation. Nous verrons bien mais je crois qu'il faudrait changer radicalement l'orientation des jeunes : il faut également que l'apprentissage soit considéré comme la voie de la réussite".

Pour Mathieu, les jeunes se sont un peu "faits avoir" par les parents, les professeurs... et par la discrimination : "Après mai 1968, la société a érigé des enfants rois. Nos parents nous ont regardés comme si nous étions tous des génies. Nos profs ont absolument voulu qu'on aille à la fac, destinés ainsi à faire des métiers intellectuels. Qui me dit que je n'aurais pas préféré être maçon ? Le statut social de ma famille, qui est pourtant modeste ? Mes copains banlieusards, eux, je les ai tous vus partir en BEP, CAP... Nous avions pourtant les mêmes moyennes en classe. Avaient-ils plus des têtes d'ouvriers et de vendeurs que moi ? Ce n'est pas normal tout ça" (Voir ici notre vidéo : "Pour mon patron, je n'étais pas aussi Française que lui").

D'autre part, le directeur de la mission locale de Dijon affirme qu'il faudrait "arrêter de faire des "mesurettes" qui ne cessent de s'empiler : il existe je ne sais combien de sortes d'aides qui apparaissent, qui disparaissent au fur et à mesure qu'on a plus ou moins besoin de faire baisser les chiffres du chômage. Honnêtement, si une entreprise a besoin d'un employé, elle l'embauche mais l'Etat ne peut pas continuer de créer et de financer des emplois à la place des entreprises, qui savent en tirer profit".

La faute... aux jeunes

Et si, après tout, les jeunes y étaient également pour quelque chose dans cette situation ? "Peut-être", répond Frédéric Remond : "Les entreprises nous disent de leur envoyer des jeunes "motivés" traduisez : qui savent se tenir. Il est clair qu'il existe une méconnaissance du monde de l'entreprise : respecter les horaires, le patron... Ce n'est plus si évident aujourd'hui. Sur les questions de comportement et d'éducation, nous, nous pouvons pas faire grand-chose : les jeunes, on les voit au maximum vingt fois par an. Je crois que dans notre monde, il y a un rapport au temps qui est différent d'avant : notre société est celle de l'immédiateté. Un jeune qui vient nous voir et sort d'une première année de CAP, quand on lui dit qu'il faut travailler son orientation, il nous dit qu'on ne sert à rien et il s'en va parfois. Par rapport aux entreprises, c'est la même chose. Ca vient plus tard, avec la maturité... enfin pas toujours !".

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