
Lancée depuis près d'un an, la réforme du permis de conduire se poursuit en 2010. En effet, des modifications du permis de conduire ont été annoncées le 7 janvier dernier par Dominique Bussereau, le secrétaire d’État chargé des transports. Désormais, trois formules de conduite accompagnée peuvent être choisies par l’apprenti conducteur. Par ailleurs, au 1er avril 2010, un Code modernisé et une nouvelle évaluation de la conduite verront le jour. Réformes suffisantes et nécessaires ? Voici l’avis de professionnels dijonnais...
L'apprentissage dès 16 ans assoupli
En effet, il n'est plus obligatoire pour l'accompagnateur d'avoir 28 ans - il peut être accompagnateur dès 23 ans -, à condition d'être titulaire du permis B depuis au moins cinq ans sans interruption. Il est également mis fin à la durée maximale de trois ans qui encadrait la conduite accompagnée. Pour Stéphane Cretin, directeur de l’auto-école Notre-Dame à Dijon, cela pourrait solutionner quelques situations spécifiques : "Cet âge de 28 ans pose effectivement parfois des problèmes, notamment dans le cas d’un grand frère souhaitant être accompagnateur lorsque les parents ne sont pas en possession du permis de conduire, certaines familles se trouvant de ce fait écartées du système."
Il remarque toutefois que "l’allongement de la durée de la phase conduite accompagnée au-delà de 3 ans ne concerne que quelques exceptions bien souvent liées à un manque de motivation de la part de l’élève ou pour faire face au manque de places d’examens." Quant à lui, Arnaud Javel, directeur de l’auto- école des facultés, soulève le problème du niveau de compétence de l’accompagnateur : "La conduite accompagnée demandait effectivement à être revue depuis sa création au début des années 90. Les 3 formules proposées ne sont pas suffisantes et sont encore incomplètes ; on ne se préoccupe toujours pas du "niveau" de conduite des accompagnateurs."
La conduite accompagnée possible en fin de parcours
Les candidats de 18 ans et plus inscrits dans une école de conduite peuvent désormais compléter leur formation par une période de conduite accompagnée leur permettant d’acquérir davantage d’expérience à moindre coût. Seules conditions requises : avoir réussi le code et suivi au moins vingt heures de conduite en auto-école. Pour Stéphane Cretin, cette mesure a surtout une portée économique : "On retrouve, à travers cette mesure, la meilleure façon de botter en touche quand on est incapable de répondre au vrai problème. En effet, face à l’incapacité récurrente de l’administration à fournir les places d’examen nécessaires pour limiter les délais de passage de permis, avec toutes les conséquences économiques que cela engendre, on donne ici la possibilité de "patienter" en attendant la fameuse date de convocation."
Arnaud Javel considère également qu’il s’agit d’une fausse solution et que rien ne permet de résoudre le fonds du problème : le manque d’inspecteurs : "Il s'agit tout simplement de faire patienter l'élève au moins 3 mois après un échec à l'examen et de lui éviter de multiplier les leçons de conduite entre 2 présentations. Effectivement, le délai de représentation peut varier entre 2 à 6 mois selon les auto-écoles, mais le vrai problème reste le nombre d'inspecteurs du permis trop insuffisant. En ayant plus d'inspecteurs, on pourrait présenter et représenter plus de candidats aux examens et abaisser ainsi la durée et le coût du permis."
Un accompagnateur qualifié ?
L’élève se préparant aux métiers de la route dans les établissements de l'Éducation nationale pourra ainsi choisir la conduite encadrée. Après accord du chef d'établissement, il aura la possibilité de conduire avec l'accompagnateur de son choix. Le responsable de l’auto-école Notre-Dame s’interroge aussi sur les compétences de l’accompagnateur : "Plus forte que les cours de bricolage permettant de refaire sa maison mieux que les professionnels, plus forte que les machines à pain permettant de déguster une baguette meilleure que celle du boulanger, nous avons maintenant une conduite accompagnée "hybride" permettant, soit-disant, de mieux former à la conduite que les enseignants de la sécurité routière. A une période où l’on constate une stagnation des chiffres de l’insécurité routière, doit-on se réjouir de cette prise de décision ?"
Arnaud Javel est du même avis : "L'accompagnateur est il un "bon" conducteur? Transmet-il toujours les bons conseils aux bons moments ? En effet, cette personne ne maitrise pas l'enseignement de la conduite... La réforme oublie de former les accompagnateurs en leur imposant un bilan de conduite personnelle ainsi que l'accompagnement d'un enseignant de la conduite pour un "audit" et, pourquoi pas, des séances de code obligatoire. Souvent, pour les accompagnateurs, conduire se restreint à la maitrise mécanique du véhicule mais la conduite est un exercice plus complexe avec des notions de règlementation, de comportement et de sécurité. Imposer 5 ans de permis pour être accompagnateur ne veut pas dire avoir 5 ans de conduite. Par ailleurs, à 23 ans, l'expérience et la maturité de l'accompagnateur sont-elles suffisantes ?"
Un code moins "ringard"
L'examen du Code tant critiqué par les futurs conducteurs va changer. S'il comporte toujours quarante questions, celles "un peu piège, ringardes, obsolètes, inadéquates, sont supprimées", assure le secrétaire d'État aux Transports. Dominique Bussereau précise aussi que "des questions où il y avait des ambiguïtés ont été reformulée". Les questions seront tirées au sort dans une banque de données qui en comportera 638 contre 520 précédemment. De nouvelles thématiques apparaissent, liées à la conduite économique, au respect des usagers vulnérables, aux réflexes à avoir face aux tramways, aux comportements à risques (alcool, drogue...).
Arnaud Javel estime que cette relecture du code devrait être plus fréquente : "Revoir l'examen théorique est normal. Il faut suivre l'évolution permanente de la règlementation et des modes de conduite ; on devrait renouveler plus souvent la banque de données des questions pour qu’elles collent à la réalité tous les 2,3 ans." Stéphane Cretin approuve quant à lui la mesure : "Bonne initiative ne concernant que l’évaluation finale. La profession réclame depuis des années une obligation de formation théorique, seul moyen de pouvoir inculquer des comportements responsables. De plus, ce minimum théorique obligatoire permettrait de réduire le temps passé dans le véhicule pour traiter des différents thèmes contenus dans le programme national de formation. Donc, économie de coût pour l’élève !"
Le bilan de compétence remplace le décompte d’erreurs
Si la durée de l'épreuve reste fixée à 35 minutes, le candidat devra obtenir au moins 20 points sur 30 pour avoir le permis. Les compétences sont regroupées en trois rubriques : connaître et maîtriser son véhicule, appréhender la route et partager la route avec les autres usagers. Lors du parcours, le candidat sera jugé sur sa capacité à déceler les changements de contexte de circulation et à s'y adapter. Il devra aussi, pendant cinq minutes environ, se diriger à sa convenance vers un lieu précis. Ce sera à lui de trouver l'emplacement où réaliser deux manœuvres, dont une au moins en marche arrière. Enfin, en toute logique, le candidat ne devra pas commettre d'erreurs éliminatoires (stop ou feu rouge grillés par exemple).
Arnaud Javel constate une amélioration notable dans ce nouvel examen pratique : "Voir l'examen de conduite en relevant les points positifs plutôt que de relever les erreurs commises par l'élève me satisfait grandement. Il est tellement facile de déstabiliser un élève le jour de l'examen avec le stress et la circulation environnante. Dans 90% des cas, nos élèves sont prêts pour l'examen et surtout, pour conduire ensuite en situation réelle. " Stéphane Cretin apprécie lui aussi la mesure : "Enfin ! L’examen du permis de conduire ne sera plus comparable à la dictée avec la note qui diminue au fur et à mesure qu’on avance... Même si les critères d’exigence n’ont pas de raison de changer, une plus grande cohérence dans le jugement et une appréciation plus globale des capacités des élèves contribueront à un résultat d’examen en adéquation avec les efforts fournis durant l’apprentissage."
Un bilan mitigé
Malgré les efforts entrepris, tous deux s'accordent à dire que les mesures du gouvernement sont insuffisantes : "Si certains points vont dans le bon sens au niveau qualitatif, les mesures annoncées ci-dessus ne sont pour la plupart que des fausses solutions à des problèmes récurrents", déclare Stéphane Cretin. "La grande réforme annoncée par le gouvernement depuis 2008 sur le permis de conduire est pour moi plus que minime et mal ciblée", affirme Arnaud Javel.
Pour ce dernier, le grand oubli concerne les personnes déjà titulaires du permis : "Les auto-écoles travaillent et respectent au plus près le plan national de formation. Elles transmettent donc à leurs élèves les savoirs nécessaires pour conduire selon la règlementation et en sécurité. Mais avec quelques années de conduite, on oublie les bonnes consignes, involontairement ou volontairement. Il serait donc bon de rafraichir les mémoires de tous les conducteurs régulièrement. On impose des contrôles techniques aux véhicules ; il serait judicieux de le faire à tous les conducteurs ...»
