
Huitième et avant-dernière partie de nos rendez-vous pour les élections régionales des 14 et 21 mars prochain avec François Deseille et Sylvie Faye-Pastor, têtes de liste respectivement pour "La Bourgogne Démocrate" et "l'Autre Gauche en Bourgogne". Petit jeu de questions/réponses assez personnel pour cette deuxième partie de leur interview...
* François Deseille, tête de liste régionale de "La Bourgogne Démocrate"
1 - Papiers s'il vous plaît !
- Date de naissance : 29 février 1968
- Ville : Lille
- Situation familiale : marié, deux enfants.
- Profession / Mandat : Kinésithérapeute en libéral / conseiller municipal adjoint en charge des grands projets à Dijon et vice-président du Grand Dijon en charge de la recherche et des transferts de technologies.
- Passé politique : "En 2000, j'ai adhéré à l'UDF après avoir rencontré François Sauvadet, qui m'avait proposé de monter la fédération jeune du parti. Ensuite, il m'a proposé de devenir numéro 2 de la fédération de Côte d'Or. En 2004, j'étais sur la liste pour les élections régionales avec François Sauvadet, contre Jean-Pierre Soisson. On avait fait 12,5 % mais malheureusement, il a décidé de retirer la liste en négociant la vice-présidence au Conseil général. C'était notre premier point de discorde... En 2007, nous étions en campagne présidentielle avec François Bayrou... François Sauvadet allumait alors Nicolas Sarkozy dans les meetings. Ensuite, il a fait le choix du pouvoir... Cette année-là, j'ai repris la fédération de Côte d'Or. En 2008, j'ai fait partie du large rassemblement de la liste de François Rebsamen pour les municipales de Dijon et un an plus tard, j'étais candidat aux élections européennes derrière Jean-François Khan".
- Identité numérique : "J'ai un Facebook et un Twitter mais au jour le jour, je ne m'en occupe pas car je n'en ai pas le temps ; le matin, je donne des consignes...".
2 - Les "Qu'en pensez-vous?" et "Ça vous fait quoi?" de l'actualité...
Depuis quelques mois, la chaîne de hamburgers Quick ne vend que des hamburgers halal dans 8 de ses 362 restaurants français... La nouvelle ne manque pas de faire polémique et me permet de vous poser deux questions : tout d'abord, qu'en pensez-vous ? Ensuite, serait-il imaginable de servir des repas halal et casher dans les cantines des lycées bourguignons ?
"Il faut arrêter de stigmatiser ! C'est comme le foulard, la burqa... Nous vivons dans une société laïque. On garde sa religion chez soi ; lorsqu'on ouvre la porte, on est dans le domaine public. François Bayrou, qui est catholique pratiquant, on en entend jamais parler... Je suis donc contre les Quick halal. On peut faire des Quick végétariens, d'autres avec viande, point. A la mairie de Dijon, je fais partie du comité de pilotage pour les écoles et on a fait un menu végétarien et un menu normal. Donc la personne qui ne se retrouve pas dans la viande a la possibilité de manger un menu végétarien.
Les personnes qui disent que le MoDem est un parti qui manque d'identité, ça vous fait quoi ?
Ce sont des gens qui sont inscrits dans un archaïsme politique, qui pensent que l'on est soit de gauche soit de droite. Désolé de leur répondre que je ne suis ni de gauche ni de droite, que pour moi, il n'y a pas de frontière entre les deux, qu'il y a des gens très bien à gauche et à droite. Je n'ai pas suivi François Sauvadet en 2007 parce que pour lui, on devait soutenir quelqu'un de droite même s'il était nul. Et bien moi non : j'ai toujours considéré que ce n'est pas l'étiquette qui importait mais les compétences. Nous sommes un parti qui veut rassembler les compétences et moi je me fais plaisir avec ma liste, quel que soit le résultat obtenu, parce que je sais que c'est une liste de compétences, de gens issus du PS et de l'UMP - comme Danielle Juban -, qui veulent travailler pour la Bourgogne. Alors de gauche ou de droite, je m'en fiche tant que nous partageons les mêmes valeurs humanistes.
Je ne comprends pas François Sauvadet, qui peut accepter de travailler avec l'UMP qui drague aujourd'hui le Mouvement pour la France, un peu "borderline", alors qu'en 2004, il avait combattu avec moi la politique de Jean-Pierre Soisson (ndlr : ancien président du conseil régional de 1998 à 2004 notamment)... Malheureusement, il y a encore beaucoup de gens en France qui pensent que l'on est soit de gauche, soit de droite, et c'est de cela dont on crève. Ça fait trente ans que l'on se tape la droite et la gauche au pouvoir, il y a un moment où il faut peut-être changer. Moi je suis avec François Rebsamen mais si ça avait été Benoît Hamon le maire de Dijon, je n'aurais jamais été avec lui ; si ça avait été Alain Juppé, j'aurais été avec lui parce que c'est un bon maire. Nous prônons de travailler avec des gens différents sur un programme commun.
Histoire d'évoquer l'identité bourguignonne, l'un des thèmes de campagne de François Sauvadet... Que pensez-vous des indépendantistes du Mouvement pour la Bourgogne Libre, mouvement plus ou moins anecdotique ?
C'est du grand n'importe quoi ! C'est comme le Quick halal, la burqa... C'est stigmatiser nos différences alors qu'il n'y en a pas. Nous avons des particularités, ce qui est différent. Moi, j'ai des racines dans le Nord et en Bourgogne ; nous avons tous des richesses chacun de notre côté. C'est le rassemblement de ces brassages et de ces cultures qui nous enrichissent. Ça veut dire quoi l'identité bourguignonne : ce sont les vignes, l'Epoisses, le bœuf bourguignon ? Non mais il faut arrêter ! Je suis d'ailleurs très étonné que quelqu'un comme François Sauvadet, qui se disait humaniste, peut-être par posture, arrive à décliner ce débat identitaire au niveau bourguignon après avoir vu son échec au niveau national.
Les sondages donnent comme grande gagnante à ces élections régionales l'abstention... En tant que candidat, ça vous fait quoi ?
D'un côté, je les comprends : ce sont des gens qui sont déçus de la politique, ce n'est pas qu'ils s'en moquent. J'ai compris cela après avoir interrogé les gens depuis quelques jours... Ils sont vraiment déçus des politiques. Mais il faut qu'ils pensent qu'il y a un message d'espoir... En attendant, la majorité dit : "On ne va plus voter, ça ne sert à rien". Une autre partie dit : "Nous, on va leur donner une leçon : on va voter Front national". Moi je leur réponds de regarder pour qui ils votent et de lire le programme avant de voter FN, parce que ça fait quand même froid dans le dos. Nous, nous voulons rassembler non pas des déçus, mais des personnes qui veulent changer. Un peu comme François Rebsamen dans sa liste arc-en-ciel à Dijon. Il n'y pas que la gauche ou la droite, le FN ou l'abstention : il y aussi autre chose que l'on propose et c'est ce que je pense incarner en Bourgogne.
3 - Portraits "Président de région" et "chino-bourguignon"
Si vous êtes élu président de région, quelle sera votre première action symbolique ?
Rencontrer toutes les entreprises des formations professionnelles : CGPME, MEDEF, la Fédération du bâtiment, etc. Je leur demanderai ce que sont leurs attentes en terme de personnel et tout de suite derrière, je déclinerai un plan de formation débouchant sur l'emploi.
Si vous êtes élu président de région, quelle sera la qualité qui vous sera utile et le défaut que vous aurez à combattre ?
Ma qualité, c'est l'envie de bouger les choses, de les dynamiser sans laisser les gens de côté car il n'y a pas de combat de perdu. Pour mon défaut, ce serait peut-être l'entêtement et parfois d'être trop exigeant envers les autres.
Si vous étiez... un cru bourguignon ?
L'Aloxe-Corton !
Si vous étiez... une personnalité bourguignonne ?
J'aime beaucoup Henri Vincenot, il incarne foncièrement la Bourgogne. J'ai habité pendant longtemps dans sa maison à Talant, où d'ailleurs il a conçu ses deux enfants sous le cerisier... Il m'a fait découvrir la Bourgogne à travers ces écrits : le patois régional, la façon de vivre des Bourguignons... Étant donné que nous sommes arrivés à Dijon en 1992 avec ma femme, c'est quelque chose qui m'était un peu étranger avant de venir ici."
* Sylvie Faye-Pastor, tête de liste régionale de "L'Autre gauche en Bourgogne"
1 - Papiers s'il vous plaît !
- Date de naissance : 2 décembre 1959
- Situation familiale : mariée, trois enfants.
- Profession / Mandat : Médecin généraliste.
- Passé politique : " J'ai un passé associatif dans l'éducation populaire. Et la première fois que j'ai adhéré à un parti, c'était au Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) il y a un an. Et là, c'est la première fois que je me présente à une élection".
- Identité numérique : "Facebook, Twitter, blog... Je n'ai rien de tout cela car je n'ai pas le temps de m'en occuper".
2 - Les "Qu'en pensez-vous?" et "Ça vous fait quoi?" de l'actualité...
Dans votre programme, vous évoquez votre soutien à la régularisation des sans-papiers. Aussi, que pensez-vous de la désobéissance civile des personnes qui aident les immigrés ?
"Quand une loi n'est pas bonne pour le peuple, on la dépasse... Dans cette liste, nous militons pour la régularisation des sans-papiers, contre leurs expulsions qui sont vraiment inhumaines. Nous sommes au 21ème siècle et on renvoie des gens, des enfants, dans des pays qu'ils n'ont jamais vu. C'est complètement rétrograde. Il y a des gens qui travaillent, cotisent à la sécurité sociale, payent leurs impôts et qui n'ont pas de papiers : qu'est-ce que c'est que cela ? C'est aberrant. En plus, cela coûte extrêmement cher à la société : chaque expulsion coûte 23.000 euros en moyenne et il y en a eu 29.000 l'an dernier... La société française a besoin d'immigrés, c'est une richesse. Quand je pense que des gens aident des immigrés, se mettant dans l'illégalité et se faisant parfois condamnés... C'est scandaleux ! Quand la société prend des orientations dangereuses pour l'homme, il faut en discuter démocratiquement. C'est pour cela que la désobéissance civile dans cette liste, cela ne nous fait pas peur.
Dans son dernier essai, "Le Conflit, la femme et la mère", Élisabeth Badinter s'en prend au nouveau féminisme écolo qui veut renvoyer la femme à sa seule fonction de mère biologique. En tant que femme et mère, pensez-vous que l'écologie culpabilise d'une certaine manière la gent féminine ?
Je pense que cela à à voir avec les mouvements féministes... La "deep écologie", ça peut aboutir à un extrémisme mais ça ne remet pas en cause l'écologie. Les femmes ont fait des conquêtes qui sont plus ou moins remises en cause de temps en temps. Mais dans ce cas-là, je pense que l'on peut tout à fait concilier les deux : une société qui soit écologiquement viable avec l'émancipation féminine. C'est pour cela que dans notre liste, nous sommes rouges et verts...
En tant qu'adhérente au NPA, qu'avez-vous pensé de la polémique sur la co-listière voilée du parti qui se présente à ces élections régionales?
Sur ce point je suis très claire : la loi de 1905, c'est quelque chose sur laquelle on ne revient pas. Dans ses textes fondateurs, le NPA est un parti anticapitaliste, laïque et féministe. Après, qu'il y ait un comité dans le Vaucluse qui ait mis sur sa liste une jeune femme voilée, ça n'était pas une décision du NPA au niveau national. Et depuis, il y a d'ailleurs des discussions faramineuses... Je pense que dans un moment d'expression officielle de la République, comme le sont des élections, elle n'aurait pas dû être voilée. Mais je trouve beaucoup plus grave que des gens qui représentent la République comme Nicolas Sarkozy ou Christine Boutin, se signent en public ou brandissent leur bible à l'Assemblée nationale. D'autre part, derrière cette jeune fille voilée, se dévoile tout le problème de la colonisation qui est mal pris en compte par les partis et notamment par la gauche. La contestation de la colonisation est souvent une entrée en politique pour ces jeunes-là et le voile est un signe qu'elles sont entrées en politique par ce biais.
La France qui arrive douzième aux Jeux Olympiques de Vancouver (nb : la question a été posée lundi 22 février), ça vous fait quoi ?
Pas grand-chose... Les sportifs ne doivent pas avoir le moral, c'est sûr. Mais le sport de haut niveau n'est pas ce qui m'importe le plus. Je préfère le sport dans la visée émancipation humaine, collective, l'émulation plutôt que la compétition, le travail d'équipe... Bref : les JO à l'origine ! En plus, vu les sommes engagées dans ce genre d'événements, je pense que l'on pourrait faire autrement. Honnêtement, je n'ai pas regardé les JO... Je ne suis pas du tout chauvin ; nous sommes plutôt internationalistes sur nos listes.
3 - Portraits "Président de région" et "chino-bourguignon"
Si vous êtes élue présidente de région, quelle sera votre première action symbolique ?
Ce sera la gratuité des TER et l'engagement de la région pour la gratuité des restaurants scolaires.
Si vous êtes élue présidente de région, quelle sera la qualité qui vous sera utile et le défaut que vous aurez à combattre ?
Pour la qualité, je pense qu'il va falloir être tenace, ferme et opiniâtre étant donné le programme que l'on a. Pour le défaut... Mais je n'ai pas de défaut bien entendu !
Si vous étiez... un combat social en Bourgogne ?
Ce qu'il se passe avec les Roms en ce moment, cela me touche beaucoup. Et les prises de position du PS sur la question, qui parle du "problème Rom", ça me hérisse... Quand on commence à ne plus parler d'humain, c'est grave.
Si vous étiez... une personnalité Bourguignonne ?
Nous ne sommes pas du tout dans cet esprit-là... Il y a des gens que j'admire mais qu'ils soient Bourguignons ou pas, ce n'est pas un problème, même si l'on parle d'élections régionales. Le côté chauvin, cela ne nous ressemble décidément pas... La richesse est mondiale. Alors tant pis, je vais vous répondre un peu à côté... Je choisis donc Vandana Shiva : elle a eu une action écologique concrète au niveau de l'Inde et c'est une femme importante dans le siècle."
* Têtes-à-têtes : La Rédaction entre dans le cœur des Régionales et organise un face-à-face entre chaque tête de liste régionale et deux journalistes de dijOnscOpe. Objectif ? Les confronter aux questions directes du journal sur les thèmes d’actualité et surtout, aux exemples concrets impliquant l’action du Conseil Régional.
