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Dijon / Bourgogne

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Billet de blog 13 avril 2010

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Bourgogne: L'Assurance maladie se serre la ceinture (Partie2/2)

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9,4 millions d'euros ont été économisés pour les soins de santé en Bourgogne en 2009... Impressionné par ce chiffre révélé par l'Assurance maladie jeudi 08 avril 2010, dijOnscOpe a demandé aux professionnels de santé ce qu'ils en pensaient : ces économies sont-elles réalisées au détriment du patient ? Les avis des médecins et du pharmacien interrogés sont presque unanimes : "Non !".

Médecins généralistes : les plus remontés?


"Infirmières, médecins, secouristes... Beaucoup de personnel n'ont pas encore été indemnisés après avoir été réquisitionnés pour faire des vaccins contre le virus H1N1 à l'automne 2009. Ma femme fait partie de ceux-là. Nous avons bien essayé d'entreprendre des démarches auprès des députés mais rien n'aboutit pour le moment. Étant donné que cela doit avoir un coût très élevé mais qu'elle ne paye rien, la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) a pu en faire des économies en 2009 !", ironise ce médecin généraliste à Dijon, qui avance un autre argument : "Aujourd'hui, on me demande d'enregistrer les arrêts de travail en ligne et de les imprimer pour le patient dans mon cabinet. Pour la carte Vitale, c'est pareil : il s'agit-là d'un transfert de charge où l'on me demande de faire le boulot à la place de la Sécu. Il me semble avoir lu que ce travail des médecins représentait 6.000 à 8.000 postes de moins à l'Assurance maladie...".


Pour le docteur Emmanuel Debost, médecin généraliste en Côte-d'Or, il s'agit d'une vision exclusivement comptable des dépenses de santé, qui seraient "réalisées sans concertation" : "Penser faire des économies me laisse dubitatif... Je pense que cela se fait toujours au détriment des patients. Je vais vous expliquer comment en ce qui concerne les médecins traitants : aujourd'hui, sur dix étudiants formés à la médecine générale, un seul la choisira. Du coup, beaucoup de médecins généralistes ont actuellement plus de 50 ans et ils ne vont donc pas tarder de partir à la retraite... Il y aura des déserts médicaux tout ça parce que l'Assurance maladie ne revalorise pas notre profession."

Payés pour "mieux" prescrire...


Pourtant, comme l'indiquait en conférence de presse jeudi 08 avril Pierre Rothier, directeur de la CPAM, "un médecin coûte plus cher par ce qu'il prescrit que par ses honoraires". D'où la création du Contrat d'amélioration des pratiques individuelles (CAPI) en juin 2009 et signé depuis par un médecin sur trois dans la région, afin de "mieux prescrire"... Les médicaments représentant le premier poste de dépenses avec près de 50 millions de boîtes remboursées en 2009 dans la région, soit 400 millions d'euros, la bataille pour la prescription de médicaments génériques reste plus que jamais d'actualité.

Pour cela, le CAPI aurait de quoi convaincre : "Il y a une prime d'argent, pouvant rapporter jusqu'à 3.000 euros par an, versée par l'Assurance maladie aux médecins qui font des économies en prescrivant des génériques, explique Emmanuel Debost. Le problème ne devrait pas être de faire des économies mais de prescrire le bon médicament... L'ordre des médecins s'est d'ailleurs opposé à ce CAPI car il incite les médecins à prescrire tel médicament générique quand il aurait mieux valu tel autre non générique, pensant moins à la santé du patient qu'aux économies de l'État".

... Mieux prescrire pour sauver le système de santé?


Le président de la chambre syndicale des pharmaciens de Côte-d'Or, Alexandre Bérenguer, voit les choses différemment : "Le générique, c'est la voie principale pour préserver le système de santé : c'est un acte citoyen même. Aussi, notre métier est de le substituer au maximum. Mais nous le faisons de manière accompagnée : nous expliquons au patient que le nom n'est plus le même mais que les effets le seront ; nous inscrivons sur la boîte le nom du princeps (le médicament original), nous notons sur l'ordonnance ce changement, de même que sur notre base informatique et sur le dossier pharmaceutique de sa carte Vitale."


Pas question pour autant de mettre la santé du patient en danger : "Ce qui est important, c'est que le patient soit pris en charge en toute sécurité. Il arrive qu'il y ait des effets secondaires et dans ce cas-là, nous redonnons le princeps : nous conservons donc la liberté du patient s'il y a danger. Nous en sommes à 77% de taux de substitution de génériques en Côte-d'Or et il faut continuer car les économies sont indispensables aujourd'hui. Si on ne le fait pas, il arrivera un jour où nous ne serons plus remboursés et où certains pourront payer et d'autres pas."

Arrêts de travail : difficile d'en faire moins


Avec 200 millions d'euros dépensés l'an dernier en Bourgogne pour les arrêts de travail, la CPAM continue d'en contrôler très régulièrement (63.000 contrôles en 2009) et souhaite continuer à faire des économies sur ce poste en 2010 (2 millions d'euros économisés en 2009). Mais pour le docteur Debost, il serait difficile de faire mieux aux vues de la situation actuelle : "Les arrêts de travail sont de plus en plus motivés par une pression psychologique vécue par le patient. Au quotidien, nous voyons en effet de plus en plus de burn out (stade ultime du stress). Ce n'est donc pas évident de demander aux médecins d'en prescrire moins... Mais les médecins-conseillers de l'Assurance maladie viennent avec leurs tableaux et leurs chiffres et vous demandent de revenir à la moyenne régionale si jamais vous la dépassez. Si vous exercez à côté d'une entreprise qui périclite et dans laquelle les arrêts de travail peuvent être nombreux, ce n'est pas pris en compte bien sûr..."

Chirurgie ambulatoire, l'avenir de l'hôpital?


En ce qui concerne la chirurgie ambulatoire*, Pierre Rothier annonçait que ce qui était fait sur 5 actes en 2009 l'est désormais sur 17 en 2010. Antoine Rerolle, médecin anesthésiste à la clinique de Chenôve, n'y voit aucun problème : "En France, nous avons un retard énorme sur la chirurgie ambulatoire si l'on se compare à l'Angleterre, où j'ai travaillé, et aux États-Unis (94% des actes). En 1989, à l'hôpital d'Autun (71) où je travaillais, nous gardions un patient huit jours pour un stripping de varices**. Aujourd'hui, pour la même opération, il ressort le soir-même ! Je crois que nous sommes plutôt bien placés en Bourgogne sur le sujet, même si les cliniques font plus de chirurgie ambulatoire que les hôpitaux".


"En tout cas, je pense que c'est une bonne chose car cela représente d'énormes frais à éviter. De plus, cela plaît aux patients qui n'aiment pas rester dormir à l'hôpital. Mais notez que nous prenons nos précautions avant de les laisser repartir : il faut que le patient ait un téléphone à portée de main, qu'un adulte majeur soit présent la première nuit, qu'il n'ait pas trop d'étages à monter, qu'il ne conduise pas...".

Transports sanitaires : les taxis mis en cause


Quant aux transports sanitaires, dont le poste de dépenses représente 8 millions d'euros en Bourgogne en 2009 (+7,2%), Antoine Rerolle note que le respect de la réglementation est aléatoire... "Plutôt que de compter un bon de taxi, les chauffeurs comptent un transport en véhicule sanitaire léger (VSL) alors que le patient n'en a pas forcément besoin. Si cela est tout de même moins cher qu'une ambulance, c'est plus coûteux qu'un simple taxi". Le directeur de la CPAM soulignait d'ailleurs qu'en 2010, l'Assurance maladie continue "de rappeler la réglementation des transports sanitaires" : "Il faut savoir qu'une ambulance coûte quatre fois plus cher qu'un taxi donc autant privilégier ce deuxième choix quand la santé du patient le permet".


* Chaque année, plus de cinq millions d'interventions chirurgicales sont pratiquées en France. Sur ce chiffre, deux millions sont réalisées en ambulatoire ou chirurgie organisée. L'acte ne change pas, il se déroule dans un bloc opératoire classique mais la durée d'attente avant et après l'opération se trouve réduite. Ainsi, entre l'admission et la sortie, le patient ne reste à l'hôpital que douze heures (source : le magazine de la Santé sur France 5).


** Lorsque les varices sont importantes, un geste radical est nécessaire : le stripping. Il s'agit d'enlever la totalité de la veine saphène défaillante (source : hopital-dcss.org).

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