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Billet de blog 13 septembre 2011

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Euthanasie: «La décision de donner la mort doit être collégiale»

Mardi 13 septembre 2011, la justice se penche sur le cas du Dr. Nicolas Bonnemaison. Praticien à Bayonne, dans les Pyrénées-Atlantiques, il est mis en examen pour des faits d'euthanasie active, passibles de réclusion criminelle à perpétuité.

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Mardi 13 septembre 2011, la justice se penche sur le cas du Dr. Nicolas Bonnemaison. Praticien à Bayonne, dans les Pyrénées-Atlantiques, il est mis en examen pour des faits d'euthanasie active, passibles de réclusion criminelle à perpétuité. La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Pau discutera donc de sa possible remise en liberté. Rappelons qu'en août 2011, selon l'Institut français d'opinion publique (Ifop), 94% des Français se disaient favorables à une loi autorisant les médecins à mettre fin à la vie de personnes atteintes de maladies incurables. Retoquée au Sénat, cette loi devrait être représentée sous peu. D'ici là, l'Association pour le droit à mourir dans la dignité poursuit son combat, notamment en Côte-d'Or...

Le Dr. Bonnemaison relance la polémique

L'affaire du Dr. Nicolas Bonnemaison a réveillé de vieilles rengaines. À 50 ans, ce médecin urgentiste à l'hôpital de Bayonne, dans les Pyrénées-Atlantiques, a été mis en examen le 12 août 2011 pour empoisonnement sur personnes particulièrement vulnérables (Lire ici l'article du NouvelObs.com). Des faits qu'il a d'abord reconnus, expliquant vouloir abréger les souffrances de ces personnes. Juridiquement considérée comme un homicide, l'euthanasie active consiste à administrer sciemment des médicaments dans le but d'entraîner la mort. L'Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) a d'ailleurs rapidement réagi à travers un communiqué diffusé jeudi 18 août 2011, expliquant "apporter son soutien au docteur en l'absence d'éléments - notamment de plaintes des familles - accréditant un acte commis sans concertation". Pourtant aujourd'hui, le vent semble tourner. C'est du moins ce que précise Hélène Bernot, déléguée de l'ADMD 21 : "Pour le moment, nous ne connaissons pas la vérité du dossier donc on ne se prononce pas. L'association est d'accord sur l'aide active à mourir mais la loi que nous proposons est un consensus entre les médecins, les infirmières et le Samu, pour la mise en place de directives anticipées".

"Le Dr. Bonnemaison a pris sa décision tout seul", poursuit Hélène Bernot. À ce jour, peu de cas d'euthanasie se sont transformés en condamnation. À l'échelle du département, une affaire a pourtant suscité l'émoi : le cas Chantal Sébire. Cette enseignante de Plombières-les-Dijon, en Côte-d'Or, atteinte d'une esthésioneuroblastome - une tumeur évolutive des sinus et de la cavité nasale, rare et incurable -, avait décidé de médiatiser ses souffrances en saisissant la justice française et le président de la République française, Nicolas Sarkozy, pour réclamer le droit à mourir dans la dignité (Voir le reportage de France 3 Bourgogne ici et l'émission Zone interdite ). Après le rejet de sa demande par la justice française, elle a finalement été retrouvée morte à son domicile, en mars 2008, suite à une overdose de barbiturique... "Le médecin [ndlr : Emmanuel Debost] a fait son mea-culpa parce qu'il n'a pas commis cet acte comme il l'aurait souhaité. C'était son premier cas grave qui fut extrêmement médiatisé. Il était jeune et ne voulait pas intervenir pour se mettre hors-la-loi. Aujourd'hui, il soutient la démarche et soutiendra donc la loi, si elle passe, comme beaucoup de personnes du monde médical".

Une législation méconnue et inadaptée

Depuis plusieurs années d'ailleurs, l'association porte à bout de bras une loi : "Nous souhaitons que la décision de donner la mort soit collégiale", poursuit la déléguée. "C’est-à-dire avec la consultation des directives anticipées, déjà écrites dans la loi, de l'avis de la famille et du corps médical et d'un autre confrère". Dans le cas du Dr. Bonnemaison, Hélène Bernot l'accuse d'avoir prodigué cet acte "tout seul aux urgences, précipitamment". Eu égard aux principes actuels de la loi, l'association ne pourra soutenir le médecin sauf si le "dossier est bon". En pleine approche de l'élection présidentielle 2012, le débat tombe à point pour l'association qui souhaite trouver rapidement une solution. En France, la fin de vie est actuellement encadrée par deux lois : celle dite du droit des malades de 2002 et la loi Leonetti, relative aux droits des malades en fin de vie, du nom de son rapporteur au Parlement, Jean Leonetti. Cette loi a permis de trouver une solution pour l'encadrement juridique de la relation médicale mais laisse perdurer plusieurs ambiguïtés.

Ainsi, le "droit à laisser mourir" ou "euthanasie passive" est autorisé car interdisant l'acharnement thérapeutique ; mais l'euthanasie active - c’est-à-dire l'administration volontaire de substances provoquant la mort - est elle interdite. Dans une interview accordée à Nice Matin, l'auteur de la loi souhaite voir émerger un grand débat... mais au lendemain des élections (Lire ici l'article de NiceMatin.com). Pour Hélène Bernot, il ne faut pas attendre : "Il serait mieux et plus intelligent que la loi passe. Le PS est globalement avec nous : François Rebsamen, le sénateur-maire de Dijon, nous soutient et plus récemment, les radicaux de gauche m'ont offert une tribune". Ainsi, lors de la venue de son président, Jean-Michel Baylet, par ailleurs candidat à la primaire socialiste à Dijon, Hélène Bernot devrait pouvoir intervenir au nom de l'association. "Nous avons aussi des adhérents qui sont sympathisants de l'UMP. Lors de sa première présentation, la droite n'a pas voté la loi mais c'est presque aussi bien car elle n'était pas si bien peaufinée qu'aujourd'hui. Finalement, ceci a eu le mérite d'interpeller les sénateurs en refaisant une loi de consensus national".

Une affaire de société

A la veille des élections sénatoriales partielles, qui se tiendront le 25 septembre 2011, l'ADMD se montre très optimiste : "Normalement, le Sénat devrait basculer à gauche, ce qui nous sera favorable". Il faut dire qu'aujourd'hui, selon un sondage de l'Institut français de l'opinion publique (Ifop), un Français sur deux (49%) estime que la loi devrait autoriser les médecins à mettre fin sans souffrance à la vie si elles le demandent. Ajoutés à cela, les 45% favorables - uniquement dans certains cas - et le pourcentage de la population française favorable à une loi s'élève à 94% (Lire le sondage ici). Une pétition en ligne, en soutien au Dr. Bonnemaison, a par ailleurs recueilli près de 46.000 signatures... Au-delà même du monde médical, ce débat anime toute la société : "Depuis les trente-deux ans que l'association est fondée, 10.000 personnes ont payé leurs cotisations. En Côte-d'Or, nous avons actuellement 360 adhérents de tous bords confondus. Ce sont des personnes qui ont vécu des choses impossibles".

"Comme beaucoup de personnes, j'ai rejoint l'ADMD car j'ai vécu dans mon entourage une mort douloureuse", confie Hélène Bernot. "Les pays du Nord, la Suisse, ont déjà cette loi alors pourquoi pas les Français ? Lors de ce décès, j'aurais souhaité qu'une loi puisse exister ; je n'ai reçu aucune aide de la part des médecins..." C'est d'ailleurs vers ces derniers que la loi est tournée : "Le but est à la fois de protéger les médecins car ils sont nombreux à aider à mourir, mais aussi les patients contre les abus". Avec l'adoption de ce texte, l'aide active à mourir - le médecin aide directement le patient à mourir - et le suicide assisté - le médecin donne des cachets que le patient doit prendre par exemple - seraient introduits. Deux formules qui devraient aider le médecin à outrepasser ses cas de conscience et "franchir la barrière vers une ultime liberté : celle de mourir".

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