Sera-t-il bientôt possible de réaliser les extensions de sa maison sans permis de construire ? Benoit Apparu, secrétaire d'État chargé du logement, présentait vendredi 27 mai 2011 des propositions de réforme du code de l'urbanisme... L'objectif du Gouvernement est ambitieux : passer d'un urbanisme de normes, plutôt complexe, à un urbanisme de projet, qui donne la main aux porteurs de projets. Cependant, l'idée de permettre aux particuliers de réaliser des extensions jusqu'à 40m2 sans permis de construire - contre 20m2 aujourd'hui – suscite la colère des architectes. Ces derniers, à l'instar de Thierry Cornu, président du Conseil régional de l'ordre des architectes de Bourgogne, ont déjà lancé une pétition et n'excluent pas d'autres actions pour faire part de leur vive opposition au projet...
Objectif : simplifier le code de l'urbanisme
Benoit Apparu, secrétaire d'État au logement, avait crée en juin 2010 plusieurs groupes de travail pour plancher sur la réforme du code de l'urbanisme, dans le cadre de la loi du 12 juillet 2010, dite Grenelle 2, qui porte notamment sur l'amélioration énergétique des bâtiments et l'harmonisation des outils de planification en matière d’urbanisme. "Dès le début, le Conseil national de l'ordre des architectes (CNOA) s'est associé à cette initiative", tient à rappeler d'emblée Thierry Cornu, président du Conseil régional de l'ordre des architectes de Bourgogne (CROAB).
Mais voilà, parmi les propositions pour la réforme de l’urbanisme issues des travaux des groupes de travail présentées vendredi 27 mai 2011 par Benoit Apparu, la possibilité d'ajouter 40m2 à sa maison - contre 20m2 actuellement – sans avoir besoin d'un permis de construire, n'a pas tardé à mettre le feu aux poudres. Thierry Cornu ne mâche pas ses mots, "Monsieur Apparu a privilégié l'effet d'annonce. Cette modification n'a jamais été discutée de façon officielle pendant les débats des groupes de travail auxquels participaient les architectes. Présentée sous couvert d'un large débat entre tous, cette mesure est en fait démagogique !".
Risque de non performance énergétique ?
D'après le président de l'Ordre des architectes de Bourgogne, la mesure serait même catastrophique car elle risque de dénaturer l'esprit de la loi Grenelle 2. En effet, cette dernière prévoit la construction de bâtiments plus sobres d'un point de vue énergétique. "Or, si les particuliers ne font plus appel à un architecte pour réaliser une extension de 40m2, ils risquent de faire appel à quelqu'un de non compétent pour réaliser le chantier, d'où ensuite des risques de fissuration, de tassement et d'éléments mal posés avec, à la clé, une non performance énergétique", redoute Thierry Cornu.
"Le principe du nouveau projet de réforme du code de l'urbanisme est de passer d'une logique de normes à une culture de projet. Aujourd'hui, du fait de leur complexité, de nombreuses petites règles urbanistiques restent souvent mal comprises et mal assimilées par les particuliers et les élus. Il en résulte un certain laisser-aller", constate Clément Féron, urbaniste au Conseil d'architecture et d'urbanisme et de l'environnement de Côte-d'Or (CAUE), un organisme d'information, de conseil gratuit et de sensibilisation, au statut associatif.
"Les agriculteurs ne sont pas les seuls à pouvoir manifester !"
D'après Clément Féron, "l'idée de passer à un urbanisme de projet, plus créatif, est intéressante, cependant, attention, il faudra bien des gens pour intervenir sur l'extension du point de vue de la sécurité, pour vérifier qu'elle est en cohérence avec la maison et bien exposée mais aussi pour conseiller sur le choix des matériaux, le type de toit, etc.". L'urbaniste du CAUE s'interroge également sur la place qui serait laissée aux architectes si la mesure entrait en vigueur.
A cela s'ajoute le fait que 40m2, "c'est grand, cela fait une belle pièce et pas seulement un petit garage, d'où des extensions qui seront plus visibles de l'extérieur, ce qui peut poser d'autres problèmes", relève Clément Féron. En outre, de l'avis de ses détracteurs, la mesure risquerait d'avoir pour conséquence d'enlaidir les zones pavillonnaires car elles possèdent souvent encore du terrain à coté de la maison. La question est également d'ordre financier car une telle mesure, si elle voit le jour, représenterait un réel manque à gagner pour les architectes.
"Notre profession a déjà été très sévèrement impactée par la crise économique de 2008 ; certains de mes confrères ont du mettre la clé sous la porte", affirme Thierry Cornu, qui reconnait par ailleurs que les autres propositions annoncées par le ministres du logement sont intéressantes mais qu'elles se trouvent quelque peu éclipsées par la question du seuil porté à 40m2. "Nous sommes victimes un manque de considération de la part d'un gouvernement, ce n'est pas la première fois, mais nous en avons assez. Les agriculteurs ne sont pas les seuls à savoir manifester !", lâche le représentant des architectes bourguignons.