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Billet de blog 14 novembre 2009

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La mixité dans les entreprises : une utopie ?

Une proposition de loi devrait être déposée dans les prochains jours en vue d'imposer un quota de 40% de femmes dans les conseils d'administration des grandes entreprises.

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Une proposition de loi devrait être déposée dans les prochains jours en vue d'imposer un quota de 40% de femmes dans les conseils d'administration des grandes entreprises. Effectivement, les instances dirigeantes des grandes entreprises comptent seulement 9 % de femmes selon la Délégation Régionale aux Droits des femmes et à l'Égalité de Bourgogne. Ainsi la Bourgogne n'est pas épargnée par les "idées fausses" sur la place des femmes dans les entreprises comme l'a rappelé une conférence sur l'orientation des filles organisée jeudi 5 novembre au lycée Hyppolite Fontaine de Dijon par FETE (féminin technique) et ses partenaires. Comment expliquer que les femmes soient encore victimes d’inégalités au niveau professionnel, notamment lorsqu’elles souhaitent accéder à un poste à responsabilité? Pour établir un état des lieux non exhaustif mais concret, dijOnscOpe est allé à la rencontre de spécialistes de la mixité entre les hommes et les femmes en Bourgogne, toutes des femmes…

Un triste constat...


Les difficultés des femmes sont bien réelles, ne serait ce qu’en terme de salaire. Une enquête de Christine Guegnard ("L’entrée dans la vie active des jeunes de Bourgogne", Céreq-Iredu/CNRS, Service Statistique du rectorat de Dijon, 2007), chargée d'études à l’Iredu-CNRS de Dijon, révèle que pour un même emploi, le salaire varie de 15 à 20 % au niveau national entre hommes et femmes. Cela est surtout dû à la manière de travailler. En effet, la femme est plus soumise au temps partiel : 30% contre 7% des hommes. un temps partiel qui est généralement subi. De plus, les femmes ne trouvent pas forcement un poste à la hauteur de leurs compétences.
« Dans les conseils d’administrations, les directions et les postes de cadres, on compte très peu de femmes», révèle Anne Thierry, Chargée de mission départementale aux droits des femmes et à l’égalité, et Adjointe à la Déléguée régionale aux droits des femmes et à l'égalité. En effet, on dénombre 37,6 % de femmes cadres ou exerçant des professions intellectuelles en 2007. Notons tout de même une petite évolution puisque celles-ci étaient de 24 % en 1982. Bref, les difficultés des femmes dans l’emploi existent concrètement. Une première explication ? Les représentations et les préjugés que nous aurions de l’homme et de la femme expliqueraient en partie les discriminations auxquelles ces dernières sont soumises.

Des représentations persistantes


« Souvent lorsqu’on m’appelle au téléphone, on veut parler à mon mari. On pense que je suis la secrétaire ». Ce que vit Valérie Scavardo est révélateur des représentations que tout un chacun possède sur la place des hommes et des femmes dans le monde du travail. Cette responsable de l’entreprise de chauffagerie Iss-chauff, à Is-sur-Tille, possède pourtant les compétences requises pour répondre à ses interlocuteurs. Or les clients l’imaginent à un poste qui n’est pas le sien : « Je suis confrontée à de nombreux préjugés. Beaucoup de personnes refusent de me parler car elles pensent que je suis incapable de répondre ».
Pas facile donc d’avoir un poste à responsabilité lorsque l’on est une femme et plus difficile encore si celui-ci est traditionnellement « masculin ».


Ce n’est pas Catherine Ranc, directrice de « FETE-FEminin Technique », qui dira le contraire : « Les femmes se heurtent à des difficultés dans un milieu professionnel « masculin ». Les gens n’ont pas l’habitude, elles doivent faire face à de nombreux préjugés ». Pour la spécialiste, ce sont les représentations de la femme qu’il faudrait modifier, aussi bien chez la collégienne que chez le chef d’entreprise. Selon elle, si quelques progrès sont constatés, la femme doit toujours faire ses preuves pour montrer ses compétences : « Désormais, tout le monde ou presque admet que les femmes peuvent accéder à tous les emplois. Mais il faut vraiment une volonté du chef d’entreprise. Je trouve par ailleurs que les femmes sont plus minutieuses, ont plus de facilité à communiquer et des compétences différentes et complémentaires de celles des hommes. »
Des qualités spécifiquement féminines ? "Attention !", rappelle Laurence Langer, fondatrice de la société lyonnaise Actions et Politiques Publiques, spécialiste nationale de la question de genre en entreprise. "Il ne faut ne pas simplifier les choses car rien ne prouve qu’il y a des qualités spécifiquement féminines. La femme d’aujourd’hui doit coller à des schémas et rentrer dans des cases. Les qualités féminines actuelles peuvent avoir évolué dans dix ans ».

Au travail et à la maison, la femme sur tous les fronts


Pour Christine Guegnard, la place de la femme au sein du foyer a peu changé depuis ces dernières décennies : « On constate peu d’avancées dans les responsabilités familiales. Les femmes sont plus réticentes à avoir un rôle dans les lieux d’instances et de décisions car elles doivent s’occuper des enfants. Quand on demande à une femme si elle veut être conseillère municipale, elle réfléchit, en raison de sa vie familiale, de son vécu et des représentations qu’elle a en tête. Un homme lui, dira oui tout de suite ! Un homme qui a une épouse et des enfants, cela est positif pour sa carrière ; une femme c’est le contraire. Les femme sortent généralement plus diplômées mais ont des postes « rétrécis » du fait d’un manque de diversification et d’opportunités. Dans la tête des dirigeants, les cadres sont des hommes, ils sont virils et disponibles. Pour voir ces représentations à l’œuvre, il suffit d’ouvrir le catalogue des jouets de Noël : pages roses pour les filles, bleues pour les garçons. Sur la même page, j’ai vu l’autre jour, la panoplie du parfait petit médecin pour les petits garçons et celle de la parfaite ménagère pour les petites filles. Tout dans la société est fait en sorte de vous rappeler à l’ordre ! ».
Anne Thierry est elle aussi du même avis : « De nombreux faits sont à reprendre depuis le début, comme l’orientation des filles, les représentations. Il faut combattre beaucoup de choses intégrées dans les structures de fonctionnement de la société. Mais pour cela il faut des moyens... »

De trop lents changements


Ne soyons pas trop pessimistes, les évolutions existent mais celles-ci sont bien trop minimes et lentes. Selon Catherine Ranc, les « choses évoluent doucement mais surement. Il faut surtout faire un travail en amont au niveau des représentations et de l’orientation des filles. »
Christine Guegnard valide ce constat : « Même s’il y a plus de femmes chefs d’entreprises, la réalité bouge mais trop lentement. Plus de femmes travaillent qu’avant mais tout n’est pas réglé ; il manque encore trop de crèches et de systèmes d’accueils pour les enfants. Même, s’il est vrai que de plus en plus de jeunes hommes s’occupent de leurs enfants. »

Et les lois dans tout ça ?


En vingt-cinq ans, la question des inégalités professionnelles entre les hommes et les femmes a fait l’objet de six lois et de plusieurs accords collectifs. Selon Anne Thierry, la situation législative est assez confuse : « Les lois sont nombreuses mais on a peu de moyens pour les faire appliquer. La situation est pourtant catastrophique : imaginez qu’en 2009, il y a 38 % d’écart dans les pensions de retraites entre les hommes et les femmes ! La loi sur les collectivités territoriales ne va pas arranger les choses au niveau de la mixité ».
Pour Laurence Langer, le problème essentiel reste la non application législative : « Les lois sont importantes car sans elles, les changements ne se font pas. Mais il existe des lois sur l’égalité qui ne sont pas appliquées. D’où la question : comment améliorer la mise en pratique des lois existantes ? Deuxième bémol : mettre en place une démarche d’égalité pour les entreprises est difficile et demande du temps. Or les pouvoirs publics financent peu de choses. En France on vit une époque charnière : de plus en plus de femmes sont reconnues mais on oppose trop femmes et hommes. Ce n’est pas forcement le nombre de femmes dans une entreprise qui compte. Il y a un certain archaïsme au niveau de la place des femmes mais on a vite fait de penser que les problèmes sont résolus alors que ce n’est pas le cas ».

La crise n’arrange rien...


Christine Guegnard explique que la crise économique actuelle ne favorise pas la mixité : « Comme en ce moment les emplois sont rares, le chef d’entreprise préférera choisir un homme s’il a le choix entre deux candidats mixtes. La femme a toujours le risque de tomber enceinte. En France, les femmes dirigeantes d’entreprises ne sont que 14 %. Pour un même emploi, une femme doit faire ses preuves, notamment dans les métiers techniques. Le point positif est que les femmes peuvent faire toutes les études qu’elles souhaitent. Elles réussissent mieux que les hommes dans la plupart des domaines mais ne sont pas présentes partout... ».
Son avis est partagé par Laurence Langer : « La crise incite au repli. Les chefs d’entreprises ne sont pas incités à recruter des personnes "différentes". Pourtant, les apports de la mixité sont nombreux : des études américaines montrent que les entreprises dites mixtes résistent mieux à la crise. Dans notre société actuelle, il est clair que les femmes doivent travailler plus que les hommes pour faire leurs preuves ».

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