Le panel entier des émotions humaines était réuni à l'occasion de la soirée électorale, dimanche, à la préfecture de Côte-d'Or. Huit candidats à la présidence de la région sur neuf ont en effet défilé sous les micros et caméras des médias locaux pour livrer leurs sentiments. Mais si l'exercice s'est révélé plutôt sympathique pour certains d'entre eux, il s'est montré bien plus difficile pour d'autres...
Front national : on ne peut pas être premier partout...
De même que les candidats Front national avaient été les premiers à annoncer leur liste en Bourgogne en septembre 2009, puis les premiers à la déposer en préfecture en février 2010, ils sont également arrivés en premier à la préfecture de Dijon, vers 19h30... Et trente minutes plus tard, à l'annonce des résultats partiels de la région, c'est à nouveau Édouard Ferrand, tête de liste régionale FN, qui sonne le coup d'envoi des réactions... sur leur troisième position (12,04% des voix au final) : "Nous étions donnés outsiders avant le premier tour mais aujourd'hui, c'est le tiercé gagnant ! C'est une victoire pour les idées nationales et d'ailleurs, nous sommes un peu surpris de l'ampleur des résultats nationaux : 19 % dans le Nord, 20 % en PACA (Provence-Alpes-Côte d'Azur). Il reste maintenant à transformer le second tour... Nous allons organiser des réunions dans toute la région pour encourager les gens à aller voter et faire en sorte de passer trois élus par département en Bourgogne. Quant aux résultats des autres listes, je ne veux pas dire que j'avais lu dans une boule de cristal : c'était tout simplement écrit, mektoub* !".
Parti socialiste : le tapis "rouge"
Vers 21h30, c'est au tour de François Patriat (PS) de faire son entrée... triomphante ! Avec un peu plus de 36 % des voix, la liste du président sortant de la région arrive en effet en pôle position du premier tour des élections, devant celle menée par François Sauvadet (UMP-Nouveau Centre) qui a recueilli pour sa part 28,83% des suffrages. Aussi, tout sourire et accompagné de ses troupes (Safia Otokoré, Michel Neugnot, Françoise Tenenbaum, Stéphane Woynaroski, Philippe Baumel), François Patriat n'a pas retenu sa joie : "C'est une très belle surprise ! Ce score est émouvant... Je crois que nous avons réussi à créer un courant de sympathie avec les Bourguignons. En Côte d'Or, nous passons devant le président du Conseil général du département (François Sauvadet)... ! En Saône-et-Loire, je pensais que nous serions à égalité mais nous sommes également devant et dans l'Yonne, je pensais que nous serions derrière et finalement nous sommes à égalité ! Je pense que nous avons mieux mobilisé notre électorat ; je n'avais pas mesuré qu'autant de personnes me faisait confiance... C'est une première victoire mais ce n'est pas acquis et j'attends avec appétit le débat entre les deux tours...".
Europe Écologie : ça négocie dur en préfecture...
Interrogé sur les conditions de ralliement de la liste Europe Écologie à la majorité sortante, François Patriat reste vague : "S'ils ont 10% ou plus, ils auront des exigences légitimes... Attendons de voir ce qu'il en est". Il faut dire qu'à cette heure de la soirée, le parti vert est au coude-à-coude avec cette fameuse barre des 10%... Philippe Hervieu, tête de liste régionale d'Europe Écologie Bourgogne, est d'ailleurs arrivé entre-temps. Le visage inquiet, il souhaite attendre l'affinage des résultats avant de s'exprimer... Embarqué par le bras de Michel Neugnot, troisième sur la liste de François Patriat et secrétaire départemental du PS, Phillipe Hervieu suit ce dernier dans un coin du gigantesque hall d'entrée de la préfecture. Sous les crépitements des flashs, les deux hommes s'entretiennent quelques minutes sur ce qui ressemble à s'y méprendre à une négociation. La tension du candidat vert est palpable ; l'assurance du co-listier PS aussi...
...et ce n'est pas fini !
Plus tard, le directeur de campagne d'Europe Écologie, Arnaud Costilhes, revient sur le résultat final de la liste (9,84% des voix) et sur sa stratégie dans les tous prochains jours : "En France, Europe Écologie est confirmé comme la troisième force, talonné par le FN. Malheureusement, ce n'est pas le cas en Bourgogne... Mais pour nous, il s'agit tout de même d'un encouragement : on tutoie cette barre de 10%. Bien sûr, nous sommes un peu déçus mais je suis surtout triste de l'abstention et du résultat du FN en Bourgogne... Actuellement, il y a une phase de discussion interne à Europe Écologie. Nous sommes ouverts aux propositions et notamment à celles de la majorité sortante. En revanche, nous serons intraitables avec le respect de la proportionnelle : il y a un accord national pour que dans chaque région soit respecté le vote des électeurs. En faisant rapidement le calcul, on pourrait donc avoir sept élus, dont certains à la vice-présidence... Autre point sur lequel nous ne transigerons pas, c'est le respect de l'ordonnement de nos listes : autrement dit, nous choisirons nos élus."
Modem : l'assommoir...
Si la liste Europe Écologie Bourgogne est un peu sonnée, celle du MoDem est abattue. C'est en effet avec les yeux légèrement humides que François Deseille, tête de liste régionale de "Rassemblons la Bourgogne", a commenté le résultat de sa liste : 3,77%, n'atteignant ainsi même pas les fatidiques 5% nécessaires pour le remboursement de sa campagne... "C'est une déception au regard de la liste, du programme, du travail accompli. Avec la campagne de massacre qui a été faite sur (François) Bayrou, que l'on n'a pas arrêté de critiquer, on ne s'attendait évidemment pas à une bonne surprise mais je ne pensais pas que ce serait aussi négatif : au pire, je pensais arriver à 6%. Il faut dire que notre électorat était démobilisé, cela s'est ressenti au cours de la campagne... Mais le MoDem est un parti jeune, il y a un combat à mener en 2012. Pour nous, ce n'est pas la fin.
UMP-Nouveau centre : je viens, je ne viens pas... Je viens !
Des bruits de couloirs avaient annoncé en début de soirée la venue de François Sauvadet, avant de faire marche arrière. Mais c'est quand plus personne ne l'attendait que le candidat UMP-Nouveau centre et président du Conseil général de Côte d'Or a fait son entrée, aux alentours de 22h15, peu de temps après le départ de François Patriat... "Le match n'est pas encore terminé : dès ce soir, j'appelle à la mobilisation car le taux d'abstention est très important en Bourgogne. C'est pourquoi nous organisons un premier meeting à Dijon dès demain (lundi 15 mars) à 18h45 : il faut appeler les électeurs à venir voter. De plus, j'attends que le président sortant s'exprime sur son programme, lui qui est d'accord avec tout le monde dans le but de ratisser large... En tout cas, j'observe que nos résultats en Côte d'Or (32% des voix, au dessus du résultat régional) sont un signal que notre action est bien reconnue".
Alliance Écologiste Indépendante : No comment... ou presque
Aussi brusquement qu'il était arrivé, François Sauvadet est reparti de la préfecture... Apercevant Julien Gonzalez, tête de liste régionale de l'Alliance Écologiste Indépendante (2,04% des voix), les journalistes jettent leur dévolu sur ce dernier. "C'est quoi ça ?", lance durement le candidat ; "C'est une caméra !". "Je n'ai rien à dire". Une autre journaliste : "Que pensez-vous du résultat d'Europe Écologie ?". Julien Gonzalez : "Je ne suis pas là pour réagir sur les mauvais résultats des autres...". Devant l'insistance des confrères, le candidat finit par craquer : "Je suis un peu déçu du résultat. Il n'y aura aucune consigne de vote, nous ne sommes pas propriétaires de nos voix". Soulagé, le candidat voit s'éloigner la horde de journalistes cette fois-ci vers Joël Mekhantar, tête de liste régionale de "Pour la Bourgogne citoyenne" (1,29%)...
Liste "Pour la Bourgogne citoyenne" : à gauche toute !
Plus prolixe, le conseiller municipal de Dijon appelle clairement à voter François Patriat : "Seules trois listes sont en mesure d'être présentes au second tour et il y a un très bon résultat de (François) Patriat. Maintenant, plus d'un électeur sur deux n'a pas voté alors la grande inconnue reste de savoir ce que feront dimanche prochain les gens qui ne se sont pas déplacés aujourd'hui. C'est pourquoi nous appelons clairement à conserver la région à gauche ! Et je souhaite que les propositions que nous avons faites dans notre programme, notamment celles concernant l'emploi, puissent être portées par François Patriat". Quelques minutes plus tard, un membre du PS lui glissera : "Tu as appelé à voter Patriat ?". Joël Mekhantar : "Oui, oui, c'est fait".
Lutte Ouvrière : moins de 2% ? Même pas mal...
La dernière chef de file arrivée sera sans doute la plus étonnante de la soirée : tandis que ses petits camarades se consolaient comme ils le pouvaient, Claire Rocher, tête de liste régionale de Lutte Ouvrière (1,56% des suffrages) affichait quant à elle une mine plutôt réjouie. "On s'est toujours situés entre 1 et 5% aux élections... Nous sommes une minorité certes, mais nous existons. Le vrai rapport de force sera dans les luttes futures ; il y en a qui ne sont pas dupes des politiques et qui pensent qu'eux seuls pourront résoudre leurs problèmes. Une consigne de vote en particulier ? Non". Seule la tête de liste pour "L'Autre gauche en Bourgogne" (4,32% des voix), Sylvie Faye-Pastor, manquait à l'appel de la soirée. Le téléphone coupé, la candidate est restée injoignable...
* Mot arabe définissant littéralement "ce qui est écrit".
