Après les affaires Bettencourt, Karachi ou encore les révélations du journal Mediapart au sujet de l'homme d'affaires Ziad Takieddine, qualifié par notre confère de "financier occulte de la Sarkozie", une nouvelle histoire de mallettes dorées vient aujourd'hui éclabousser une partie de la droite française. Dimanche 11 septembre 2011, dans un entretien accordé au JDD.fr, l'avocat franco-libanais Robert Bourgi, proche du président Nicolas Sarkozy, affirmait en effet avoir remis à l'ex-premier ministre Dominique de Villepin et l'ancien président de la République Jacques Chirac l'équivalent de "vingt millions de dollars" en liquide provenant directement de dirigeants africains (Lire ici l'article du JDD.fr). En citant également Jean-Marie Le Pen, ancien patron du Front national, comme bénéficiaire de ces "coups-de-pouce" financiers, que recherche vraiment Robert Bourgi, par ailleurs cheville ouvrière de ce système ?

La grenade lancée par le sulfureux Robert Bourgi est si énorme que beaucoup ont d'abord cru y déceler la main de l'Élysée pour "tuer" Dominique de Villepin, qui envisage toujours de se présenter à l'élection présidentielle de 2012. "A quelques heures du verdict en appel du procès Clearstream, qui pourrait le blanchir, et en plein procès des emplois présumés fictifs de la mairie de Paris, beaucoup y ont vu un nouvel avatar de la guerre Sarkozy-Villepin, voire un contre-feu élyséen pour masquer les derniers soubresauts de l’affaire Bettencourt", note par exemple LeParisien.fr (Lire ici l'article). Et de préciser : "Sarkozy avait-il intérêt à pousser Bourgi à lancer ces accusations ? La garde rapprochée du président proteste :"C’est ridicule !". "Penser que c’est une opération téléguidée par l’Élysée, qui n’y a strictement aucun intérêt, c’est une plaisanterie ! La période était à l'apaisement avec Villepin", explique Brice Hortefeux, conseiller du président. L’UMP lui garde d’ailleurs au chaud une circonscription en Amérique du Nord pour les législatives. Fin août, Nicolas Sarkozy et Dominique de Villepin se sont même vus, en toute discrétion. Pourquoi, dès lors, courir le risque de l'exciter et de s’exposer à un grand déballage sans fin ? "Tout ça va réveiller Villepin, ce n’est pas bon", redoute pour sa part un cadre UMP"...
Hormis la relance possible des conflits entre villepinistes et sarkozystes, les révélations de Robert Bourgi questionnent surtout sur un point : en affirmant que ce système de financement a trouvé sa fin avec Nicolas Sarkozy, l'avocat ne tendrait-il pas au contraire le bâton pour faire battre l'Élysée ? Car, comme le rappelle le journaliste Pierre Péan dans une interview accordée à Marianne2.fr, les réseaux de la Françafrique sont loin d'avoir été coupés avec l'arrivée de Nicolas Sarkozy à la tête de l'Etat français. "L'arbre Villepin ne doit pas cacher la forêt : je n'ai consacré que quelques-unes des 480 pages de mon livre aux valises de billets remises à Dominique de Villepin. Robert Bourgi a développé dans son interview au Journal du Dimanche les informations sur les fameux djembés remplis de dollars qui figurent aussi dans mon livre. Mais pour écrire ces quelques pages, j'ai aussi interrogé Michel de Bonnecorse, le "Monsieur Afrique" de Chirac. Ce dernier affirme que, Robert Bourgi ayant compris que Dominique de Villepin était "cuit" politiquement, a acheminé vers Nicolas Sarkozy non seulement l'argent de Sassou (ndlr : président du Congo) et Bongo (ndlr : ancien président du Gabon) qui lui était destiné, mais y a ajouté également les sommes qui devaient aller dans l'escarcelle de Dominique de Villepin" (Lire ici l'article sur Marianne2.fr).
Stratégie politique orchestrée depuis l'Élysée ou tentative de pression individuelle menée par Robert Bourgi, dont certains commentateurs politiques estiment qu'il arrive au crépuscule de son influence dans les hautes sphères du pouvoir ? La réponse se trouvera peut-être dans le lancement d'une enquête dont tous les partis d'opposition réclament aujourd'hui la conduite... Et pour patienter un peu, dijOnscOpe vous conseille vivement le visionnage du documentaire La Françafrique, réalisé en 2010 par Patrick Benquet, qui dénoue les enjeux de pouvoir régissant aujourd'hui les relations de la métropole et du continent africain, entre pétrole, marchés obscurs de travaux publics et politique pas toujours démocratique...
A lire sur dijOnscOpe :
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