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Billet de blog 16 janvier 2010

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Pas de leçons, pas d'allocations...

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Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, est revenu lundi 11 janvier sur la possibilité de supprimer les allocations familiales aux parents dont les enfants multiplient les absences injustifiées au collège ou au lycée. Si la polémique avait fait rage en 2006 lors de l'adoption de la loi actuellement en vigueur contre l'absentéisme scolaire, les dispositions de cette dernière n'ont jamais été appliquées. Le ministre envisage de modifier ce texte, alors que le phénomène toucherait désormais 5% des élèves. Mais faut-il privilégier la prévention ou la sanction ? Le débat continue...

Une controverse qui ne date pas d'hier


"Cette question fait débat, quelles que soient les périodes et les gouvernants" : la Caisse d'Allocations Familiales de Côte d'Or (CAF), chargée du versement de la précieuse allocation, nous rappelle que la loi de 2006 n'est qu'une étape : "Il y a déjà eu plusieurs phases auparavant, à commencer par la loi de 1966, qui est restée en vigueur jusqu'en 2004 : elle prévoyait déjà la suspension des allocations en cas de signalement d'un absentéisme répété par l'inspection d'académie, saisie par le chef d'établissement". Cette loi de 1966 a été appliquée mais de façon relativement limitée, la CAF insistant avant tout "sur la prévention et l'accompagnement des familles". En 2004, la loi de 1966 est finalement supprimée : seule une amende peut alors sanctionner l'absentéisme.


Deux ans plus tard, en 2006, apparaît la loi actuelle, tant controversée : "Le conseil d’administration de la CNAF s’était déclaré défavorable à ce projet, dénonçant des mesures inefficaces et inéquitables, et regrettant le manque de concertation avec les partenaires sociaux. Selon les nouvelles modalités, 4 demi-journées d'absences injustifiées doivent avoir été signalées dans le même mois ; après une première rencontre avec les familles, si les difficultés persistent, un "contrat de responsabilité parentale" (CRP) est alors signé entre les parents et le Conseil général. C'est en cas de non-respect de ce contrat (si les absences perdurent), que la suspension est possible. Mais ce dispositif n'a pas encore été appliqué car il est très lourd". Rien à signaler donc sur la Côte d'Or depuis 2006.

2010 : nouvelle loi ou adaptation du cadre actuel ?


Contacté par téléphone, le ministère de l'éducation nationale reconnaît qu'il "risque de devoir passer par une modification de la loi de 2006". Une série d’amendements visant à simplifier le "contrat de responsabilité parentale" devrait en effet être déposée début février par le député UMP Eric Ciotti, à l’occasion de l’examen par l’Assemblée nationale de la loi d’orientation, de programmation et de performance pour la sécurité intérieure. Le Cabinet de Luc Chatel estime pour l'heure qu'il est "trop tôt pour faire un commentaire sur ce qui n'est qu'un souhait du ministre, et que le ministère communiquera dès que le dossier avancera"...

"Une idée ridicule et démagogique"


Simplifier le CRP pour rendre la loi de 2006 plus facilement applicable : un projet que désapprouve Anne Dillenseger, Conseillère régionale PS et adjointe au Maire de Dijon déléguée à la réussite éducative : "Une fois de plus, on fait dans la sanction et on ne règle pas le problème. Quand les parents n'y arrivent pas, ce n'est pas une suppression des allocations familiales qui peut solutionner la question. Il faut au contraire aider ces familles et engager plus de moyens dans les quartiers. En plus, si l'on supprime des revenus à ces familles dont certaines n'ont que les aides pour vivre, on peut craindre que cela aggrave la délinquance et les trafics en tous genres pour ramener un peu d'argent"...


Un avis partagé par François Deseille, 9ème vice président du Grand Dijon et adjoint MoDem au Maire de Dijon : "Les familles qui ne se soumettent pas à l’obligation scolaire sont souvent socialement défavorisées et subissent cette situation d’absentéisme. Elles voudraient y remédier mais elles sont engluées dans des situations impossibles. Leur supprimer les allocations familiales revient à aggraver leurs difficultés financières ; c'est ridicule et démagogique, et ne sert à rien sinon à satisfaire une partie de l'électorat. Si le rappel à la loi est certes indispensable, il conviendrait d’assurer à la famille un réel accompagnement de proximité".

"Une responsabilité éducative partagée avec les parents"


Catherine Vandriesse, Conseillère municipale UMP Initiatives Dijon, tient toutefois à rappeler que "l'éducation des enfants ne peut relever de la responsabilité exclusive de l'école : si la notion même d'Éducation nationale implique le fait d'instruire et d'éduquer, cette responsabilité doit être partagée avec les parents, qui ont un rôle de premier plan". Selon elle, ce dispositif doit être considéré comme une démarche d'accompagnement : "C'est une manière de responsabiliser, mais surtout de rencontrer les familles, dialoguer avec elles et les accompagner".


Catherine Vandriesse souligne également l'intérêt d'une médiation exercée par le Conseil général dans le cadre de la signature des "contrats de responsabilité parentale" avec les familles : "C'est un acteur de proximité et les questions sociales sont dans son domaine de compétence : chaque situation est une histoire différente, qu'il faut étudier au cas par cas. Ce cheminement basé sur la rencontre et le dialogue n'est pas un processus autoritaire. La suppression éventuelle des allocations n'est qu'une réponse ultime : l'objet n'est pas de sanctionner financièrement mais de déceler des problèmes de fond afin de trouver une solution adaptée à ces situations difficiles".

Un problème de moyens ?


Plutôt qu'une nouvelle modification de la loi, Anne Dillenseger préconise une augmentation des moyens de prévention : "Le dispositif de réussite éducative, mis en route par Jean-Louis Borloo puis Fadela Amara, semble porter ses fruits : lorsqu'un enfant est signalé pour difficultés scolaires, les réseaux sociaux, médicaux et éducatifs se mobilisent pour aider sa famille. Il en est de même lors des Commissions de Prévention et de Sécurité de Quartier*, où l'objectif est aussi de prendre en charge des jeunes. Mais il faudrait que ces services sociaux aient plus de moyens, notamment en personnel ; dans des établissements comme les collèges Bachelard ou Rameau, il faudrait suffisamment d'infirmiers ou d'assistants sociaux pour assurer une présence permanente".


François Deseille recommande pour sa part "des rencontres plus régulières entre la famille et le chef d'établissement scolaire, complétées par la présence d’une assistante sociale ou d’un psychologue". Mais selon lui, cette démarche "pose la question des possibilités financières car après le rappel à la loi, il faut se donner les moyens de contractualiser avec les familles et de recréer du lien". Enfin, François Deseille rappelle que "les élèves en situation d’absentéisme connaissent généralement des difficultés scolaires et ont besoin de dispositifs d’aide tels que les RASED (réseaux d’aide et de soutien aux élèves en difficulté) ; Quid des 3000 suppressions de postes de RASED l’an passé ?"...

* Ces commissions sont menées par Alain Millot, premier adjoint au maire de Dijon, notamment aux Grésilles ou à la Fontaine d'Ouche, avec la participation des services sociaux, de la police, des services de médiation, des bailleurs sociaux et du réseau de transport Divia.

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