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Dijon / Bourgogne

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Billet de blog 16 mars 2010

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Absentéisme des profs : les parents d'élèves se rebiffent

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En Seine-Saint Denis, des dizaines de parents d'élèves poursuivent le ministre de l'Éducation nationale en justice. A l'origine de leur mécontentement, le non-remplacement des enseignants en cas d'absence... Mardi 09 mars 2010, Luc Chatel réagissait, dans une interview accordée au journal Le Parisien, en décrétant la mobilisation générale sur le sujet et en annonçant vouloir recruter de jeunes retraités de l'Éducation nationale, des étudiants qualifiés ou adultes diplômés pour venir combler les absences de courte durée. Une "trouvaille" qui ne semble convaincre ni les parents d'élèves, ni les professeurs... Le point sur la situation en Bourgogne et en Côte-d'Or.

Plus cool à la fac


"Je caricature un peu en disant qu’on entend parfois : Tiens, le prof de musique est absent depuis trois semaines, mais ce n’est pas grave ! Ce ne devra plus être le cas", affirmait Luc Chatel dans l'interview. En effet, qui n'a jamais été certain de trouver l'ensemble de ses professeurs en arrivant à l'école, au collège ou au lycée le matin ? "A la faculté, la question ne se pose pas ainsi : quand un prof est absent un jour ou deux, il rattrape lui-même ses cours. S'il est absent un long moment, c'est un autre enseignant qui le remplace. La souplesse des enseignants et des élèves est différente à l'université ; autrement dit, il n'existe pas d'absentéisme en tant que tel", souligne Sabine Palmer, chef de cabinet de la présidente de l'université.

2h + 2h = 3h non remplacées ?


Pour le reste du parcours scolaire, l'absentéisme des professeurs non remplacés prend une autre proportion. Selon l'Académie de Dijon, qui porte mal son nom puisqu'elle couvre l'ensemble de la Bourgogne, les enseignants de l'académie auraient été absents 5% de leur temps de travail sur l'année 2008-2009. Mais les chiffres ne disent pas combien d'entre eux n'ont pas été remplacés lors de leur absence... "L'an dernier, l'inspecteur d'académie a reconnu que l'ensemble des congés non remplacés représentaient l'équivalent de huit postes en temps-plein", affirme Philippe Choulot, instituteur et directeur de l'école des Varennes à Dijon et responsable départemental du Syndicat national unitaire des instituteurs, profs et PEGC (SNU).
Et d'ajouter : "De toute façon, leurs chiffres sont tronqués : ils envoient le matin un remplaçant dans un endroit et l'après-midi ils l'envoient dans un autre. Ainsi, ils considèrent qu'il n'y a pas eu de congé non remplacé puisqu'ils comptabilisent en tant que tel une journée d'absence complète et plus. Pourtant, les élèves n'ont bel et bien eu pas cours à un moment donné...".

Les bons comptes font les bonnes associations de parents d'élèves...


Même constat chez les associations de parents d'élèves. Depuis le début de l'année scolaire, l'une des plus importantes d'entre elles, la FCPE, propose aux parents de déclarer les absences non remplacés de professeurs sur le site "Ouyapascours". "Nous nous sommes aperçus que bien souvent, le rectorat ne comptabilisait pas toutes les absences comme nous le faisons, avance François Riotte, président fédéral de la FCPE (850 familles adhérentes en Côte d'Or. Les résultats ne sont pas publics mais je suis allé voir les chiffres hier soir et je me suis aperçu que les absences non remplacées gonflaient : en ce qui concerne les établissements de Côte d'Or depuis le début de l'année scolaire 2009-2010, nous comptons 7% à 10% d'absence sur les heures de cours prévues. Je prends l'exemple plus concret de mon fils, qui est au collège, qui a eu 35 heures de cours non effectuées entre le 1er septembre et le 30 novembre. C'est quand même énorme !".

De l'obligation d'éducation à celle d'accueil


Selon Philippe Choulot, l'académie manquerait de remplaçants. Coincée, elle prioriserait les remplacements à effectuer : "Les maternelles passent toujours après car ils pensent que ce n'est pas obligatoire ; en attendant, c'est embêtant pour les parents. A l'école élémentaire, ils priorisent le CP et le CM2. Et tant pis pour le milieu ! Quand ils sont vraiment à cours d'enseignants, ils suppriment les stages de formation auxquels nous avons droit et qui sont pourtant très importants. En collège et lycée, quand un prof est absent, les autres font des heures supplémentaires pour compenser : si votre prof de Français a la grippe, c'est votre prof de maths qui vous fera cours, de maths bien sûr ! Comme ça aucune absence n'est à déplorer et les parents sont contents... L'État veut petit à petit transformer l'obligation d'éducation en l'obligation d'accueil, pour que les parents puissent continuer à travailler".

Des bouches-trou non désirés


Pas sûr que les parents se contentent de bouches-trou... "L'école, ce n'est pas une garderie ! Des cours manqués démobilisent forcément les élèves et c'est aussi le programme qui ne sera pas fini ou alors au pas de charge. Et puis si l'on construit mal une société, c'est toute la société qu'on démolit", réalise François Riotte. Interrogé sur l'idée de recruter "de jeunes retraités de l’Education nationale, des étudiants qualifiés ou adultes diplômés" pour venir combler les absences de courte durée, ce parent d'élève reste peu emballé : "On a tellement de chômeurs en France qu'il est tout de même dommage de faire appel à des retraités. Quant aux enseignants qui n'ont pas terminé d'être formés... Bof".

Aux yeux de Philippe Choulot, le système aurait tout l'air d'agence intérimaire : "Il faudrait surtout recruter plus d'enseignants remplaçants. Sur 3000 profs en Côte d'Or, ils doivent être 200 je crois ; ce n'est pas suffisant". Quant à Sophie Genelot, la directrice de l'IUFM de Dijon, elle ne tient tout simplement pas à faire de commentaire sur les éventuels "élèves-professeurs" qui iraient remplacer des enseignants : "On a déjà assez de soucis sur la réforme contestable de la formation des enseignants. Je ne tiens pas à en rajouter".

Tous-ensemble-tous-ensemble-ouais-ouais !


Les parents d'élèves, eux, insistent sur le fait qu'ils ne remettent pas en cause les raisons d'absences des professeurs. Ils souhaiteraient tout simplement que les enfants aient normalement cours : "C'est pour cela que nous pensons nous aussi faire un recours en justice contre le ministère de l'Éducation nationale. Nous allons en discuter très prochainement", annonce François Riotte. "Ça fait chaud au cœur de voir les parents d'élèves derrière nous, reconnaît Noémie, 26 ans, enseignante en Côte d'Or. Nous dont l'image est celle du prof qui fait tout le temps la grève pour tout et n'importe quoi...".

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