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Billet de blog 16 mars 2010

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Emploi durable : Kesako?

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Économiste, ingénieur agronome et candidat d'Europe Écologie en Ile-de-France, Pierre Larrouturou, était à Dijon jeudi 11 mars 2010 pour soutenir le candidat bourguignon du parti, Philippe Hervieu. dijOnscOpe en a profité pour faire le point avec lui sur les liens étroits entre écologie et emploi durable. L'enjeu? Comprendre en quoi l'écologie serait la seule vision porteuse d'espoir pour l'emploi durable. Michèle Rivasi*, eurodéputée, fondatrice de la Commission de recherche et d'information sur la radioactivité (CRIIRAD) nous a rejoint en cours de discussion...

Pierre Lorrouturou, bonjour. Tout d'abord, en quoi l'écologie serait-elle la seule vision porteuse d'espoir pour l'emploi et, plus particulièrement, pour des emplois durables?


"Quand on parle d'emploi, il est difficile de pas évoquer la crise... Nous sommes dans une crise économique et sociale particulièrement grave, comme le montre le nombre de chômeurs en France, 900.000 de plus depuis le début de la crise selon les chiffres de Pôle emploi. Cette crise est d'une ampleur sans précédent ! Nous sommes actuellement dans une impasse. Et c'est ici que l'écologie entre en jeu.

L'écologie a aussi un rôle social,économique et politique à jouer...


Il faut sortir de la crise pour renouer avec des emplois durables. C'est vital ! Concrètement, comment sortir de la crise ? ll faut d'abord la comprendre. Et aujourd'hui, comprend-on bien, mesure -t-on bien, la gravité de la crise ? Pas sûr! Il faut changer notre façon de voir les choses, à commencer par revenir sur l'idée du retour à la croissance comme pendant les "Trente Glorieuses" [ndlr : désigne la période de forte croissance économique qu’ont connu entre 1945 et 1974 une grande majorité des pays développés].


Existerait-t-il un mythe de la croissance ? Quel lien avec l'écologie?...


Faut-il tout attendre de la croissance ? Non ! La plupart des spécialistes et décideurs économiques ou politiques ont été formés à une époque de forte croissance, durant ces fameuses "Trente Glorieuses", qui étaient exceptionnellement prospères! Ils sont restés conditionnés par les taux de croissance exceptionnels de cette période et, de cette exception, ils ont tiré une généralité. Or aujourd'hui, il faut 2,5% de croissance annuelle pour compter sur la croissance. Mais le gros problème, c'est que ce taux de croissance n'est pas revenu depuis 30 ans, soit depuis les années 1990 !


Autrement dit, il ne faut plus miser sur la croissance pour renouer avec des emplois durables, des emplois stables. Aux États-Unis, où la croissance est pourtant plus forte qu'en Europe, celle-ci ne rime plus avec plein emploi. On assiste actuellement à une multiplication des temps partiels aux États-Unis. De plus, il faut compter aussi avec des ressources naturelles limitées, comme le montrent des études récentes de l'Observatoire Français des Conjonctures économiques (OFCE). C'est par exemple le cas pour le pétrole, dont la production devrait atteindre un plafond d'ici cinq ans...

Mais alors quelles solutions pour favoriser l'emploi durable? Si l'idée d'un retour de la croissance n'est qu'un "leurre", d'autant que les ressources naturelles sont limitées, quelles solutions préconisez-vous?


Pour stopper l'hémorragie du chômage, je pense que le travail à temps réduit peut constituer une solution. (ndlr Pierre Larrouturou est connu pour défendre la semaine des 4 jours!). Voyez l'exemple allemand, la droite a fait preuve de pragmatisme :l'idée est d'instituer un temps de travail plus court, d'où le nom de "Kurz-arbeit". Quand les carnets de commande des entreprises sont moins remplis, on baisse le temps de travail pour conserver le maximum de salariés. En Allemagne, la durée moyenne de ceux qui ont un emploi est aujourd'hui de 27,1 heures par semaine. D'ailleurs, d'autres pays commencent à y réfléchir... En fait, l'idée maîtresse, c'est de partager l'emploi entre tous mais attention, chacun conserve son salaire. Plutôt que de financer le chômage des uns... par les autres.

Vous êtes favorables aux énergies renouvelables, capables de créer des emplois, mais que penser de l'énergie nucléaire?


Selon moi, le nucléaire n'est pas une énergie d'avenir ! Et au plan économique, on voit d'ailleurs les difficultés de la France à vendre ses réacteurs nucléaires EPR (European Pressurised Reactor)! Et ce n'est pas une énergie durable, ni une énergie pérenne... Il faut mener une politique de diversification des activités des entreprises qui possèdent de réelles compétences en la matière. Plus largement, il faut répartir autrement les investissements entre les différentes sources d'énergie et mettre le paquet sur les énergies renouvelables qui sont porteuses d'emplois.

Et vous Michèle Rivasi, que pensez-vous de l'énergie nucléaire, qui fait l'objet de vives controverses ? Faut-il la compter parmi les énergies porteuses d'emplois durables, sachant que ce secteur emploie près de 10.000 personnes en Bourgogne ? Quel avenir pour ces salariés?


Le nucléaire est source de pollution avec la présence des résidus radioactifs, très nocifs pour la santé, y compris à faible dose. Se pose aussi la question du retraitement des déchets radioactifs... Il importe donc de transformer cette filière et de réorienter ces emplois, c'est-à-dire d'effectuer une vraie reconversion. Prenons un exemple bourguignon : Le Creusot est un des points forts de l'excellence métallurgique. Il y a là un vrai savoir-faire, qu'il serait possible d'utiliser au profit du développement des énergies renouvelables : pourquoi pas pour les éoliennes, domaine où la France a du retard sur ses voisins comme l'Allemagne ou l'Espagne... "


* Michèle Rivasi est également Présidente du Centre de recherche indépendant sur les rayonnements électron-magnétiques (CRIIREM).

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