"Les Nantais étaient 4.000, les Rennais étaient 5.000 ; combien seront les Dijonnais ?" Sous cette invitation racoleuse, les Dijonnais sont invités à se retrouver vendredi 21 mai 2010 place Wilson... autour d'un verre. Véritables phénomènes de mode, les apéros géants pullulent à travers la France, sans pour autant recevoir l'aval de l'administration. Organisés par le biais de réseaux sociaux type Facebook, on y boit un peu, beaucoup, souvent passionnément, jusqu'au coma en plein coeur de ville. Mais qui se cache donc derrière cette organisation?
Un terroriste pas comme les autres
De prime abord, celui qui se fait appeler Gérald pour des raisons de sécurité, n'a rien d'un terroriste. La voix posée, l'élocution aisée, il avance non sans prendre de précaution dans l'organisation d'un événement qui, il le sait, est loin de faire l'unanimité. En numéro masqué, changeant régulièrement d'identité, Gérald à 19 ans. Il explique être parti d'un constat simple : la carence de lieux de vie nocturne dijonnais et la froideur de ses habitants. "L'idée m'est venue en regardant les infos. J'ai vu l'organisation de ce genre de manifestation dans d'autres villes, alors pourquoi ne pas tenter la même chose sur Dijon ?" Rendez-vous est donc pris le vendredi 21 mai 2010, place Wilson, pour un concept novateur, que son créateur qualifie de "convivial et bon enfant", devenu depuis quelques semaines un véritable sport national...
La folie des apéros géants
Cherbourg, Dax, Brest, Nantes... Il faut remonter au 25 août 2009 pour voir naitre les apéros géants. Si le premier se déroule à Marseille, on peut aujourd'hui en trouver dans toute la France. Le principe reste à chaque fois le même : partager un verre (ou plus) avec des milliers d'inconnus, qui ont pour seul point commun de fréquenter le même réseau social : Facebook. Utilisé par 80% des jeunes de 18-24 ans, Facebook opère comme un virus : d'une seule personne créant le groupe, des milliers adhéreront en quelques heures par le système du bouche à oreille. A Dijon, le groupe, ouvert vendredi 9 avril 2010 avec 11 membres regroupe, mercredi 14 avril, 2.750 personnes. Autant de confirmations, qui ne se transformeront pas forcément en participation réelle, le taux de présence au jour J étant de 40% en moyenne dans les autres villes.
Au-delà des espérances
Problème : à Rennes ou à Brest, la manifestation a connu quelques dérives ou comas éthyliques. Si Gérald nuance la gravité de ces événements en notant que "ces 50 cas de comas éthyliques ne représentent que 1% des participants", il reconnait toutefois que ces dérapages pourraient remettre en cause l'organisation de la soirée : "Lorsque j'ai annoncé mon intention à mes amis, certains n'ont pas été pour car celle-ci engendre une grosse prise de responsabilité et relève du pénal." Conscient du risque qu'il prend, il reconnait même "halluciner" devant l'ampleur que prend l'évènement au niveau local : "Nous sommes en quelque sorte passé du trip à la réalité et je dois dire que je n'attendais pas à un tel retentissement en si peu de temps!" Aujourd'hui, il avoue être en pleine réflexion quant à la pérennité de l'apéro : "Je pourrais annuler l'évènement mais je souhaiterais quand même que chacun puisse se retrouver. Je n'ai pas créé ceci dans le but de consommer de l'alcool durant toute une soirée or quelques individus mal intentionnés pourraient mettre en péril toute l'organisation..."
3.000 personnes attendues
Cependant, pour assurer la persistance de son entreprise, Gérald est prêt à faire quelques concessions. Redoutant la réaction de la préfecture et de la mairie de Dijon, il espère que ces dernières ne prendront pas la chose comme une "agression", mais l'aideront à trouver un lieu plus propice et à mettre en place un service d'ordre. "Nous ne sommes pas à l'abri de dérives. De mon côté, je souhaite que l'ambiance soit bon enfant et que l'on puisse mettre un service d'encadrement en place". Le jeune homme va même encore plus loin et affirme être prêt à accueillir des stands pédagogiques et commerciaux pour prévenir notamment les risques liées à la consommation d'alcool. Reste à savoir de quel œil les institutions, silencieuses à l'heure actuelle, verront cet évènement qui devrait rassembler près de 3.000 personnes...