
Occultant les discussions de fond sur l'éducation, la venue de Ségolène Royal au Rassemblement de la Gauche samedi 14 novembre à Dijon aura cristallisé les débats, alors même qu'aucun présidentiable n'était censé venir gâcher la fête. Une escalade verbale sur l'autel d'un nouveau projet alternatif pour 2012...
Une "auto-invitation" qui fait débat
Rappel des faits : vendredi 13 novembre, la dame du Poitou annonce sur son site internet sa venue au rassemblement de Dijon, histoire de "venir féliciter et encourager ses amis engagés dans une réflexion de fond sur un sujet qu'[elle] considère et qu'[elle a] toujours considéré comme majeur pour l'avenir : l'éducation." Une venue qui n'était pas du goût de tous et surtout pas de Vincent Peillon. d'ailleurs, il le lui a fait savoir sur Europe 1 : elle n'était pas la bienvenue "sur ses terres". Il a ainsi estimé qu'elle "n'avait pas beaucoup de talent pour le rassemblement", allant même jusqu'à souhaiter "très clairement" qu'elle ne vienne pas, ceci étant "purement médiatique".
C'est pourtant loin de la cohue du palais des Congrès qu'elle arrive, en toute discrétion à la gare de Dijon. Discrétion relative néanmoins... A sa descente du train, elle confie aux journalistes "son plaisir, pour ne pas dire sa joie d'être au contact des militants qui [la]soutiennent et qui continue à travailler" tout en affirmant que "c'est le débat d'idée qui [l]'intéresse". Quelques minutes auparavant, François Rebsamen affirmait avoir invité l'ensemble des membres du PS : "Dijon est une ville où la tradition d'accueil est forte. J'accueillerai donc chaleureusement Ségolène Royal tout à l'heure".
Quel lapsus quand à la question suivante, il lâche un malencontreux : "Elle s'est invitée". Le sourire en coin, Vincent Peillon prend l'ampleur de la bourde de son ami et lève la conférence de presse. Les débats doivent reprendre nous dit-on ...
Explications de texte
Sur le parvis, son ancien lieutenant, porte-parole de sa campagne en 2007, est aux abonnés absents. Ce sont François Rebsamen et Jean-Louis Bianco qui assurent l'accueil sous les flashs. Rapidement, ils s'isolent dans une salle à part avant de n'être rejoints que quelques minutes plus tard par Peillon... L'histoire nous dira que l'explication de texte a été houleuse, le débat dans le débat s'installe. Pendant ce temps-là, Gabriel Conh Bendit, frère de, ironise : "Si ça se trouve, elle fait son coming out ... Elle n'est peut être tout simplement plus présidente ...".
Pour Robert Hue, ancien leader du Parti Communiste, c'est "une bonne chose ; la gauche plurielle est aujourd'hui dépassée". Pierre Berger, l'homme d'affaire, ne fait pas dans la dentelle. Lui qui a entretenu une relation amoureuse avec Yves Saint-Laurent considère que ce n'est "peut être ni le jour ni le lieu". Les militants eux sont aux anges. Mais déjà le QG s'ouvre, assailli par les caméras. Ségolène Royal annonce qu'aujourd'hui sera un temps de réconciliation...
Enfin dans le principe car la pilule du repas ne passera pas ! En effet, blague de très mauvais goût, la dame de Poitou ne sera pas conviée à la table d'honneur mais bénéficiera d'une table à part... Les caméras ne sont pas invitées pour ce moment mais l'ex candidate fera sa tournée d'honneur à travers la salle, allant à la rencontre de chacun.
Revenir dans le troupeau
Mais la guerre continue... Telle une star, Ségolène Royal pique un caprice avant d'entrer dans l'amphithéâtre, où elle pourra finalement témoigner, refusant la présence des capteurs d'images. Pendant 10 minutes, le manège continuera avant qu'elle ne cède et que les caméras ne soient reconduites vers la porte par le service d'ordre... Brandissant son nouveau chéquier contraception, elle s'exprime durant quelques minutes avant d'organiser une seconde conférence de presse. La hache de guerre est déterrée.
Ferme, Ségolène Royal, qui revient "tout naturellement travailler dans le mouvement qui est le sien", ne laisse finalement rien passer : "Il faut que chacun revienne dans le troupeau... dans le sens positif du terme car j'en fais partie (...)" Il faut rétablir la confiance et "ne plus laisser planer le doute". D'après une enquête Opinion Way publiée samedi 14 novembre dans le Figaro, Dominique Strauss-Kahn serait pour 52% des Français le candidat idéal pour la présidentielle... 33% pour François Bayrou, 27% pour Bertrand Delanoë et 22% pour Ségolène Royal. Celle qui se voit déjà en haut de l'affiche martèle "qu'il n'y a aucune place entre nous pour les attaques personnelles. Je n'y répondrais pas cette fois ci. Les propos ont été extrêmement violents : ils n'ont aucune place dans le mouvement que j'incarne et dont Vincent Peillon fait partie".
Partie comme elle est arrivée, Royal laisse le chaos derrière elle. "Ma venue ne divise pas. Au contraire, elle rassemble", ajoute-t-elle. Et Vincent Peillon de désespérer : "Nous voulions mettre des sujets de sociétés sur le devant la scène". Le phénomène médiatico-politique a encore frappé...
