
Le mardi 15 décembre était jour de mobilisation contre la réforme de formation des enseignants, qui prévoit de recruter les professeurs au niveau master 2 (bac +5) et de confier la formation aux universités. La faculté de Dijon, comme la plupart des établissements, s'est mobilisée pour dénoncer le projet du gouvernement. Une assemblée générale puis un rassemblement réunissant enseignants, étudiants, syndicats et manifestants de tout ordre avaient lieu dans la capitale des Ducs. Retour sur les points de la discorde...
L'Union Nationale des Étudiants de France (UNEF), est à l’initiative de la contestation comme le souligne Damien Deais, responsable du syndicat étudiant en Bourgogne : « L’UNEF a appelé au mouvement national ; il souhaite construire un mouvement unitaire avec les syndicats. » Dans une ambiance plutôt détendue, les opposants à la réforme prennent place au sein de l’amphithéâtre Dessertaux. Tour à tour, syndicats, étudiants et enseignants expriment leurs craintes quant à ce projet.
Étudier plus pour enseigner moins
Les raisons de cette grogne, les participants à l’assemblée générale les expriment clairement. En premier lieu, tous dénoncent un système qui abaissera le niveau de formation des enseignants."Jusqu’à présent, il y avait un concours après la licence puis une année de formation pratique rémunérée. On supprime l’année de la formation, il n’y aura plus qu’un stage facultatif. Le gouvernement a choisi la pire voie possible", selon le responsable de l'UNEF.
Une enseignante se manifeste pour corroborer ses propos : « Il est faux de croire qu’il y aura une formation après le concours. Les étudiants seront dans les classes sans avoir jamais été confrontés à l’enseignement. Le métier de professeur est difficile, complexe et stressant ; il mérite d’être accompagné. » Une autre enseignante soulève l’importance d’une formation sur le terrain : « Demain, le métier d’enseignant sera le seul à ne pas être professionnalisant. (...) Les connaissances théoriques ne font pas tout ; il faut se poser la question de la transmission des savoirs. Le métier demande d’autres connaissances : didactiques, psychologie de l’enfant, etc. »
Même son de cloche du côté du Syndicat General Education Nationale et Confédération Française Démocratique du Travail (Sgen-CFDT) par la voix d’un représentant dijonnais, Martial : « Nous considérons qu’enseigner est un métier qui s’apprend. D’ailleurs, nous en avons fait notre slogan. La formation ne va pas correspondre à la réalité professionnelle. Certains jeunes iront sur le terrain sans formation : seuls ceux qui font des masters recherche pourront avoir le concours. Si le projet passe, c’est l’arrêt de mort des Instituts Universitaires de Formation des Maîtres (IUFM), qui s’installe. Il faut au contraire démocratiser l’université. (...) la ministre dira que les étudiants n’auront pas tout perdu puisqu’ils auront un master 2 mais pour quoi faire ? À part être vacataires et malléables à merci ! »
"Il faut démocratiser l'université"
L’inquiétude concerne également la mixité sociale, « mise à mal par le projet » selon les opposants. Selon Martial du Sgen-CFDT, "le projet va créer un tri social des étudiants. Les postes de stagiaire ne seront pas renouvelés pour faire des économies." Damien de l’UNEF est du même avis : « La réforme va provoquer une sélection sociale. En effet, quel étudiant pourra se payer de nombreuses formations pour devenir professeur ? Cela permet de créer une armée de vacataires en cas d’échec au master ou au concours. Tout ça pour faire des économies. »
Une enseignante pointe les avantages de la mixité sociale : « Il est important que les enseignants viennent de milieux sociaux différents à l’image des classes. Ils sont le reflet de la population de ce pays. » Un étudiant visiblement passionné se lève à son tour pour dénoncer une précarisation : "On n’a déjà pas les moyens de subvenir à nos besoins. Seuls ceux des classes aisées pourront désormais devenir professeurs. En effet, je ne vois pas comment on pourra être salariés et se consacrer à la fois au master et au concours. Ceux qui auront juste l’un ou l’autre seront précaires."
Vers une plus grande précarisation ?
Une plus grande difficulté à obtenir le concours est donc dénoncée de même qu’une durée des études nuisibles aux étudiants les moins aisés. En cas d’échec au master ou au concours, l’étudiant deviendra professeur vacataire, avec un statut précaire (heures de travail limitées). Danielle, documentaliste, revient sur le faible apport financier concédé aux étudiants : « On allonge la durée des études mais on ne fournit pas d’allocations. Cela est absent des préoccupations sur le projet de la masterisation. »
Une enseignante prend à son tour la parole : « C’est clair qu’il s’agit d’une entreprise de démolition des emplois. On parle d’élévation du niveau de recrutement mais on remplace du personnel statutaire par du personnel précaire. La masterisation à la sauce Darcos-Pécresse est une vaste entreprise pour démolir les emplois. Nous sommes tous d’accord : il faut obtenir l’abrogation de ces décrets. »
Beaucoup d’étudiants partagent cette incompréhension concernant la formation des enseignants, à l’image de Marion, étudiante à l’IUFM : « Notre ancien ministre de l’éducation avait dit qu’il fallait juste changer les couches pour être enseignant et maintenant il nous demande un master ; cela ne serait-il pas incohérent ? ».
Bref, les enseignants et étudiants n’ont pas dit leur dernier mot : de nouvelles actions sont prévues dès la fin des vacances de Noël.
