
Pas facile tous les jours de militer pour ses idées... Samedi 13 février 2010, les militants de la section dijonnaise de Greenpeace ont pu s'en apercevoir alors qu'ils s'étaient mobilisés pour faire évoluer les pratiques des restaurateurs et de quelques poissonniers sur la vente de thon rouge. L'espèce, en voie de disparition, peut en effet encore se trouver dans les assiettes de la capitale des Ducs, comme partout en France. Mais pour combien de temps encore ? Reportage d'action...
Exit le rouge!
La matinée avait pourtant bien commencé pour la huitaine de militants de Greenpeace : à 10h30, le restaurant de sushis Le Bento signait en effet une lettre d'engagement afin de ne plus proposer de sushis au thon rouge sur leur carte. Exit donc les petits sashimis rouges ; place désormais à l'autocollant "Certifié sans thon rouge", fièrement arboré sur la devanture du restaurant. "Greenpeace est venu nous voir la semaine dernière déjà pour nous sensibiliser à la question, explique le restaurateur, Julien David. C'est ce qui nous a décidés mais en réalité, nous en avions déjà parlé avec ma femme. Je sais que certains Japonnais à Paris ont d'ores et déjà renoncé à servir du thon rouge alors pourquoi pas nous ? Et puis on s'est dit que cela pourrait être intéressant d'être les premiers à ne plus le faire dans le coin". Les premiers à Dijon, ils risquent de le rester longtemps vu l'accueil peu chaleureux fait aux militants un peu plus tard dans la matinée par d'autres restaurants à sushis de la place...
Pas vu, pas pris
Fidèle client du Bento ? Pas la peine de s'affoler : le thon rouge sera remplacé par du thon blanc Germon ou du thon jaune albacore. Et les grands connaisseurs de poissons que sont les Dijonnais n'y verront pour la plupart que du feu... "J'ai vécu à Tahiti où le thon cru est le plat national, raconte Pierre. Et bien au bout d'un an, je n'arrivais toujours pas à faire la différence entre du thon rouge et du thon blanc. Enfin si, sur le prix...". Et justement, c'est à se demander si ce qui est appelé thon rouge dans les restaurants en est véritablement tant tous les poissonniers et restaurateurs rencontrés ce matin-là étaient unanimes : "Du thon rouge ? Nous jamais !". L'un affirmant que de toute façon "les Dijonnais n'ont pas les moyens de s'en payer", un autre arguant que le thon rouge avait disparu de son étal depuis le 1er juin 2009 parce qu'il n'avait plus le droit d'en vendre...
Charabia de poissonniers
Interdiction vraiment méconnue ou gros mensonge ? Arrivés sous les halles de Dijon, les militants de Greenpeace ont été confrontés à la mauvaise foi des poissonniers, solidaires en plus dans leurs propos. "Du thon rouge sous les halles ? Ah non, plus personne n'en fait...", assure l'un d'entre eux. "Et ce n'est pas la saison", affirme un autre. Bref, un charabia sans queue ni tête. Et pourtant, notre photographe en a immortalisé la preuve : il y avait bel et bien du thon rouge sur les étals. "Ah vous parliez de thon rouge tout court ? Moi je pensais au thon rouge seulement de Méditerranée !". Oui, ça doit être ça... N'empêche, sur l'étal en question, l'ambiance chauffe rapidement entre les poissonniers et les militants.
A bout de nerfs
"Laisse-les, ils sont ridicules !", crie le poissonnier à son voisin. A ce moment-là, les militants de Greenpeace sont alors simplement postés devant son étal, attendant tranquillement pour lui parler. Mais le jeune poissonnier s'apprête à faire un show d'enfer sous les yeux des clients : il hurle, s'agite... "Vous n'y connaissez rien", "Il faut aller chez les pêcheurs", "Ne gâchez pas notre commerce, allez à Rungis". N'en pouvant plus, il balance soudainement une poignée de glace sur les militants. Après avoir quelque peu repris ses esprits, il s'explique : "Ils viennent toutes les semaines, j'en peux plus ! Les clients, ils demandent du thon rouge ; moi, je leur sers du thon rouge, bordel !". En voilà un qui ne signera pas la lettre d'engagement... Et le poissonnier d'ajouter : "De toute façon, la mer est pleine !".
A bout de vie
Voilà une affirmation qui mérite d'être démentie : selon les scientifiques, l'espèce du Thunnus thynnus (dite "thon rouge") est décimée depuis les années 1980 : leur nombre aurait en effet diminué de 80 %. C'est pour cela que la France s’est prononcée, mercredi 03 février 2010, pour l'interdiction de son commerce international dans un délai de dix-huit mois, au nom de la protection de l’espèce. Il ne s'agirait donc pas d'en interdire la pêche artisanale mais seulement le commerce international, principale cause de la surpêche. Car tandis qu'un Dijonnais engouffre deux tranches de sashimis de thon rouge deux fois par an, le Japon consomme pour sa part 80 % des thons rouges de Méditerranée...
