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Dijon / Bourgogne

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Billet de blog 17 février 2011

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Dijon : Demandeur d’asile, le parcours du combattant

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Deux familles de réfugiés résidant à Dijon depuis octobre 2010 - l’une yézide de nationalité géorgienne, l’autre tchétchène de nationalité russe - ont été arrêtées mardi 08 février 2011 à Dijon. Après avoir formulé une demande d’asile en France qui leur a été refusée, ces deux familles en voie d'expulsion ont suivi deux chemins différents. Retour sur un parcours semé d’embûches avec le témoignage de Françoise Duguet, présidente du Comité inter-mouvements auprès des évacués (Cimade) pour la Bourgogne et Franche-Comté, et Natacha, bénévole chargée d’accompagner ces familles...

S’installer, survivre et...patienter
Arrivées en octobre 2010 à Dijon, les deux familles de réfugiés tchétchène et yézide ont été aiguillées dans la capitale des Ducs de Bourgogne par le Comité inter-mouvements auprès des évacués (Cimade) pour la Bourgogne et Franche-Comté, chargé d’accueillir les étrangers et de les aider dans des démarches administratives souvent compliquées : "Nous sommes surtout là pour les accompagner juridiquement du fait de démarches administratives houleuses. Surtout que la plupart d’entre eux ne parlent généralement pas un mot de français ! Sachant qu’il leur faut deux à trois mois, parfois plus, pour recevoir une réponse de la préfecture ou de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), ils doivent, en attendant, s’acclimater au pays et à la ville d’accueil", explique Françoise Duguet, présidente de la Cimade Bourgogne et Franche-Comté.
Le père de la famille tchétchène est actuellement détenu dans une prison polonaise, tandis que sa femme ainsi que ses quatre enfants, dont un bébé de deux mois, attendent au centre de rétention de Nîmes leur renvoi en Pologne. Quant à elle, la famille yézide a été plus chanceuse puisque, suite à l’hospitalisation du père, la préfecture de Côte-d'Or à Dijon a accepté de les accueillir en attendant la réponse de l’Ofpra concernant leur demande d’asile.
Selon les derniers chiffres de l’Ofpra, le nombre de premières demandes d’asile a considérablement augmenté ces dernières années (Lire ici le rapport). En 2009, l’Ofpra a constaté une hausse globale de 12% de demandes par rapport à 2008. Au total, 47.686 demandes d’asile ont été enregistrées en 2009 et, selon le rapport annuel, aucun élément ne laissait présager une baisse de la demande d’asile en 2010, bien qu’aucun chiffre n’ait encore été publié à ce jour. "Les demandeurs d’asiles sont majoritairement Géorgiens ou Tchétchènes, affirme Françoise Duguet. Sans compter que la plupart de ces demandeurs d’asile, environ un tiers, dépendent du règlement Dublin II, qui les empêche ensuite de demander l’asile en France. Ils sont donc renvoyés en Pologne, premier pays d’accueil, et reçus dans des conditions plus que déplorables".
Réfugiés, un statut particulier
Il existe actuellement en France trois fondements sur lesquels peut être accordé le statut de réfugié : la convention de Genève, qui concerne toute personne craignant d’être persécutée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ; l’asile dit "constitutionnel" concernant toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté ; et le mandat du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, pour les personnes ayant été reconnu comme tel par le Haut commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).
"La première chose que doit faire un réfugié est de se rendre à la préfecture dès son arrivée dans la ville pour signaler sa présence", explique Natacha, bénévole à la Cimade Bourgogne et Franche-Comté à Dijon. Mais avant d’arriver en France, la plupart d’entre eux ont dû passer la frontière polonaise, non sans heurts : "S’ils arrivent à passer la frontière polonaise sans se faire prendre, alors ils ont une chance que leur demande d’asile en France aboutisse. Par contre, s’ils se font arrêter, les forces de l’ordre polonaises prennent leurs empreintes digitales et les mettent dans des camps. Leur demande d’asile est donc déposée en Pologne malgré eux. La dernière famille que j’ai aidée a dû payer 2.300 dollars pour trois personnes à un passeur pour pouvoir venir en France !", ajoute-t-elle.
Des conditions de vie insalubres
"La plupart des familles que nous accompagnons à Dijon dépendent de la convention de Genève. En attendant que leur demande soit effective ou qu’elles soient renvoyées dans leur premier pays d’accueil, très souvent la Pologne, elles sont donc hébergées soit dans des hôtels, soit dans des centres en ce qui concerne les familles ou les femmes avec enfant. Pour les hommes seuls, nous ne pouvons rien faire. Ils sont donc laissés à la rue", explique Natacha. "Les familles se retrouvent donc à vivre dans des chambres sans possibilités de se faire à manger, et doivent aménager l’espace comme ils peuvent". Matelas de fortune au sol et nourriture froide sont donc le lot de ces demandeurs d’asile en attente d’une régularisation de leur situation.
Pour qu’une demande d’asile puisse être prise en compte, le réfugié doit en effet pouvoir fournir une adresse lors de la constitution de son dossier en préfecture, "au risque de devoir vivre dans des conditions difficiles, bien que meilleures que celles proposées en Pologne", précise Natacha. Les demandes étant de plus en plus nombreuses, il est de plus en plus dur de trouver un hébergement digne pour ces familles, comme le souligne Françoise Duguet : "Le dispositif est actuellement saturé. Nous ne pouvons donc pas héberger les hommes seuls par manque d’infrastructures".
Une même demande, deux possibilités
Pour les plus chanceux d’entre eux, la préfecture accède donc à la demande d’asile et doit attendre l’autorisation définitive de l’Ofpra pour considérer de manière officielle ces réfugiés comme tels. "Lorsque leur demande d’asile est acceptée, ils sont envoyés dans des Centre d’accueil de demandeurs d’asile (Cada). Le problème, c’est que le Cada peut parfois se trouver à quelques kilomètres de la ville dans laquelle ils s’étaient installés. Ils vivent donc ce déplacement comme une nouvelle expulsion", affirme Natacha.
Mais pour un grand nombre d’entre eux, lorsque la demande d’asile est refusée, seule une vie dans des camps en Pologne, prévus pour les accueillir dans des conditions insalubres, leur est offerte. "La plupart d’entre eux sont déjà passés par ces camps qu’ils ont fuis ! Lorsque nous contactons la Pologne pour savoir si nous pouvons les renvoyer à leur frontière, nous n’obtenons généralement pas de réponse. Ils sont donc reconduits sans vraiment savoir ce qui les attend !". Natacha décrit effectivement ces camps comme "horribles et insalubres". D’après les témoignages de ces familles qu’elle côtoie quotidiennement, elle affirme sans équivoque "qu’ils sont traités comme des animaux".

En attendant, la famille tchétchène a peu de chance d’être à nouveau réunie, le père ayant été enfermé dans une prison polonaise, la mère et ses enfants étant voués à rejoindre un camp de réfugiés en Pologne. "Une situation intolérable, selon Natacha, que la préfecture de Côte-d'Or à Dijon aurait pu éviter".

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