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Billet de blog 17 août 2010

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Policiers/habitants des quartiers: fin du dialogue?...

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dijOnscOpe, Scope TV Policiers/habitants des quartiers:la fin du dialogue? © dijonscope

En août 2009, le ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, a invité policiers, gendarmes, préfets et associations à se réunir en commissions et à réfléchir sur les relations entre la police et la population des quartiers. Selon notre confrère MédiaPart, qui s'est procuré les documents originaux, les conclusions des différents rapports remis au ministre en avril 2010 sont très préoccupantes : contrôles de papiers à répétition, manque d'unités de prévention, amalgame entre les délinquants et le reste de la population, absence de stratégies de proximité locale, dialogue limité à l'affrontement entre policiers et habitants... Autant d'éléments qui ont fortement dégradé l'image des forces de l'ordre dans les quartiers populaires (Lire ici). Dix jours après l'annonce du président de la République, Nicolas Sarkozy, de nouvelles mesures répressives de lutte contre l'insécurité à Grenoble (38), dijOnscOpe est parti enquêter à Chenôve (21), où habitants, policiers et médiateurs ont accepté de nous répondre. Premier volet de cette trilogie: Janine, retraitée de 72 ans, nous raconte son quotidien...

Janine, bonjour. Pouvez-vous nous présenter les difficultés auxquelles vous êtes confrontée quotidiennement ?


"Nous avons d’énormes problèmes ici. Une bande de voyous squatte nos caves ! Ce sont toujours les mêmes ; ils sont une dizaine, âgés de quatorze à dix neuf ans. Nous ne sommes plus seulement dans le cadre de petites incivilités mais dans celui de la violence pure ! L’autre soir, je ne sais pas pour quelle raison, ces jeunes sont descendus du bus complètement enragés et ont saccagé l’abribus à trois heures du matin, neuf de trois jours ! Dès que nous osons leur tenir tête, nous nous faisons systématiquement traiter de racistes. Seulement, la vérité est qu'il y a également énormément de racisme de leur côté !


Personnellement, je n’ai pas peur, je les ai virés deux fois des cages d’escaliers dans lesquelles on trouve de tout par terre... Seulement, je ne le fais plus car j’ai constaté qu’ils étaient armés de couteaux. Le parking de mon immeuble est le plus brûlé de Chenôve. Il n’y a pratiquement pas une place qui ne soit pas brûlée ! Ils nous pillent aussi nos boîtes aux lettres ! Désormais, ils m’appellent Janine ou "la balance"... Les prostituées, la drogue, les voitures qui font du rodéo à cent à l’heure en faisant des dérapages non-contrôlés : tout cela a lieu sous ma fenêtre de minuit à trois heures du matin...

Quelles sont les mesures prises par la police pour endiguer cette situation ? Quels rapports entretenez-vous avec elle ?


La police passe mais en voiture seulement. Ils sont deux ou quatre, ne s’arrêtent jamais et descendent encore moins. Ils sont inaccessibles ! Lorsqu’on les appelle, les forces de l’ordre ne se dérangent pas. Les policiers prétextent ne pas pouvoir intervenir car ils ont d’autres priorités, ce que je comprends bien d’ailleurs. La police n’est pas défaillante. Je ne rejette pas la faute sur eux. Seulement, ils ne sont pas assez nombreux et ils ont peur ! S’ils n’avaient pas peur, ils marcheraient à pied justement au lieu d’être en voiture. C’est simple, la nuit, je n’essaye même plus de les appeler, je sais très bien qu’ils ne viendront plus...


C’est l’omerta, le maire cache tout, il est dépassé par les événements ! Mairie et police n’arrivent pas à contrôler la situation ! Les gens commencent à en avoir marre ! Ma voisine du dessous quitte son appartement car elle ne supporte plus la situation. Habitant au rez-de chaussée et vivant juste au-dessus des caves, elle est plus exposée que moi. A plusieurs reprises, ils ont mis le feu aux poubelles.

Existe-il concrètement un dialogue entre la police et les jeunes ?


Il n’y a pas de dialogue entre la police et les jeunes. C’est simple, quand ce n’est pas la police où les bus qui se font caillaisser, ce sont les pompiers qui se prennent des parpaings ! Le rapport de force entre les jeunes et la police est permanent, le rejet de la part de ces petits caïds est total. Le seul dialogue possible aujourd’hui est la répression. La prévention a déjà été testée, les jeunes ne la respectent pas. Il s’agit d’une minorité et cette minorité nous pourrit la vie ! Je pense qu’en l’état actuel des choses, il faut d’abord réprimer avant de pouvoir espérer dialoguer. Je vis dans une zone de non-droit !

Hormis le manque d'effectifs de la police que vous évoquez, quelles sont, selon vous, les autres raisons de leurs difficultés face à cette situation ?


Vous avez des policiers très jeunes, ils n’ont pas de poids et ne sont pas encadrés. Vous avez des gamines de vingt ans, policières, que voulez-vous qu’elles fassent avec des jeunes de dix-sept ans ? Je ne dis pas que ces jeunes policiers font mal leur travail mais ils n’ont pas l’expérience suffisante, ils sont trop jeunes ! C’est malheureux d’en arriver là mais il va falloir frapper fort, un grand coup. On sent déjà une certaine tension qui monte, elle est palpable. Tout ce qui se passe ailleurs, on en parle, on le monte en épingle. Il se crée un effet de mimétisme : les jeunes se disent : "Ils l’ont fait ailleurs, pourquoi nous, on ne ferait pas la même chose ?"

Un parti politique trouve-t-il grâce à vos yeux actuellement et qui pourrait en finir avec ces problèmes ?


A propos des mesures sécuritaires du gouvernement, le problème est que vous avez constamment les associations qui font blocus. Dès qu’il y a un pet de travers, vous avez automatiquement cinquante personnes qui manifestent ! De toute manière, on ne peut plus vivre comme ça. En l'état actuel des choses, je ne vois pas quel parti politique serait à même de nous sortir de là. L'extrême droite monte mais ce n'est pas une solution. La gauche est divisée, on ne va quand même pas aller se réfugier vers l'extrême gauche ! Quant à Nicolas Sarkozy, même s'il veut bien faire, il brasse de l'air. Il nous faudrait un De Gaulle mais on ne peut en avoir deux..."


Propos recueillis par dijOnscOpe le samedi 07 août 2010.

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