Troisième et dernier épisode de cette immersion dans les quartiers populaires de Chenôve, dans le Grand Dijon (21), afin de faire le point sur les relations tendues entre la police et la population. Après avoir entendu Janine, une résidente de 72 ans (voir la vidéo ici), Clément*, agent du poste de police à Chenôve, et Codie*, habitant de 22 ans (Lire l'article ici), la parole est donnée aux médiateurs sociaux. Employés par Orvitis, l'Office public de l'habitat de la Côte-d'Or, agents de médiation et gérants de proximité sont en contact permanent avec les habitants des quartiers. Rencontre avec Sylvain Blondiaux, responsable du service médiation de la rue des Tamaris, à Chenôve...
Sylvain Blondiaux, bonjour. Quels sont les enjeux et les objectifs de votre travail de médiation?
"Notre action consiste en un service d’aide à la personne, un service d’écoute. C’est un travail de rassemblement et non de division. Quand il y a un souci particulier avec les forces de l’ordre, les habitants sont informés de leurs droits et les recours possibles. Notre travail s’arrête là. Il ne s’agit pas de diviser mais de consolider le lien social, le "vivre ensemble" et le lien inter-générationnel qui sont des nécessités. En cas de problème, nous essayons de traiter la cause en travaillant en lien avec tous les partenaires sociaux. En fonction des problèmes posés, nous essayons de recréer la discussion entre les jeunes et les aînés ou même la discussion entre les jeunes et leurs parents. Nous travaillons sur la qualité de vie dans ces quartiers.
Dans quelle mesure la police s'intéresse-t-elle à la question du lien avec la population?
Nous observons un fort sentiment d’incompréhension de la population, en particulier des jeunes vis-à-vis des actions de police. Nous ne sommes pas sans arrêt dans le tutoiement et dans l'irrespect des fonctionnaires de police mais on a peur de ce que l’on ne connaît pas et de fait, on s’en méfiera d’autant plus. Le lien entre les forces de l'ordre et la population en général, sur les secteurs en difficultés, est une question essentielle. C’est pour cela justement que la police a créé les délégués à la cohésion police/population [ndlr : indisponibles en août - interview à suivre prochainement sur dijOnscOpe], car elle a bien conscience des difficultés relationnelles rencontrées avec une partie de la population, de la nécessité et de l’utilité de ramener du lien. Par conséquent, elle considère que le dialogue reste possible...
En qualité de médiateur, vous arrive-t-il de vous substituer au travail effectué par les fonctionnaires de police? Si oui, dans quelle mesure?
Sur une masse assez importante qui se situe aux alentours de 1.500 à 1.800 interventions sur l’année, nous nous retrouvons à nous occuper de choses qui pourraient être traitées par les services de police : un tapage nocturne, des aboiements de chiens, des problèmes d’hygiène, de violence, de disputes entre locataires. Ce sont des choses sur lesquelles nous intervenons le plus rapidement possible. Tous ces petits actes d’incivilité, ces choses de la vie courante, nous les prenons en charge. Du coup, cela permet peut-être aux forces de l’ordre de pouvoir se consacrer à d'autres choses.
Comment créer un lien de confiance durable avec la population?
La confiance se crée du fait de la rencontre et de la proximité quotidienne ; des liens d'ailleurs assez forts se tissent ensuite avec les habitants. Cette confiance se crée peut-être parce qu’on est là tous les jours et qu’on a une visibilité qui ne laisse aucun doute. Je renvoie à l’image du garde champêtre d’antan. Il ne posait aucun problème à personne. Il était connu et reconnu. Cela pose ainsi la question de l’apprivoisement, de la connaissance de l’autre et puis évidemment, du respect. Lorsque vous avez quelqu’un qui commence à faire partie du décor, avec qui on arrive à travailler, à se rencontrer, à discuter et à saluer très facilement, c’est ça la notion de service public.
Le dialogue est-il rompu entre la police et les jeunes?
Le dialogue n’est pas rompu et si jamais il est rompu, à ce moment-là, je changerais de travail car nous ne serions plus d'aucune utilité ! Si nous partons vaincus d’avance et si on ne s’en réfère pas un peu aux choses positives, ce n’est même pas la peine de faire ce métier-là ! Je le répète : le dialogue n’est pas rompu mais quand on se méfie, il est difficile d’aller rencontrer l’autre, d’échanger et de se comprendre. Vous avez deux entités qui n’ont pas le même passé et qui ont certainement autant à se reprocher l’une à l’autre. Mais encore une fois, ce sont des individus qui se rencontrent et non pas des généralités. Dans le respect du citoyen, les rencontres sont possibles et je n’en doute pas. La question est de savoir comment gérer ces rencontres-là ?
Selon vous, quelle est la solution pour mettre fin à ces difficultés?
Nous n’avons pas "la" solution car si nous l’avions, cela ferait bien longtemps qu’elle serait appliquée ! Je pense que personne ne l’a mais que chacun a un morceau de cette solution. Derrière un jeune ne se cache pas un délinquant mais un individu avec son histoire et sa singularité, au même titre que derrière le fonctionnaire de police, il n’y a pas le "flic" comme on essaye de le stigmatiser ; il y a aussi un professionnel, une déontologie et tout simplement, une mère ou un père de famille. C’est le choix de chacun de vouloir discuter ou pas, de se rencontrer ou pas. Maintenant, cette rencontre peut se provoquer, s’organiser, des passerelles peuvent s'établir. C’est une histoire de bonne volonté aussi. C’est également de la responsabilité de chacun de faire évoluer les choses..."
* Dans un souci d'anonymat, les prénoms du policier et du jeune homme interviewés ont été modifiés.
Propos recueillis par dijOnscOpe le vendredi 06 août 2010.
