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Billet de blog 17 août 2010

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Shoot en salle? Matignon dit non!

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Le Premier ministre, François Fillon, a rejeté mercredi 11 août 2010 toute idée de création de salle de consommation de drogue, mettant ainsi un terme à un débat qui divisait la majorité : "La priorité du gouvernement est de réduire la consommation des drogues en France, non de l’accompagner voire de l’organiser". Et de considérer : "La mise en place de ces centres de consommation de drogue n’est ni utile ni souhaitable en France." (Lire ici LeFigaro.fr avec AFP). Le Premier ministre désavoue ainsi la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, qui s'était prononcée en faveur d'une concertation sur la mise en place expérimentale de "centres de consommation supervisés", suite notamment à la recommandation favorable émise par les experts de l'Inserm* (Lire ici le discours de Roselyne Bachelot prononcé le lundi 19 juillet 2010 lors de la conférence internationale sur le VIH).


En tant que secrétaire général de l'UMP et ancien ministre de la santé de 2005 à 2007, Xavier Bertrand s'est déclaré le même jour "vraiment opposé" à ce projet : "L’objectif qu’on doit poursuivre, c’est de casser la dépendance à la drogue et pas, d’une certaine façon, d’accompagner la dépendance [...] C'est un choix politique, philosophique qui n'est vraiment pas le mien" a-t-il ajouté, voyant dans l’éventuelle ouverture de ces salles "un très mauvais signal". (Lire ici LeParisien.fr avec AFP). Le Front national parle quant à lui un gouvernement "en plein délire"...


Enfin, le directeur de la Société d'entraide et d'action psychologique (Sedap) à Dijon, Emmanuel Benoit, explique qu'une politique de lutte contre la consommation de drogues ne peut être efficace que si elle combine "à la fois de la réduction des risques, des soins, de la prévention mais aussi de la répression". Ne considérant pas utile pour l'instant l'ouverture d'une salle à Dijon, le directeur de la Sepad y verrait cependant "un intérêt" pour certaines grandes villes françaises (voir l'intégralité de sa déclaration en page 2).

Au sein de la majorité, les avis divergent :

Les pour... :


La secrétaire d'État à la Famille, Nadine Morano, a estimé, mercredi 11 août sur l'antenne de RTL, que dans la lutte contre la drogue et la toxicomanie, "on doit utiliser tous les outils qui nous permettront de réussir". Et d'ajouter : "Lorsqu'on permet à des personnes qui sont toxicomanes de pouvoir consommer leur drogue sous contrôle, avec accompagnement, si on arrive à sortir ces personnes-là de la drogue, je crois qu'on aura gagné un combat." (Écoutez ici).


D'autres personnalités de la majorité se sont aussi déclarées favorables au dispositif, comme le maire de Marseille Jean-Claude Gaudin. Pourtant, ce dernier est revenu sur sa décision le jeudi 12 août 2010 sur RTL et précise "qu'il s'alignera derrière la décision du 1er ministre" (Écoutez ici). "Puisque Roselyne Bachelot recommande ces centres et que j'ai une totale confiance, j'ai pris au mot ce qu'elle disait et je me suis dit que nous pourrions être une des grandes villes qui donnerait l'exemple", expliquait pourtant le sénateur UMP lors d'une interview accordée à RTL mercredi 11 août et diffusée jeudi 12 août 2010 sur RTL (Écoutez ici). A noter que deux villes étaient candidates à cette expérimentation : Marseille et Épinal.

... et les contres :


Étienne Apaire, président de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT), juge de tels centres "discutables sur le plan philosophique" et inefficaces d'un point de vue sanitaire. "Rendre l'usage acceptable par la communauté, c'est faire le choix de l'abandon et de l'esclavagisme à le dépendance", assure-t-il dans l'édition papier du Monde, daté du 10 août 2010.


Quatorze députés dont douze du collectif "Droite Populaire" ont cosigné une lettre, datée du lundi 26 juillet 2010, dans laquelle ils fustigent les propos de la ministre, déclarant qu'elle s'était "laissée aller [...] Comment peut-on parler de "salles de consommation à moindre risque" quand on connait les ravages provoqués par les drogues ? Comme si le fait de se droguer dans un local aseptisé rendait la drogue plus douce et moins dangereuse !". Le collectif, estimant que "l'usage des drogues se banalise à cause des discours permissifs qui tentent d'en minimiser les dangers", il estime que "réglementer l'usage de la drogue pour mieux la combattre est une utopie lourde de conséquences." (Lire ici).

Témoignage d'Emmanuel Benoit, directeur de la Société d'entraide et d'action psychologique (Sedap), à Dijon


"Ce sont des salles qui présentent un certain intérêt par rapport au contrôle de la population dans le cadre sanitaire. Les usagers vont pouvoir bénéficier de conseils sanitaires et de tout un matériel stérilisé. Maintenant, ces salles ont été créées en Suisse à l'époque pour réguler ce qu'on appelait les "scènes ouvertes", c'est à dire les toxicomanes qui s'injectaient les produits en pleine rue, dans les parcs publics et ce, en pleine journée. A partir de là, il faudrait que les endroits où seraient installées ces salles d'injection ciblent une population et des difficultés particulières. Nous n'en verrions pas pour l'instant à Dijon car nous avons suffisamment de ressources et de moyens à notre disposition avec, par exemple, les programmes d'échange de seringues qui nous permettent de réguler et d'éviter d'en arriver là. Maintenant, pour certaines grandes villes françaises, je pense qu'il peut y avoir un intérêt.
Au sujet de la déclaration de François Fillon, cela reviendrait à dire que toute la politique de la réduction des risques "accompagne" la consommation de drogues et ce n'est pas le cas. Ces politiques ont bien comme objectif la réduction des risques mais pour l'instant, nous ne pouvons pas et nous ne savons pas éviter ou endiguer complètement la consommation de drogues. Nous n'y sommes pas arrivés, la drogue existe depuis des millénaires et a toujours existé dans nos sociétés. Malgré tout, ces salles de consommation sont des outils qui permettent d'éviter des propagations de maladies infectieuses et notamment des échanges de seringues. En effet, cela n'arrive pas dans ce genre de salles du fait de la présence d'un personnel médicalisé composé soit d'infirmiers ou de personnes formées aux premiers secours qui peuvent donc intervenir en cas de besoin.


Il faut toujours trouver le juste milieu : d'un côté, ne pas promouvoir la consommation, de l'autre côté, permettre à des personnes de ne pas s'infecter et de ne pas se mettre en situation de danger. Imaginez les risques de certaines injections qui se font dans l'œil ou dans une carotide. C'est toute la difficulté de ces politiques liées aux drogues : il faut à la fois de la réduction des risques, des soins, de la prévention mais aussi de la répression. C'est l'ensemble de ces ingrédients qui va permettre de réduire les consommations de drogue. La répression, seule, ne fonctionne pas, nous savons très bien que la prohibition n'a jamais marché ; la prévention et les soins ne se suffisent pas à eux-mêmes non plus. Il faut donc arriver à doser tous ces éléments. Des études localisées en fonction des besoins locaux peuvent dire si à tel endroit, il y a besoin d'une salle d'injection. Il ne faut jamais généraliser dans les politiques de la drogue".


* Dans un rapport intitulé "la réduction des risques chez les usagers de drogues" (Lire ici), remis à Roselyne Bachelot le 30 juin 2010, l'Institut national de la santé et de la recherche médical (Inserm), juge plutôt positivement les centres d’injection supervisés (CIS) : "Les centres d'injection supervisés sont des structures où les usagers de drogues par injection peuvent venir s'injecter des drogues qu'ils apportent de façon plus sûre et plus hygiénique, sous la supervision d'un personnel qualifié. Ces centres poursuivent des objectifs de réduction des risques pour les usagers et la communauté, dans les domaines de la santé publique et de l'ordre public".


A noter que ce type de structure existe dans huit pays : Allemagne, Australie, Canada, Espagne, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas et Suisse. "Les études font état d’une diminution rapportée de l’injection en public ainsi que d’une diminution du matériel d’injection et des déchets abandonnés dans l’espace public", note l’Inserm. Dans ces pays où ces expériences ont été menées, "il n’existe pas de preuve que la présence de CIS augmente ou diminue la consommation de drogues chez les usagers ou dans la communauté ou bien qu’elle augmente les rechutes chez les usagers de drogues en traitement", précise l’Inserm.

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