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Dijon / Bourgogne

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Billet de blog 17 novembre 2009

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Côte-d'Or: une trêve pour le mal-logement?

Malgré les différentes lois concernant le droit au logement qui se sont succédé en France depuis vingt ans, trois millions de personnes sont encore considérées comme mal logées ou même sans abri.

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Malgré les différentes lois concernant le droit au logement qui se sont succédé en France depuis vingt ans, trois millions de personnes sont encore considérées comme mal logées ou même sans abri. Et la loi sur le droit opposable au logement (loi Dalo), datant du 5 mars 2007, ne serait pas suffisante pour enrayer la situation, aggravée par des expulsions de plus en plus nombreuses. En Bourgogne, notre département semble tout autant concerné par le phénomène, bien que peu de Côte-d'oriens aient déjà eu recours à cette loi... Bilan et rappel des démarches.

Pas de trêve pour le mal-logement


La période de trêve hivernale, du 1er novembre au 15 mars, repousse le problème du logement sans l'éluder. Selon les dernières statistiques de l'Insee, 86 000 personnes sont sans domicile en France métropolitaine, 548 000 sont dépourvues de logement personnel et 2 200 000 vivent dans des conditions particulièrement difficiles. Pourtant, sous la pression de l'association "Les enfants de Don Quichotte" qui avait installé des campements de sans-abris durant l'hiver 2006, une loi garantit aux Français le droit au logement depuis le 5 mars 2007. Plus de deux ans après son application, le bilan de cette loi Dalo en Côte d'Or pousse à l'optimisme. En effet, depuis le mois de janvier 2008, seuls 235 dossiers ont été déposés auprès de la commission départementale de médiation du droit au logement opposable. Cette commission a pour objectif de juger les cas prioritaires et urgents qui, s'ils remplissent les critères, doivent se voir proposer un logement adapté par le préfet dans les plus brefs délais.

Jurés, instruction du dossier... Un procès ?


Sur papier, l'idée semble presque idyllique. Mais dans les faits, les démarches se révèlent plus complexes... "On s'adresse à un public qui n'est pas fort pour la paperasse, ce n'est pas simple", reconnaît Gérard Chartenet, président de la commission en Côte d'Or. Pour leur venir en aide , les services sociaux du Conseil général, des associations et les Centres communaux d'action sociale des communes (CCAS) les guident dans leurs démarches. Une fois le dossier rempli, il est déposé auprès de la commission qui se réunit environ tous les deux mois (et composée de treize membres). A Dijon y siègent trois représentants de l'État (le préfet, le directeur de l'équipement et celui de la DDASS, ou du moins leurs représentants respectifs), un du Conseil général (Joël Abbey) et deux représentants de communes désignés par l'association des maires du département. Quant aux autres jurés, ils représentent des associations de logeurs HLM, d'insertion, de propriétaires, de locataires... Avant d'être examiné, le dossier est instruit par plusieurs services de l'État : "Pour avoir une véritable photographie de chaque situation, il faut gratter un peu... Les instructeurs essayent donc d'en savoir un peu plus sur chaque cas, en utilisant tout le circuit de connaissances possible. C'est la partie la plus importante car si un dossier est mal instruit, on ne peut pas faire grand-chose et il faut reporter son étude. Mais cela arrive très rarement", affirme Gérard Chartenet. Les resquilleurs sont prévenus...

154 dossiers jugés prioritaires en deux ans


A ce jour, la commission de Côte d'Or s'est réunie quatorze fois pour étudier pas moins de 120 dossiers en 2008, 115 en 2009. Six critères, déterminés par la loi, jugent de l'aspect prioritaire ou non de la personne : être dépourvu de logement, habiter dans un logement impropre à l'habitation, être sur le point d'être expulsé, être logé dans une structure d'hébergement depuis un certain temps, être handicapé ou avoir à charge une personne handicapée ou un mineur dans un appartement trop étroit et enfin, ne pas avoir reçu de proposition de logement HLM dans un délai donné (variable selon le département). Remplir un seul de ces critères suffit à faire accepter son dossier. Malgré cela, sur les 225 cas étudiés, 154 ont été jugés prioritaires en Côte d'Or pour le moment. Lorsque c'est le cas, la préfecture a trois mois pour trouver un logement adapté à la personne. Passé ce délai, un recours est encore possible devant le tribunal administratif...

Juge Dalo


"Je suis le juge Dalo : je traite des recours ayant trait à cette loi. En tout, il y en a eu une trentaine en Bourgogne : 4 ou 5 viennent de l'Yonne, les autres sont tous de Côte d'Or", souligne Bernard Heckel, magistrat au tribunal administratif de Dijon. Sur ces trente dossiers, la moitié ont été rejetés par ordonnance pour cause d'irrecevabilité : pour saisir le tribunal, le cas des personnes doit avoir été jugé prioritaire au préalable par la commission. Pour les quinze restants, le juge a communiqué la requête au préfet en fixant une audience dans un délai d'un mois. "Le préfet a réglé la situation avant l'audience la plupart du temps, en relançant les organismes qui gèrent les parcs sociaux. Il est donc resté sept ou huit dossiers non résolus", affirme Bernard Heckel. Dans ce cas, il prend un jugement pour condamner l'administration à loger ces personnes et redonne un nouveau délai, généralement d'un mois, sous peine d'astreintes : 100 euros par jour de retard ! "Je n'ai jamais eu à liquider l'astreinte que j'avais prononcée car l'administration finit toujours par trouver l'appartement rare pour loger ces gens", relève le magistrat, qui juge ces dossiers peu intéressants juridiquement mais passionnants humainement. "Je me souviens d'une famille d'étrangers, des réfugiés, qui vivait dans un foyer pour handicapés depuis des années : c'était un logement complètement inadapté ! C'est le genre de cas terribles auxquels nous sommes confrontés".

Les logements vacants, une solution ?


Des dossiers étudiés, il apparaît que la plupart viennent de l'agglomération dijonnaise... Mais rien de comparable avec l'Ile-de-France selon Bernard Heckel : "On ne savait pas trop à quoi s'attendre avant de commencer. Mais on peut dire que la Bourgogne ne connait pas de problèmes de précarité tel qu'à Paris. Là-bas, ils sont inondés de recours de la loi Dalo". Ainsi, aux dires de Xavier Emmanuelli, 6 500 ménages franciliens désignés prioritaires par les commissions de médiation n'auraient pas reçu d'offre dans un délai légal au 30 juin dernier. "Un déni du droit" selon le président du Samu social, qui insiste sur l'importance de faire appliquer un programme de production de logements sociaux en Ile-de-France. A moins que le problème du logement ne trouve une autre issue... Une proposition de loi est en effet étudiée ce mardi 16 novembre au Sénat, qui sera d'ailleurs présentée par François Rebsamen*, sénateur-maire de Dijon, portant notamment sur l'expropriation des logements vacants depuis de nombreuses années pour en faire des logements sociaux. Une solution miracle ?
* Retrouvez la proposition de loi de François Rebsamen dans l'édition du mercredi 18 novembre de dijOnscOpe.

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