
D'après un sondage Viavoice paru dans le Parisien du lundi 16 novembre 2009, 61% des français déclarent "approuver" l'initiative de Vincent Peillon et de son rassemblement social, écologique et démocrate organisé samedi dernier à Dijon. Un soutien qui vire au plébiscite chez les sympathisants verts (78%) ou chez les socialistes (77%), qui montre que tout n'est pas perdu pour les porteurs d'une "matrice pour la gauche de demain". Au débat sur l'identité nationale, Peillon répond alors que celle-ci ne se définit pas par l'immigration mais par l'éducation...
Vers un contrat de gouvernement
"Je sais que c'est l'éducation qui vous intéresse, lance François Rebsamen à l'attention de la presse, et que vous reporterez l'esprit de rassemblement qui flotte à Dijon comme à Marseille". Les apparences sont parfois trompeuses, mais à Dijon samedi 14 novembre, la Gauche a aussi (et surtout) parlé d'éducation, essayant, tant bien que mal, de mettre de côté les interférences créées par le débat dans le débat. Mais l'offensive ne se fait pas attendre et, tous bords confondus, chacun en prend pour son grade, à commencer par la direction du parti socialiste.
"L'objectif de cette journée est de rassembler toutes les forces de gauche (...) et nos amis du MoDem", nous explique François Rebsamen. Sortant de son "laboratoire", notion dont il se défend, celui qui mène Dijon depuis 2008 avec une coalition PC, PS, Verts, MoDem, se demande simplement "pourquoi ce qui fonctionne dans une ville, une agglomération, une région ne fonctionnerait-il pas au niveau national ?". Outrage et provocation, c'est l'émoi rue Solférino, où l'on refuse pour le moment de suivre le schéma qui se dessine pourtant au niveau européen en prônant un rassemblement des gauches...
Qu'à cela ne tienne, Vincent Peillon lance donc ces rencontres, "qui ne seront pas les dernières", en utilisant le Sénateur-maire de Dijon comme porte-bonheur. Celui-ci se rappelle en effet que dans les années 87-90, on lui parlait "d'un fou qui pensait pouvoir gagner Dijon" ! Aujourd'hui, c'est chose faite et pour "gagner en 2012 (...), il faut mettre la société en mouvement" en abordant notamment ce qu'il appelle sa religion civile : l'éducation.
Une nécessaire réforme
Aujourd'hui, pour la première fois depuis 1905 (parait-il), un débat réunit politiques, syndicats, responsables d'associations, spécialistes et citoyens sur un air, non dissimulé, de futures campagnes. A quelques semaines des régionales, un portrait au vitriol de la présidence est dressée par les responsables des partis : "Sarkozy l'ignorant", "la France rétrograde et xénophobe"... Le ton est donné.
Selon les chiffres de l'Éducation Nationale, la France comptait en 2009, 12 548 593 élèves et apprentis. Second Budget de l'Etat avec 59,9 milliards d'euros (60,8 milliards en 2010), l'Éducation Nationale est un éternel chantier. La société française (État, collectivités, ménages) a dépensé en moyenne, en 2008, 5 460 € pour la scolarisation d'un élève de maternelle et 11 230 € pour un élève de lycée technologique.
A côté de cela, le système scolaire français est souvent considéré comme de mauvaise qualité et inégalitaire avec notamment 80% de réussite au bac mais 50% d'échec l'année d'après. 130 000 jeunes sortent aussi sans qualification du système scolaire et, d'après le ministère, en 2007-2008, on recensait 11 incidents graves pour 1 000 élèves. Autre constat : les élèves français ont 1 021 heures de cours par an (893 pour l'Angleterre et l'Allemagne), le tout réparti sur 140 jours (190 pour les anglais, 180 pour les finlandais).
5 ateliers ont donc été organisés samedi dernier pour le millier de participants autour des violences scolaires, de la continuité éducative, du temps à consacrer à l'éducation, de l'avenir du métier ou encore de l'adaptation de l'éducation à l'hétérogénéité.
Une campagne déjà lancée
Finalité de ces débats ? Une "alternance en 2012, qui repose sur un pilier républicain qu'est l'école", selon Aurélie Filippetti, député de Moselle. Marielle de Sarnez, Numéro 2 du MoDem, ne regrette pas l'absence de François Bayrou et voit dans ce mouvement "un moyen de faire cohabiter les courants politiques (...) pour additionner différentes culture". A Marseille, elle souhaitait montrer "que ce qui nous rapproche est plus fort que ce qui nous oppose". Mission a priori accomplie, du moins pour cette première rencontre, les ténors ayant réussi à détacher 6 points.
Faisant "mine de rien" à propos de la venue de Ségolène Royal, Vincent Peillon a présenté les priorités qu'il souhaite porter dans le débat public comme la fondation d'un nouveau contrat entre la Nation et son école, la garantie d'efforts financiers conséquents, la refonte d'une certaine continuité éducative avec la création d'un service public de la petite enfance. Autre priorité : Rallonger d'au minimum 3 semaine l'année scolaire pour alléger les journées et valoriser les activités sportives ou culturelles.
Bref, un grand chantier, surtout quand on sait que de nombreux ministres y ont "laissé leur peau", mais qui n'a pas l'air de faire peur à ceux qui pensent déjà que le clivage droite/gauche n'est plus pertinent et que pour gagner, il faudra y aller ensemble. Des discours dignes d'un meeting de campagne, "pour remettre l'école au cœur du débat politique" et barrer la route à Nicolas Sarkozy de facon "durable et large".
Le PC se tourne vers l'extrême, le PS demeure incapable de nouer un seul accord ou de mener à bien la rénovation du parti lancée en 2002 tout de même. Au milieu de cela, la poignée d'irréductibles n'a pas fini de se faire taper sur les doigts, à quelques mois d'une échéance cruciale, la gauche détenant à ce jour 20 des 22 régions françaises.
"Une journée trop courte" pour Vincent Peillon... Mais que chacun se rassure : "un nouveau chemin apparait", nous promet François Rebsamen avant de donner rendez-vous le 23 janvier prochain pour aborder la question de la 6ème république à Paris. Question : avec ou sans Royal ?
