
Tandis que 80 personnes assistaient au débat sur l'identité nationale organisé ce mercredi 16 décembre 2009 à la préfecture de Dijon, d'autres manifestaient leur refus d'assister à cette "mascarade indigne et dangereuse". Initié par les forces du Front de gauche, le rassemblement s'est vu quelque peu gâté par de jeunes nationalistes déçus de ne pas avoir pu assister au débat. Ambiance tendue devant les portes de la préfecture...
"Vous avez un carton d'invitation ?"
Ils s'étaient donnés rendez-vous à 18h devant la préfecture, une heure après le début du débat sur l'identité nationale. Bravant le froid de la nuit, une dizaine de représentants du NPA, de Solidarité 21, des Verts, de la Fédération syndicale unitaire (FSU) et de la CGT brandissaient leurs banderoles pour exprimer leur refus de débattre sur la question. Refus purement formel puisque dans tous les cas, ils n'étaient pas invités... Contrairement au débat organisé le 10 décembre à Montbard, le public de ce débat dijonnais était en effet trié sur le volet : l'amicale franco-sénégalaise, les MJC du bassin dijonnais, un pasteur, la Licra, le syndicat CGPME... Soit un petit panel d'associations et de représentants de la société en tout genre sélectionné par la préfecture pour "sa représentativité de l'opinion publique" dans le cadre d'une soirée animée par des professeurs d'histoire et de sociologie. Hautement intellectuel, le débat/conférence est resté intimiste dans le cadre imposant et feutré des ors de la république.
Dans la rue, le débat est public...
A deux pas de là, dans la rue, un débat plus animé s'organisait... "Tu me dis que si on embauche des immigrés, il n'y a plus de place pour nous après. Mais pour moi, l'ennemi n'est pas celui qui possède une carte d'identité polonaise ; c'est plutôt le patron qui crée des conditions de vie difficiles", lance un jeune militant à son voisin. Ce dernier, ainsi que ses trois autres copains, tout droit sortis des années 1940 vestimentairement parlant, ne sont pas vraiment venus dans le même état d'esprit au rassemblement des forces de gauche. Eux, d'ailleurs, auraient souhaité participer au débat à l'intérieur de la préfecture : "Nous ne savions pas que les gens étaient sélectionnés, nous n'avons pas pu entrer". Du coup, leur repli s'est effectué vers ceux qui ne voulaient pas débattre de l'identité nationale, ceux qui considèrent d'ailleurs la question comme dangereuse.
...mais tout le monde n'est pas le bienvenu
Tentant ou non de convertir une nouvelle recrue à sa philosophie, la bande a déversé son discours, se basant sur des arguments historiques et employant des mots trop techniques pour être tout à fait compris par leurs interlocuteurs. Le fond de leur pensée n'en était pas moins limpide... L'ambiance s'électrise et les militants anti-débat interpèlent les jeunes "intrus" avec véhémence : "Ce sont de jeunes fachos"... "Va manifester avec les autres enc***** !"... "Les gens comme toi, on les fusillait à une époque". Néanmoins, les jeunes visés ne se débineront pas et resteront au contraire jusqu'au bout de la manifestation. Devant un militant qui tient ses chiens en laisse, l'un deux glisse ironiquement : "L'identité nationale est universelle : même les chiens ont le droit d'être Français".
Le sens du vent et celui de la casquette
Après avoir souligné qu'il était inacceptable de mettre la préfecture au service de la campagne pour les régionales de l'UMP, les militants du Front de gauche ont surtout estimé que le débat était dangereux : "Voilà à quoi il tend la perche, lâche l'un deux en pointant du regard les jeunes nationalistes. Allumer ce genre de feux est un risque majeur. D'ailleurs, en dehors de Vichy, aucun gouvernement n'avait jamais fait cela et les propos des ministres deviennent de plus en plus honteux...". "Sur le fond, c'est extrêmement dangereux de proposer ce débat alors que c'est la crise. Cela peut laisser place à certains sentiments haineux", estime Isabelle de Almeida, conseillère régionale communiste, avant de souligner que le thème de la campagne pour les régionales de François Sauvadet, sur l'identité bourguignonne, "surfait sur le même état d'esprit"...
"De toute façon, être Français, ce n'est pas le sens dans lequel on pose sa casquette", lance un militant, faisant ici allusion aux propos de Nadine Morano qui font particulièrement polémique depuis deux jours. Les jeunes nationalistes présents, eux, avaient leur casquette bien vissée sur la tête, dans le sens où l'entend la secrétaire d'État à la famille...
