Adopté le 1er août 2011 en conseil des ministres, le projet de loi sur le médicament sera présenté devant le Parlement à la rentrée 2011. Objectif ? Combler les lacunes mises à jour par l'affaire du Mediator via une loi s'articulant autour des trois piliers que sont la prévention des conflits d'intérêts, une meilleure formation des professionnels de santé ou un contrôle plus strict des mises sur le marché. Si le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, y voit une "réforme radicale", qu'en pensent les principaux intéressés, notamment ceux qui ont été touchés par le scandale du Mediator ?
Une réforme pour éviter une nouvelle affaire Médiator ?
Depuis le 04 août, une parution au Journal officiel annonce la création d'un fonds d’indemnisation des victimes du Mediator - médicament autorisé qui aurait tué près de 500 personnes en France en trente ans selon l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps). Dès le 1er septembre 2011, la publication du décret permettra aux victimes de disposer d’un guichet unique, géré par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam). Ce dispositif permettra une indemnisation intégrale des victimes tout en garantissant leur droit d’intenter une action pénale si elles le souhaitent. Or le scandale du Médiator (Consulter tous nos articles sur le sujet ici) aurait aussi permis de mettre en lumière différentes défaillances que l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) a compilées dans un rapport exposé par le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, le 15 janvier 2011. Dans son discours, ce dernier expliquait alors son "intention de rebâtir un nouveau système du médicament, un nouveau système de sécurité sanitaire avec un objectif : qu'il n'y ait pas demain de nouveau Mediator" (Lire le discours complet ici).
En pleine crise de confiance, des assises du médicament ont même été lancées par le ministère de la Santé, réunissant les parlementaires et l'ensemble des acteurs du domaine des produits de santé, les prescripteurs et les dispensateurs, les utilisateurs, les régulateurs, les fournisseurs, les chercheurs et les lanceurs d'alerte. Environ 300 personnes se sont ainsi réunies lors d'une cinquantaine de réunions, dont les enregistrements sont disponibles sur le site du ministère (Voir ici). Par mesure d'urgence, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) a été priée de dresser un bilan des médicaments qui font actuellement l'objet d'un suivi renforcé de pharmacovigilance en déclenchant immédiatement des processus de réévaluation du bénéfice/risque (Lire le communiqué de presse ici).
Les associations de patients, grandes oubliées du débat ?
Adopté lors du dernier conseil des ministres du 1er août 2011 (Voir le détail de la session ici), le projet de loi "relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé" comprend aujourd'hui vingt-quatre articles qui seront soumis au Parlement à la rentrée. Il promet de lutter contre les conflits d'intérêts en obligeant les acteurs du domaine de la santé - experts externes et internes, associations de patients - à remplir un formulaire unique de déclaration publique d'intérêts (DPI), qui pourra être consulté sur une base de données publique. "En tant que représentant d'une association particulièrement concernée par l'affaire du Mediator, je ne considère pas que cette réforme est radicale", considère pour sa part Robert Yvray, secrétaire général de la Fédération des associations des diabétiques de Bourgogne et président de l'Association des diabétiques de Côte-d'Or. "Je pense qu'il faut remettre les choses d'aplomb depuis le début : dans le cas du Mediator, il y a une faute du laboratoire mais aussi de l'agence nationale de surveillance de santé. Nous avions signalé cette anomalie depuis très longtemps puisque des pays avoisinants l'avaient suspendu à la vente depuis très longtemps. Personne n'en avait alors tenu compte."
Le message semble aujourd'hui être bien passé puisque les laboratoires auront l'obligation de rendre public l'ensemble des conventions et rétributions passées avec les médecins, les étudiants dans le cas de leurs études ou encore la presse spécialisée, les sociétés savantes ou les associations de patients. L'Afssaps s'appellera désormais l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Nouveau changement quand on sait que l'Afssaps avait été créée en 1993 en remplacement de l'Agence du médicament suite à l'affaire du sang contaminé ! "Il y a eu, à l'époque, des gens incompétents au sein de l'Afssaps !, poursuit Robert Yvray. Si le ministre se propose de les remplacer, il n'y a pas de problèmes ; mais il oublie surtout que les associations de patients ont toutes été oubliées dans les débats, ce qui est relativement dommage car en tant qu'utilisateurs, nous avons notre mot à dire !"
Une réforme soutenue... mais contrôlée
Affirmant avoir l'expérience du médicament, Robert Yvray tient tout de même à relativiser le battage médiatico-politique qui a entouré l'affaire : "Ce médicament (ndlr : le Mediator) a eu des conséquences extrêmement graves mais la pression qui a été mise sur tous les médicaments est une catastrophe. Aujourd'hui, certaines personnes ne se soignent plus car elles ont peur". C'est pour cette raison que l'association soutient la position de Xavier Bertrand, tout en souhaitant que la réforme soit opérée dans des conditions correctes. Le mode de financement de l'agence sera aussi revu : il sera désormais directement assuré par les subventions de l'État, qui percevra les taxes et les redevances de l'industrie pharmaceutique. "Un médicament doit être testé durant plusieurs années, poursuit le président de l'association. Au sein de notre fédération nationale, nous avons créé une antenne pour tenter de trouver les responsables et savoir pourquoi ce médicament n'a pas été suffisamment testé afin que des sanctions soient prises".
Rappelons qu'avant d'être mis sur le marché, un médicament est testé durant sept ans. Désormais, le critère de la valeur ajoutée thérapeutique devra être pris en compte avant l'octroi d'une Autorisation de mise sur le marché (AMM). Cette dernière pourra être suspendue, retirée ou modifiée. De plus, un futur médicament, s'il veut être remboursé, devra démontrer qu'il est au moins aussi bon que ce qui est déjà sur le marché et remboursable. "On sait fort bien que tous les médicaments peuvent avoir des effets secondaires. Encore faut-il savoir faire la différence entre l'effet secondaire accidentel ou reconnu !", explique Robert Yvray, qui précise que ses simples piqures d'insuline provoquent des complications, dont des hypoglycémies : "Ça ne viendrait à l'idée de personne de retirer du marché l'insuline ou même les comprimés d'aspirine !". L'association a d'ailleurs demandé à être consultée dans la commission pour la surveillance du médicament.
Des patients mieux éduqués
Le deuxième pilier de la réforme est de faire bénéficier le doute systématiquement au patient. Tout au long de sa vie, le médicament devra être suivi et le ministre de la Santé l'assure : "Les alertes ne pourront plus rester lettre morte". Enfin, le patient serait mieux informé et les professionnels de santé mieux formés. Pour Robert Yvray, il s'agit là d'une des clés du problème : "Il faut déjà apprendre au patient à prendre ses traitements. Mais les médecins n'ont pas les moyens et les associations n'ont rien de professionnel. À 22 euros de l'heure, je comprends tout à fait que les médecins ne veillent pas travailler. C'est une déclaration très intéressante, mais encore faut-il qu'on puisse mettre des moyens en place pour la réaliser". Reprenant l'exemple du Médiator, il précise que ce dernier a souvent été pris en contre-indication : "Ce n'était pas un médicament spécifique pour le diabète ; il permettait de perdre du poids. Mais encore fallait-il expliquer aux gens comment il fonctionnait !".
À travers leur syndicat patronal, Leem, les industriels du secteur de la pharmacie ont pris acte de cette réforme à venir, souscrivant même aux mesures touchant à la sécurité sanitaire et à la protection des patients ainsi qu'à la transparence des liens d'intérêts. Or ils dénoncent "la mise en place de procédures destinées à freiner l’accès des patients aux nouveaux médicaments, et l’interdiction de la visite médicale individuelle à l’hôpital, qui menace selon le syndicat directement l’emploi de milliers de personnes". Les entreprises du médicament y voient "une réforme détournée de ses objectifs, qui menace l'accès des patients à l'innovation thérapeutique ainsi que l'emploi en France". A noter que l'industrie du médicament emploie plus de 100.000 collaborateurs directs en France. Il s'agit d'ailleurs du quatrième contributeur à la balance commerciale française avec un solde positif de plus de sept milliards d'euros. Elle serait en outre un des secteurs économiques où l’effort de recherche est le plus important : 12,4 % du chiffre d’affaires des entreprises y est consacré, soit près de cinq milliards d’euros.