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Billet de blog 18 novembre 2009

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Les femmes et le pouvoir: une relation complexe

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Lundi 16 novembre, l'association des Élues municipales de Côte-d'Or tenait son assemblée annuelle, occasion pour les femmes, selon sa présidente Michèle Curtil-Faivre, d’échanger des conseils et d’évoquer leurs difficultés. dijOnscOpe a profité de cet événement pour aborder de nouveau le thème de la parité mais cette fois, dans le domaine politique. Et oui mesdames ! Dans ce domaine aussi, les difficultés sont patentes !

C’est en tout cas ce que révèle l’étude d’une chercheuse en sociologie : Maud Navarre sur « Le rôle des élus municipaux à travers le prisme du genre. L’exemple du conseil municipal d’Auxerre (2001-2008) », ainsi que ses recherches récentes sur les élus de Bourgogne. Confirmation avec les témoignages de femmes politiques de Côte-d’Or...

La politique oui, mais pas à n’importe quel âge !


L’un des premiers constats établi par l’enquête de Maud Navarre montre que l’âge d’une femme en politique n’est pas le même que celui d’un homme : « Les femmes s’impliquant dans la vie politique sont jeunes ou ont plus de cinquante ans. Entre 30 et 45 ans, les femmes sont surtout préoccupées par leur vie professionnelle et leurs enfants. Après 60 ans, beaucoup reviennent à la politique mais elles ne font généralement qu’un seul mandat, préférant au bout de cinq ans laisser la place à des personnes plus jeunes. Les hommes politiques ont en moyenne entre 45 et 50 ans. » Michèle Curtil-Faivre, qui fut adjointe à la culture de 1989 à 2001, explique cette absence de jeunes femmes en politique par l’accumulation des charges : « On voit peu de femmes jeunes en politiques car elles ont encore beaucoup de charges. Les femmes ont à la fois un métier, une famille et la politique ; ça fait beaucoup ! »

La répartition des taches ménagères : obstacle majeur à la parité


La répartition des taches ménagères est l’obstacle majeur à l’engagement des femmes en politique. Et oui mesdames, vous êtes encore nombreuses à vous charger de toutes les taches domestiques à la maison ! Quant aux messieurs, selon Maud Navarre, ce n’est pas vraiment le cas : « Dans le questionnaire que je leur ai soumis, les hommes ont eu tendance à dire qu’ils ne s’occupaient de rien». Cette triste réalité est pointée du doigt par toutes les élues quelles que soient leurs sensibilités politiques. Françoise Tenenbaum, adjointe au maire de Dijon et vice-présidente du Conseil Régional de Bourgogne par exemple : « Les jeunes femmes doivent toujours s’occuper des enfants, de la maison (...). Elles ont moins de temps à dégager. Il faudrait construite encore plus de structures d’accueil pour jeunes enfants. Des progrès sont progressifs mais lents. »
Constat que confirme Isabelle de Almeida, responsable du Parti communiste de Côte-d’Or et conseillère régionale : « Les taches ménagères chez la femme sont encore une réalité. De plus en plus d’hommes s’impliquent mais on n’a pas abouti à de grands changements. D’ailleurs, salaires et retraites sont différents que l’on soit un homme ou une femme. Quand on voit une femme se débrouiller entre son travail, son salaire et ses enfants, on comprend qu’elle se détourne des affaires de la cité ».

Une loi approuvée mais un statut de l’élu réclamé par tous les politiques


La loi sur la parité de 2000 permettant l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives, suscite de la part des élues des commentaires positifs mais beaucoup critiquent son inachèvement. Catherine Vandriesse, conseillère municipale UMP de Dijon, revient sur les bienfaits de la loi : « Lors des premières élections paritaires de 2001, elle a perturbé beaucoup de monde. Il fallait trouver des femmes et enlever des hommes. C’est devenu une habitude maintenant. En huit ans, je pense que les choses ont quand même beaucoup changé. Cette loi induit des comportements différents même s’il y a encore des résistances. »
Les hommes comme les femmes politiques réclament un statut de l’élu afin que le mandat politique puisse être pris en compte et favorise l’engagement politique. C’est le cas d’Isabelle de Almeida: « Je suis contente qu’il y ait eu cette loi de 2001 mais elle n’a pas été jusqu’au bout. Il aurait fallu un statut de l’élu pour que les femmes puissent s’impliquer dans les affaires de la cité sans perdre argent et temps. (...) S’il y avait une loi sur le statut de l’élu, il y aurait plus de restriction sur le cumul des mandats. Pus de femmes participeraient à la vie politique. La reforme sur les collectivités territoriales va diviser par deux la parité dans les instances élues. C’est une menace pour la démocratie et la parité ! ».

Faire ses preuves quand on est une femme


Mesdames, vous doutez et avez sans doute un complexe d’infériorité par rapport aux hommes ! C’est en tout cas ce que révèle Maud Navarre : « Dans les questionnaires que j’ai soumis aux femmes politiques, beaucoup m’ont dit qu’elles cherchaient à se former. Elles ont souvent le sentiment qu’elles doivent faire leurs preuves, bien plus que les hommes. Les femmes ont plus de difficultés à prendre la parole en réunion et à se faire entendre. » Michèle Curtil-Faivre est d’accord avec ce point : « Une femme doit faire ses preuves, c’est vrai. Elle ne peut se permettre d’être élue en amateur. » Françoise Tenenbaum également : « Je pense qu’une femme doit toujours prouver qu’elle sait faire. Pour qu’une femme ait des responsabilités, elle doit montrer qu’elle travaille beaucoup ».

Des préjugés encore nombreux


Il n’y a pas vraiment de discrimination vis-à-vis des femmes politiques mais quelques préjugés alimentés par les hommes et les femmes politiques. Selon Maud Navarre, « beaucoup pensent que la proximité avec les citoyens serait une qualité spécifiquement féminine de même que les capacités relationnelles. Les hommes quant à eux seraient plus capables de prendre la parole, ils auraient plus l’esprit d’équipe. Les femmes renforcent ces stéréotypes plus encore que les hommes. Le fait de dire qu’elles sont différentes justifie leur entrée en politique puisqu’il y a l’idée de complémentarité entre hommes et femmes ». Emmanuelle Coint, Conseillère Générale du canton de Seurre et Conseillère Régionale, fustige l’attitude de certains hommes politiques : « Je trouve généralement les hommes très paternalistes. Ils se permettent de dire des choses qu’ils ne se permettraient pas de dire si nous étions des hommes. Il y a encore un modèle patriarcal très présent. J’aimerais dire aux femmes qu’elles aussi ont le droit de passer plusieurs heures par jour à faire de la politique ! ». Catherine Vandriesse nuance son propos : « Je suis à peu près du même avis qu’Emmanuelle. Je pense que la relation paternaliste est beaucoup moins vraie à partir du moment où il y a eu la mixité à l’école et que les femmes ont travaillé. »
Isabelle de Almeida dénonce quant à elle la personnalisation de la femme : « Certains hommes politiques veulent présenter la femme comme une femme objet. Elle ne doit pas être une sorte de vitrine propice à la « peopolisation ». J’entendais l’autre jour François Sauvadet, député de Côte-d’Or et président du Conseil Général, s’exprimer à la radio sur une de ses adjointes en disant d’elle que c’était « une fille pleine de qualités». Le mot « fille » est très connoté, péjoratif, comme si on s’adressait à une mineure. Il faut faire attention à ne pas rentrer dans la personnalisation de la femme. »

Des qualités féminines ?


La plupart des élues interrogées ont toutes parlé de capacités et compétences spécifiquement féminines. Selon Michèle Curtil-Faivre, « les femmes ont moins la notion de pouvoir. Elles veulent réaliser des choses. J’ai l’impression que la volonté d’apprendre est surtout féminine ». Emmanuelle Coint met en évidence une « qualité biologique » : « La femmes est la reine de l’adaptation. Avec la puberté, la grossesse etc., elle doit s’adapter. Je pense que cet atout est plus présent chez la femme que chez l’homme ». Autre différence notable selon Emmanuelle Coint, l’approche différente du pouvoir : « Les femmes s’autorisent le doute, elles veulent bien faire. Lorsqu’elles s’engagent, elles veulent être de bonnes élues. Les hommes eux, foncent sans forcement se poser de questions. Les femmes mesurent l’exercice du pouvoir, alors que les hommes veulent surtout atteindre le pouvoir ». Un avis que partage Catherine Vendriesse : « Les femmes sont certainement plus inquiètes de l’exercice du pouvoir que de sa conquête. Le pouvoir par le pouvoir n’a aucun intérêt ! Lorsque les femmes entrent en politique, il y a surtout cette notion de vouloir bien faire ».

La Bourgogne, mauvaise élève en matière de parité


Selon Maud Navarre, la Bourgogne n’est pas la région la plus avancée en matière de parité. En effet, sur la douzaine de députés, on ne compte que deux femmes. Quant aux sénatrices, il n’y en a même pas alors qu’elles sont 21% au niveau national ! D’autres chiffres montrent cette mauvaise répartition des femmes en politique. En effet, les intercommunalités et conseils généraux de bourgogne comptent environ 10 % de femmes. Dans les petites communes où la parité dans les conseils municipaux n’est pas obligatoire, on ne compte que 30 % de femmes. Elles sont pourtant 48% dans les conseils municipaux des grandes villes. Les lois sur la parité sont donc une nécessité comme le rappelle Maud Navarre : « Elles ont permis une accélération de la féminisation, même s’il est dommage d’en passer par une loi puisque c’est inscrire dans la constitution l’idée d’une différence entre les hommes et les femmes ».

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