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Billet de blog 19 février 2011

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Côte-d'Or : Famille d'accueil, un métier comme un autre ?

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Début février 2011 dans le Gers, une petite fille est "arrachée" à sa famille d'accueil qui l'élevait depuis cinq ans sous le prétexte - annoncé par les médias - que celle-ci "l'aimait trop". La situation suscite l'émoi général. Le président du conseil général du département, Philippe Martin, se défend : "Je sais bien que tout ce que je dis ne changera rien à l'opinion publique qui pensera majoritairement que je suis un monstre". Les services sociaux seraient-ils vraiment sans coeur ? Marie-Line Drié, chef de service de l'Aide social à l'enfance, répond aux questions de dijOnscOpe...

Marie-Line Drié, bonjour. Comment l'Aide sociale à l'enfance (ASE) de Côte-d'Or réagirait-elle dans une situation similaire à celle qui s'est produite dans le Gers ?

"En Côte-d'Or, un enfant ne part pas de sa famille d'accueil parce qu'il y est trop attaché ! Nous n'allons pas l'enlever pour cela tout de suite, sans savoir ce qu'il s'est passé. Si la famille d'accueil ne permet pas que le lien entre les parents et l'enfant soit maintenu alors que l'ensemble de l'équipe administrative et le magistrat ont axé le travail sur un maintien du lien et un retour de l'enfant, nous avertirons à un moment la famille d'accueil en lui disant : "Attention ! Nous ne pouvons pas envisager le travail comme cela, il faut que l'on revienne sur la manière dont vous travaillez - je n'aime pas trop le terme car c'est au delà d'un travail - avec l'enfant". En tout cas nous les prévenons. Nous savons bien que tous ces aspects sont difficiles ; il existe même une procédure pour prévenir très en amont les familles d'accueil quand nous sommes inquiets de voir que le projet que nous avions mis en place ne vit pas de la même manière chez eux. Dans ce cas, nous faisons une évaluation avec les référents des enfants et la famille d'accueil. Nous nous donnons deux ou trois mois et ensuite nous prenons des décisions.

L'objectif de la prise en charge de ces enfants en famille d'accueil est de travailler au maintien des liens avec les parents biologiques lorsque c'est possible, et d'autre part, au retour de l'enfant dans la famille. Forcément cela nécessite une forme de distance mais cela ne signifie que l'on ne s'attache pas. Une famille d'accueil qui n'est pas attachée à un enfant et inversement peut nous questionner. Mais la famille d'accueil étant une professionnelle, elle a suffisamment de recul.

Dans le cas où vous retirez un enfant de sa famille d'accueil, comment celle-ci réagit-elle en général ?

Lorsque nous prenons la décision de retirer un enfant, nous l'exprimons aux assistants familiaux qui parfois le perçoivent mal évidemment, parce qu'il existe justement un attachement. Ils peuvent ressentir cette décision comme une sanction et comme quelque chose d'injuste. Quand ça tombe, ça tombe et il faut souvent du temps pour que la famille d'accueil comprenne. En tout cas, ce n'est jamais sans raison. Nous savons bien que cela est traumatisant pour des enfants de quitter un lieu d'accueil trop rapidement. Je n'aime pas le faire, c'est terrible. Il faut bien se dire que l'on ne fait jamais cela de gaieté de coeur, que l'on se pose toujours des questions. Et des fois, le départ de l'enfant ne correspond pas à celui que l'on aurait voulu qu'il soit : on aurait souhaité préparer plus mais l'on se rend compte qu'un élément fait que ce n'est pas possible. Heureusement, ces situations restent rares... Mais quand cela arrive, nous mettons toujours la psychologue de l'accueil familial à la disposition des familles pour les soutenir. Passé le choc, elles souhaitent le plus souvent retravailler.

Vous affirmez ne pas aimer le terme de "travail" en évoquant la mission des familles d'accueil. Pourtant, il s'agit bel et bien d'un métier ?

Oui, en effet. La famille d'accueil doit compter au moins un membre qui a reçu l'agrément par le président du conseil général et par le service de la PMI qui, par le biais d'une investigation sociale ou psychologique de plusieurs mois, attribue un agrément pour cinq ans. Il est rare qu'une famille monoparentale soit agréée car nous recherchons pour les enfants un contexte qui ressemble à une forme familiale traditionnelle. Mais il arrive aussi que des dames soient seules avec un enfant. Quant aux personnes d'un certain âge, cela arrive car l'image de grands-parents peut être intéressante pour certains enfants.

Une fois que les personnes sont agréées et recrutées par notre service ou par une association habilitée à travailler dans le domaine de la protection de l'enfance - en Côte-d'Or, il existe l'Acodège, l'association beaunoise de protection de l'enfance (ABPE), les Pupilles de l'enseignement public (PEP21) Maison de Coutivert -, elles sont ensuite formées durant 240h, soit pratiquement deux ans de formation obligatoire durant les deux premières années de leur activité. Aujourd'hui, cette formation est qualifiante et peut aboutir à un diplôme si les personnes formées le souhaitent. Lors de la dernière promotion, l'ensemble des personnes qui ont participé ont passé cet examen. Ils ont en main un diplôme d'assistant familial, qui n'est ensuite plus remis en cause. Globalement, les assistants familialiaux touchent une rémunération d'environ 1.000 euros par mois pour un enfant et environ 3.000 euros pour trois enfants, soit le maximum. Ensuite, ils perçoivent une indemnité d'entretien journalière, équivalente à peu près à quinze euros par jour, qui permet de subvenir aux besoins de l'enfant.

Les familles d'accueil sont-elles assez nombreuses en Côte-d'Or ?

Au conseil général, nous comptons actuellement 330 familles d'accueil salariés. Côté associations, une centaine de familles font partie de l'ABPE, une cinquantaine sont à l'Acodège et une trentaine à Coutivert. Environ 870 enfants sont confiés à une famille d'accueil en Côte-d'Or alors qu'il existe moins de 500 familles d'accueil qui reçoivent le plus souvent un ou deux enfants : aussi, nous sommes toujours à la recherche de familles d'accueil car elles ne sont pas assez nombreuses. Mais c'est un métier très particulier qui ne convient pas à tout le monde : il faut accepter de travailler chez soi, d'avoir des enfants 24h sur 24h, bien souvent en souffrance. Des enfants qui ont déjà des parents et à qui il faut faire une petite place...

Ce qu'il faut absolument, c'est de ne pas laisser seules les familles d'accueil. C'est du moins ce que nous tentons de faire, avec les moyens que nous avons... Pour cela, les travailleurs sociaux - référents des enfants - sont très importants. Nous avons également un service d'accompagnement des familles d'accueil, tout à fait modeste puisqu'il est composé d'une responsable de cellule, de trois travailleurs sociaux et d'une psychologue à temps complet. Ces personnes rencontrent ponctuellement ou régulièrement certaines familles d'accueil qui sollicitent leur intervention à cause d'une difficulté particulière, à la suite d'un problème avec un enfant ou dans leur propre famille. Le service peut également intervenir s'il a des inquiétudes par rapport à la prise en charge de l'enfant dans la famille d'accueil. Nous tentons autant que possible de faire en sorte que le profil de l'enfant soit en adéquation avec la demande et la capacité d'accueillir de l'assistante familiale. Mais tant que l'enfant n'est pas installé dans la famille d'accueil, que la situation n'est pas établie, il peut toujours y avoir des difficultés que nous n'avons pas repérées.

Quelles types de difficultés peuvent aboutir à retirer un enfant de sa famille d'accueil ? La maltraitance par exemple ?

Quand cela arrive vous savez, nous ne nous posons pas de questions : il y a la loi. Nous signalons les faits de maltraitances et nous retirons l'enfant. Mais cela est rarissime... Sinon, une prise en charge de mauvaise qualité au niveau de l'hygiène et de la prise en charge des devoirs, des carences, ou une famille d'accueil qui fait peu de choses avec l'enfant, qui ne lui permet pas de s'épanouir, de s'ouvrir sur l'extérieur, ou encore une famille qui ne permet pas à l'enfant d'avoir son parent au téléphone de temps en temps, qui répond à celui-ci : "Je ne peux pas vous le passer, il est couché"... Ou encore une famille d'accueil qui refuse d'exercer des droits de visite tels qu'ils sont fixés par le juge des enfants... Toutes ces situations peuvent nous amener à retirer un enfant. Mais en tout cas, le problème n'est pas d'appeler papa ou maman la famille d'accueil..."

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