Après le vin et les oeuvres d'art, la forêt est-elle le nouvel investissement à la mode ? Tel est en tout cas le constat dressé par le magazine Terrafemina.com dans un article publié le 14 septembre 2011. Mais en Bourgogne, qui possède la forêt ? Comment et à quel prix s'échangent les essences dans la région ? Quel est le poids de la crise économique sur la filière bois ? Pour mieux connaître ces vertes étendues qui recouvrent un tiers du territoire de la région, dijOnscOpe a concocté une série d'articles, passant des échanges économiques au ressenti des habitants sur ce lieu de vie et de mystères... Première étape : l'économie, en compagnie de Natacha Carré, chargée de mission pour Aprovalbois - l'interprofession de la filière forêts-bois en Bourgogne - et Jean-Baptiste Schwebel, directeur bois à l'Office national des forêts (ONF)...

La forêt, entre contrats industriels et ventes aux enchères
La renommée du monde viticole a souvent tendance à faire oublier que la Bourgogne est l'une des première régions forestières de France... Avec plus de 960.000 hectares de forêts, son territoire est d'ailleurs recouvert d'arbres à plus d'un tiers ! Qui possède ces terres ? Dans la région comme sur la majeure partie du territoire français, l'Etat et les communes disposent de 25% de la surface boisée, contre 75% pour les propriétaires privés. "La forêt privée appartient à des particuliers ; ou des entreprises, mais c'est plus rare. En Bourgogne, nous avons beaucoup de petits propriétaires, qui possèdent moins de cinq hectares et ne détiennent pas, au final, une grande partie de la forêt privée. Ceux qui pèsent davantage sont en général de gros propriétaires, de plus de cinq hectares", commente Natacha Carré, chargée de mission pour Aprovalbois - l'interprofession de la filière forêts-bois en Bourgogne. La majeure partie de la forêt privée est donc concentrée entre les mains de quelques gros propriétaires.
Pour se développer sainement, les forêts ont besoin d'air. Et donc de coupes régulières, qui font ensuite l'objet de ventes. "L'Office national des forêts (ONF) est chargé, chaque année, de couper un certain nombre d'arbres pour que le peuplement forestier se développe convenablement. Il doit ensuite les commercialiser au mieux", explique Jean-Baptiste Schwebel, directeur bois à l'ONF. Et de préciser : "Il existe deux possibilités pour commercialiser les bois : la première est de les vendre aux enchères. Dans ce cas, nous préparons un catalogue qui détaille ce qui va être mis en vente en précisant de quelle forêt et de quelle parcelle le bois provient. Puis, le jour de la vente, le lot est attribué au mieux-disant. La deuxième possibilité est de passer des contrats d'approvisionnement. C'est-à-dire que l'on va voir un industriel en lui demandant le volume dont il a besoin pour l'année avant de lui livrer". Chez les propriétaires privés, les formes de vente sont identiques mais "la plupart du temps, ce ne sont pas les propriétaires qui se chargent de vendre eux-mêmes leur bois : ils passent souvent par des experts forestiers, des coopératives forestières ou par le Centre régional de la propriété foncière (CRPF)", note Natacha Carré.
En théorie, les prix du bois sont fixés selon des règles strictes. "Pour les ventes aux enchères, nous disposons de mercuriales de prix. C'est-à-dire que nous calculons des prix moyens par essence - chêne, hêtre, sapin etc , d'après le résultat des ventes aux enchères des années précédentes. Nous réalisons une typologie des produits vendus, tirons des prix moyens, avant de construire cette mercuriale de prix", détaille Jean-Baptiste Schwebel. Et pour les contrats d'approvisionnement auprès des industriels, "les clients savent combien ils vendront la matière transformée et donc combien ils doivent acheter la matière première : les prix sont donc fixés en fonction des attentes des clients"...
Un secteur soumis aux rebonds de l'économie...
Voilà pour la théorie. En pratique, le prix du bois est très largement soumis à la conjoncture économique. "En 2007, le bois était à son niveau le plus haut des années 2000 ; en 2009 il avait perdu 30% du fait de la crise ; en 2011 il a repris 20% par rapport à 2009. D'une année sur l'autre, c'est très fluctuant", constate Jean-Baptiste Schwebel. Pour exemple, lundi 19 septembre 2011, le prix du chêne au mètre cube variait entre dix euros (20 à 25 centimètres de diamètre) et 220 euros (80 centimètres et plus) ; tandis que le douglas, deuxième essence-phare de Bourgogne, se vendait entre 10 et 70 euros. Le hêtre, troisième point fort de la région, s'échangeait quant à lui entre 10 et 60 euros le mètre cube*.
A l'échelle de la filière, les rebonds sont identiques. En 2010, le rapport Agreste conjoncture, bois et dérivés (voir document joint) remarquait notamment que "la crise financière et économique a eu des répercussions sur l'ensemble de la filière bois à partir de septembre 2008, alors que le début de l’année avait été exceptionnel au niveau de l’activité et des prix". Et de préciser : "En 2009, sur l’ensemble de la France, le recul des échanges est généralisé mais tous les secteurs ne sont pas touchés de manière identique. Les meubles et sièges en bois, les papiers et cartons transformés, les ouvrages de menuiserie restent moins affectés par la crise. Le repli des exportations et importations y dépasse rarement le seuil de 15 %. En revanche, les secteurs producteurs de produits bruts ou peu transformés restent touchés de plein fouet : pâte à papier, placages et panneaux, lames et frises pour parquets... Le secteur de la tonnellerie avait été atteint à son tour par la crise fin 2008".
... mais qui dégage deux milliard d'euros de chiffre d'affaires annuel !
Ce constat national est valable également pour la Bourgogne, qui regroupe sur son territoire toutes les professions liées au bois... ou presque. "Nous avons quatre départements très différents et si l'on considère la région dans son entier, on constate que nous regroupons toute la filière. Depuis les propriétaires et les entrepreneurs de travaux forestiers aux entreprises de seconde transformation - l'ameublement par exemple - en passant par les entreprises de première transformation - les scieries, les entreprises de déroulage, de panneaux, de carbonisation... La seule activité que nous n'avons pas en Bourgogne est la papeterie. Malgré tout, la Bourgogne livre de nombreuses papeteries en bois à travers l'Hexagone", commente Natacha Carré.
De la sylviculture à la vente de bois et de produits industriels, la Bourgogne comptait en 2009 13.100 salariés et 2.500 entreprises sans salariés, pour la plupart des artisans de la première et de la seconde transformation, selon le rapport L'emploi et la valeur ajoutée dans la filière bois en Bourgogne rédigé par la Direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (Draaf). "Le nombre d'emplois total dans la filière bois en Bourgogne peut donc être estimé entre 15.000 et 16.000", continue la Draaf. Côté chiffre d'affaires, cette dernière estime également que l'ensemble des entreprises du secteur dégage chaque année près de deux milliards d'euros en Bourgogne.
Et l'avenir dans tout ça ? "En 2009, nous avons subi une forte crise. En 2011, nous avions l'impression que c'était bien reparti mais avec ce qui se passe actuellement sur les places financières, nous sommes dans le doute sur le court terme. Sur le long terme, nous restons optimistes puisque l'on sait que le matériau bois est un matériau d'avenir, aussi bien au niveau de l'énergie qu'au niveau de la construction, donc nous sommes plutôt optimistes sur les prochaines années", conclut Jean-Baptiste Schwebel. Un son de cloche que des investisseurs de plus en plus nombreux semblent avoir entendu, comme le remarque Terrafemina.com, qui estime "qu'après le vin et les oeuvres d'art, la forêt est le nouvel investissement à la mode" (Lire ici l'article sur Terrafemina.com)...
*Source : Indicateur European forêts online.
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