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Dijon / Bourgogne

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Billet de blog 20 novembre 2009

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De 7 taudis à 2 appartements douillets... presque gratuitement

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Un immeuble déclaré insalubre irrémédiable qui se voit transformer en appartements confortables grâce aux subventions publiques, une sympathique propriétaire qui s'engage en contre-partie à louer ses biens à des personnes défavorisées pendant neuf ans... Dans cet immeuble situé rue Berbisey à Dijon, la tragédie a viré à la comédie. L'exemple, tout à fait concret, illustre parfaitement le plan de lutte de l'État contre le logement indigne, au nombre de 5000 dans le département. Et pour le faire valoir, la préfecture de Côte d'Or organisait ce jeudi 19 novembre la visite de ces logements rénovés. Une visite d'"inspecteurs des travaux finis", au cours de laquelle une voix discordante en profitait pour pointer du doigt l'effet pervers du processus...

Déjà loué, passez votre chemin...


Sylvie et sa petite fille de quatre et demie ont emménagé dans l'appartement il y a tout juste un mois. Et contrairement aux apparences, la jeune femme ne fêtait pas hier sa pendaison de crémaillère, mais recevait dans son T3 en duplex la délégation d'une dizaine de représentants de l'État et de journalistes, venus constater le confort de son tout nouveau logement. Même le préfet de Côte d'Or, Christian de Lavernée, avait fait le déplacement pour l'occasion. Et c'est dans une douce effluve de parfum d'intérieur que chacun découvrait le salon, la cuisine, les deux chambres, la salle de bain, les WC... La scène valait le coup d'œil. Mais outre la sympathique découverte de l'appartement, que faisaient donc ici ces gens, en costume pour les uns, armés de caméra, de micros et d'appareils photos pour les autres ? Et bien ils venaient voir de leurs propres yeux la concrétisation de la lutte contre le logement indigne initiée par l'État et relayée par l'Agence nationale de l'habitat (ANAH).

Un vaste taudis il y a 5 ans


Car derrière ce charmant appartement et son acolyte au second étage, se dévoile une histoire bien sombre. Jusqu'en 2004, l'immeuble comporte alors sept logements particulièrement insalubres : superficies, éclairements et hauteurs sous plafond insuffisants, fenêtres sans communication avec l'extérieur, accès directs des WC sur les coins cuisine... Bref, un taudis au cœur de la ville. Et c'est un sinistre dans l'une des habitations qui alarme de la situation les services compétents, c'est-à-dire la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS). Suivant l'avis du conseil départemental d'hygiène, le préfet signe alors un arrêté d'insalubrité irrémédiable. Autrement dit, les logements sont frappés d'interdiction définitive d'être habités et ce, dès le départ de leurs occupants dans un délai de trois mois. L'arrêté est irrémédiable car le coût des travaux nécessaires à la résorption de l'insalubrité est jugé plus coûteux que la reconstruction. Ne reste plus que l'expropriation, au prix du terrain, voire la démolition... Des années s'écoulent, durant lesquels la propriétaire des lieux tente de trouver une solution.

157 000 euros de subventions


Le 20 juillet dernier, Béatrice G. envoie un courrier à la DDASS dans lequel elle demande de procéder à la levée d'insalubrité irrémédiable, en précisant que des travaux de remise en état ont été réalisés. En cinq ans, des fonds ont pu être trouvés pour la réalisation de ces travaux : "Les subventions s'élèvent à 157 000 euros, pour un coût total de 180 000 euros de travaux", précise Francette Meynard, directrice de la DDASS. A elle seule, l'Agence nationale de l'habitat (organisme d'État) a déboursé 140 000 euros, les 17 000 euros restant ayant été financés par la ville de Dijon et le Grand Dijon. Ainsi en 2009, près de deux millions d'euros de subventions de l'Anah devraient permettre de rénover plus de 250 logements sur le territoire du Grand Dijon. Car il y a de quoi faire : chaque année, une trentaine d'arrêtés d'insalubrité sont pris. "Un chiffre qui monte en puissance, même si ce sont les arrêtés remédiables les plus courants", précise Chantal Mattiussi, chargée du réseau régional de lutte contre l'habitat indigne à la Direction régionale de l'Équipement.

Neuf ans de bonne conscience

Bien entendu, une contre-partie a été exigée à la propriétaire des lieux : les loyers des deux appartements sont très modérés et elle s'est engagée à les louer pendant neuf ans à l'association "Les Toits du cœur", "filiale" des Restos du cœur. "Nous sommes les locataires en titre, explique Michel Augry, président de l'association. Autrement dit, nous sommes responsables du paiement des loyers mais aussi des dommages susceptibles d'être causés. C'est pour cela que c'est intéressant de faire appel à nous pour les propriétaires... Et pour les locataires, il n'y a pas de fiches de paye exigées pour entrer dans le logement. Normalement, la jeune femme et sa petite fille n'auraient jamais pu obtenir un appartement de ce genre : les loyers y sont beaucoup trop élevés habituellement. Mais là, elle doit nous verser environ 60 euros par mois, sans compter l'électricité et le chauffage. Et quand sa situation financière se sera rétablie, elle pourra se trouver son propre appartement et une autre personne pourra la remplacer". Une fois les neuf années écoulées, la propriétaire pourra à nouveau faire usage librement de son bien... "Elle pourra revendre les appartements si elle le souhaite, si elle n'a pas de morale bien sûr", relève Lionel Bortondello, inspecteur de la DDASS.

Éviter les profiteurs du système...


La question de la moralité de Béatrice G. peut en effet être soulevée : durant des années, elle n'a pas hésité à louer ses appartements dans un état déplorable. Pour elle, l'opération est plutôt juteuse : les travaux lui auront coûté 23 000 euros. "Il y a un effet pervers à ce procédé, affirme Colette Popard, adjointe déléguée au logement de la ville de Dijon et conseillère générale. C'est une bonne mesure que celle-ci, mais elle peut être mise en œuvre pour des personnes qui possèdent énormément de logements. A Dijon, il y en a qui ont 1500 biens immobiliers : il ne faudrait pas que cela devienne une manne pour eux... C'est scandaleux mais plus les gens ont de l'argent, plus ils s'en mettent dans les poches ! Moi je suis venue pour dire qu'on ne voulait pas cautionner la politique de l'État". Et de rappeler la proposition de loi de François Rebsamen sur les logements vacants, présentée mais non adoptée au Sénat cette semaine : "Lutter contre les logements vacants devrait être une priorité pour le logement, de même qu'il faudrait commencer par aider la rénovation des logements HLM".

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