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Dijon / Bourgogne

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Billet de blog 20 novembre 2009

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Impôts locaux : Souriez, vous avez payé !

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"Les feuilles mortes se ramassent à la pelle" susurrait une chanson... A défaut de pelle, c'est avec peine que nombre de contribuables ont reçu dans leur boite aux lettres une autre feuille, moins plaisante : celle des impôts locaux. Alors que le Congrès des maires bat son plein, tandis que la fiscalité des collectivités fait débat, Georges Maglica, adjoint aux finances de la Ville de Dijon, nous explique comment sont calculés ces impôts...

Un système obsolète et inéquitable


Le 20 octobre dernier, faisant suite à une lettre envoyée aux maires de France quatre jours auparavant, le président de la République, Nicolas Sarkozy, a annoncé qu'il "fallait saisir l'opportunité de la suppression de la taxe professionnelle pour moderniser en profondeur la fiscalité locale". Comprenez par là : trouver un moyen de rendre, selon les termes officiels, la fiscalité locale plus juste en revisitant les valeurs locatives. Débat explosif, qui, compte tenu des circonstances actuelles, sera précédé d'une consultation des élus et des parlementaires.


Car aujourd'hui, cette fiscalité est un véritable mille-feuilles d'une grande complexité, que la Cour des comptes qualifie "d'opaque (...), marquée par de nombreuses fragilités" mais aussi "d'obsolète et inéquitable" ! Ainsi, villes, agglomérations, départements ou régions soumettent leur propre taux de taxe d'habitation (un prix au m²), qui s'applique à la valeur locative cadastrale*, dont le système de calcul n'a pas été revu depuis 1970 : le début du parcours du combattant...

Un casse-tête financier


Allergiques aux mathématiques : mieux vaut s'abstenir ! Le dernier paragraphe vous suffira amplement car cette valeur locative est des plus complexes à calculer. Officiellement, selon la Cour des Comptes, 13 opérations successives sont nécessaires pour obtenir cette valeur. La première étape consiste d'ailleurs à classer l'habitation dans une catégorie parmi les huit disponibles (subdivisées bien entendu en sous-catégories), en fonction de ses éléments de conforts : nettement somptueux, particulièrement soigné, belle apparence, sans caractère particulier et aspect délabré.


Le hic, nous explique Georges Maglica, c'est que ces catégories ont été définies au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et se basaient sur la qualité de la construction, l'impression d'ensemble, la présence d'ascenseur (et si l'habitation se situe au 1er ou au 8ème étage), de chauffage-central, d'une façade rénovée... Ainsi les appartements de a Fontaine d'Ouche sont mieux côtés qu'un appartement du centre-ville, dont le luxe n'était pas enviable à l'époque. A Dijon, un seul bâtiment entre dans la catégorie 2 : il s'agit du palais des Ducs ! Mais étant donné ses occupants, on ne peut pas y percevoir d'impôts...


Ce coefficient est entièrement basé sur du déclaratif et les aberrations sont donc flagrantes. De fait, au regard de ce classement, la France compterait 219 maison grands luxes (798 logements collectifs) et 1 625 618 maisons individuelles délabrées (649 400 logements collectifs). Un état des lieux préoccupant mais heureusement, grandement fictif, quand on sait que l'INSEE comptabilise 273 000 logements insalubres en France.

Un mode de calcul désuet


Chaque année à Dijon, des contrôles sont effectués et, depuis 2001, les catégories 4/5 ont été remontées de 10%, alors même que la catégorie 5 suppose un confort quasi-inexistant. Bref, un classement sans aucun rapport avec la réalité du parc immobilier actuel. A partir de là, le calcul de la surface pondérée** peut débuter. La surface au sol de l'habitation est calculée et est nuancée par l'appartenance à telle ou telle catégorie. Une série de correctifs et de coefficients y sont appliqués en fonction de la situation géographique de l'habitation. Ensuite, l'ensemble du confort de l'habitation est passé au crible donnant ainsi la surface pondéré totale : + 4m² pour l'eau courante, + 5m² pour une baignoire, + 2m² par pièce chauffée, + 3m² pour un vide-ordures (même si il est bloqué !). Des dépendances à l'abri de jardin, tout doit être vérifié (en principe).


C'est à cette surface pondérée totale que vient s'appliquer le coefficient départemental, qui comme son nom ne l'indique pas, varie au sein même du département ! En effet, en 1970, l'existence du district dijonnais a engendré une sous-estimation du taux : il s'élève ainsi à 1,57 pour Dijon mais atteint 1,72 pour le reste de la Côte d'Or : "L'impact n'est donc pas le même pour les Dijonnais que pour les habitants de Montbard ou de Beaune, et la Municipalité perd donc des recettes", déplore Georges Maglica. Un mal pour un bien (tout est question de point de vue), car ces coefficients sont actualisés selon des valeurs de 1980, année de la seule, unique et dernière mise à jour. Enfin, cette désormais valeur locative est revalorisée chaque année par un taux annuel voté en loi de finances.

-17 points d'impôt


A ce stade, votre portefeuille est prêt à succomber mais comme nous l'explique l'adjoint aux finances, la "vieille tradition dijonnaise" veut qu'un abattement soit effectué avec les taux maximum légaux. Ainsi, une famille de 4 personnes bénéficie d'un abattement général à la source de 20% sur les deux premières personnes, et de 25% sur les deux dernières. Un système qui, s'il fait sourire les habitants, est loin d'arranger les finances de la Ville, qui enregistrent un manque à gagner de 14,4 millions d'euros, soit 17 points d'impôts.


De plus, des exonérations sont aussi à prendre en compte sur le bâti. "Nous sommes engagés dans un programme de construction de 1 000 logements neufs par an mais ces constructions neuves sont exonérées de taxes foncières durant 2 ans". Une ristourne qui peut durer de 10 à 30 ans s'il s'agit d'un logement social. "Une injustice entre les villes qui jouent la carte de la mixité social et les autres", selon l'élu municipal. Pour autant, le système ne sera pas remis en cause : "Ce serait mal venu en période de crise", commente-il. Mais l'équation semble bien difficile : maintenir la stabilité de l'impôt et continuer à désendetter la ville, tout en assurant un niveau d'investissements et de services intéressant. Une mission ardue...

Un pactole moins gros qu'il n'y paraît


Cependant, Dijon reste bel et bien l'une des villes les moins chères de France en matière de fiscalité locale. Les chiffres en valeur absolue sont relativement faibles par rapport aux autres communes de même ampleur démographique. Car le système de calcul veut que les apparences soient parfois trompeuses. "Ainsi Le Mans et Boulogne-Billancourt ont bien un taux inférieur à la ville de Dijon mais les cotisations sont supérieures". Un effet de la valeur locative. "Un schéma tout simple (parait-il), mais trop de gens parlent des taux sans les rapporter aux bases, ce qui n'a aucun sens. Ainsi 30% de 100 euros est plus avantageux que 10% de 1 000 euros", s'indigne Franck Ayache, élu municipal Sans Étiquette, qui a eu de vifs échanges avec la Majorité lors du dernier conseil municipal...


En 2009, la taxe d'habitation augmentait à Dijon de 1,9% avec un montant de 704 € par foyer fiscal, juste derrière Paris (395) et Villeurbanne (630). Georges Maglica de préciser que sur la période 2001-2008, les impôts locaux ont augmenté de 12,1% alors que l'inflation enregistrait une hausse de 16%. Ces impôts locaux directs permettent à la ville d'empocher 78,898 millions d'euros en 2009 : 33,9 millions pour la taxe d'habitation (75% pour la Ville soit 502 €, 25% pour le Département) ; 44,8 millions pour la Taxe sur le Foncier Bâti (63% pour la Ville) ; 200 000 euros pour la Taxe sur le Foncier Non Bâti (74% pour la Ville).


Pour 2010, "l'engagement sera tenu" assure l'adjoint aux finances : les impôts ne devraient pas augmenter plus que l'inflation. Celle-ci étant fixée pour le moment à 1,20% par le projet de loi de finances, "la hausse des impôts devrait être comprise entre 0,9 et 1,1%. Quand à la taxe professionnelle, c'est une autre (très longue) histoire...


* valeur locative cadastrale : Pour un logement, la valeur locative est le montant auquel on estime qu'il pourrait être loué, en prenant en compte les conditions du marché. Elle sert à calculer les taxe d'habitation et taxe foncière.
** surface pondérée : Elle est obtenue en appliquant à la superficie réelle des locaux des correctifs traduisant les divers facteurs de confort de la pièce (par exemple un mètre carré de garage n'a pas la même surface pondérée qu'un mètre carré de salon).

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