Dans le salon qui fut celui de Dominique Strauss-Kahn, Éric Besson ou encore Ségolène Royal, François Sauvadet, nouveau ministre de la Fonction publique et président du conseil général de Côte-d'Or, recevait mercredi 20 juillet 2011 la presse bourguignonne afin de dresser un premier bilan de sa récente investiture au gouvernement. L'occasion pour lui d'évoquer son nouveau quotidien de ministre, les grands axes de son action future mais également de régler quelques comptes avec ses adversaires politiques locaux...

Bienvenue au 101, rue de Grenelle
"Le fait de quitter Bercy pour venir nous installer ici, au 101 rue de Grenelle, est un symbole fort à plusieurs titres. Tout d'abord, il souligne le tournant historique pour la fonction publique d'avoir un ministre de plein exercice - et plus simplement délégué. C'est un signal fort que les syndicats ont salué. Le fait que l'on s'installe ici montre également que le quotidien de la fonction publique ne se résume pas aux questions budgétaires. L'avenir d'un service rendu au public est aujourd'hui en cause, tout comme celui des hommes et des femmes qui ont fait le choix de ces métiers. Symboliquement, quitter les locaux du ministère du Budget était donc important, afin de réfléchir plus largement à l'avenir de nos agents.
"J'ai refusé de vivre ici"
La salle où nous déjeunons faisait partie de l'appartement d'Eric Besson, Ségolène Royal ou encore Dominique Strauss-Kahn... Je n'ai pas souhaité loger ici et nous avons installé des bureaux dans les appartements. Je n'habite pas mon ministère : j'ai trouvé, dans le quartier, un tout petit logement avec une chambre, un espace télé et un espace kitchenette. C'est un choix. Je ne veux pas vivre dans les lieux de la République. Je suis là pour travailler. Je ne critique pas ceux qui le font d'ailleurs, c'est simplement un choix personnel.
La fonction publique, une question budgétaire... mais pas que !
D'un point de vue budgétaire, nous sommes dans un cadre qui est contraint et restera contraint. Pour faire face à cette situation, il faut un retour de la croissance d'une part, mais également actionner les dépenses si l'on ne veut pas se retrouver avec des décisions terribles pour la fonction publique et le fonctionnement des Etats - comme en Grèce ou en Angleterre. Les pays qui n'ont pas préparé l'avenir se sont retrouvés avec des révisions drastiques, des reculs très forts sur les traitements etc.
Mais je souhaite insister sur le fait qu'il n'y a pas que les aspects budgétaires dans la gestion de la fonction publique : derrière les réformes engagées, il y a des hommes et des femmes. Dès vendredi 22 juillet 2011, je vais aller à leur rencontre pour un déplacement à Vesoul, en Haute-Saône, puis au rythme d'une fois tous les quinze jours, j'irai sur le terrain au contact des agents pour les écouter et constater les conditions dans lesquelles les changements profonds ont été mis en oeuvre. Je serai un ministre à la fois responsable et inscrit dans une volonté de dialogue.
"Face aux réformes, arrêtons de noircir le tableau"
Malgré les difficultés, je souhaite également rappeler que derrière le non-renouvellement d'un fonctionnaire sur deux lors de son départ à la retraite, 50% des économies réalisées ont été redistribuées pour la revalorisation de la fonction publique ! Des actions importantes ont été menées, notamment pour les infirmières qui, en contrepartie d'un engagement à travailler plus longtemps, sont passées de cadre B à cadre A. Nous avons également engagé des revalorisations de traitements, des réorganisations de grilles, mis en place l'intéressement etc. Je souhaite donc que l'on joue gagnant-gagnant et que les réformes engagées soient bien considérées comme une nouvelle chance donnée à l'avenir de la fonction publique et à celui des services publics.
Deux projets de loi et une volonté, "être le ministre de la parité hommes-femmes"
Mercredi 27 juillet 2011, je vais présenter au gouvernement un projet de loi sur la déontologie et les conflits d'intérêt, qui va concerner à la fois les membres du gouvernement, ceux des cabinets mais aussi la fonction publique dans son ensemble. En septembre, je porterai un projet de loi auquel les organisations syndicales et les fonctionnaires sont très attachés : celui sur la lutte contre la précarité, notamment pour les emplois contractuels, afin de sécuriser le parcours de nos agents. Je veux vraiment que ce texte de loi soit abouti avant la fin de l'année. Il a déjà bien avancé mais un aspect que je vais compléter concerne la parité hommes-femmes.
Je serai le ministre de la parité et de l'égalité hommes-femmes. Je ne veux pas que l'on se contente simplement de déclarations et je souhaite voir cette question inclue dans l'agenda social, tout comme dans le projet de loi. Il n'est pas normal que la fonction publique compte 60% de femmes et que seulement 9% accèdent aux hautes fonctions. Je veux une fonction publique qui reflète la société française et soit ouverte à la diversité. A ce titre, je rencontre cet après-midi le directeur de l'ENA et lui redirait l'attachement que nous portons aux classes préparatoires qui favorisent l'intégration. Les Français sont attachés à leur fonction publique et il est donc impératif qu'elle soit représentative de la société.
Agenda serré, budget contraint... Va-t-il vraiment pouvoir faire quelque chose ?
Rendez-vous à la fin du film ! Je constate simplement que les syndicats ont beaucoup apprécié d'avoir un ministre de plein exercice, qui est responsable politique devant eux. J'ai dit également que je voulais faire avancer deux projets de loi importants et également la question de l'égalité hommes-femmes dans la fonction publique. Avec les élections syndicales du 20 octobre 2011, je pense que l'agenda social sera bien rempli !
Une chaude rentrée sociale
J'ai vu effectivement que des manifestations étaient annoncées à la rentrée. J'ai également bien dit aux agents que ma porte était ouverte et que tout ce que l'on pourra faire avancer, nous le ferons avancer. Mais je précise également que nous nous trouvons dans un cadre contraint durablement. Je ne veux pas faire de démagogie, contrairement aux propositions que l'on entend de la bouche de certains futurs candidats éventuels à l'élection présidentielle ! Franchement cela fait peur. Ils parlent notamment d'augmentations de crédits de 50% : ce n'est pas sérieux. Si la campagne se résume à jouer à "Monsieur plus", dans le contexte actuel, c'est irresponsable.
Bye bye Côte-d'Or ?
Le planning de ma semaine sera pratiquement le même que j'avais auparavant en tant que président du groupe Nouveau centre à l'Assemblée nationale : j'arrivais tous les lundis soirs à Paris, je repartais le jeudi midi après le déjeuner... Le rythme sera sensiblement identique, avec des journées parisiennes commençant à 7h au ministère et finissant vers minuit, en passant les lundis, les vendredis et les samedis sur le terrain pour le conseil général de Côte-d'Or. A ceux qui laissaient sous-entendre que ma présence sur le terrain allait s'amoindrire en raison de mes nouvelles fonctions, mon message est clair : je vais continuer le travail ! Je vais assumer mes fonctions ministérielles avec engagement mais j'ai également la ferme intention de garder les pieds sur terre, en Côte-d'Or.
La Bourgogne, bientôt pilote pour les expérimentations du ministère
J'ai l'intention de faire de la Bourgogne un site-pilote pour les actions futures du ministère, notamment autour de la question du télétravail. Il peut éviter des déplacements inutiles et contribuer au développement durable... Mais avant de savoir quel forme il prendra exactement, nous devons expérimenter les différentes solutions. En Côte-d'Or par exemple, cela fait quatre mois que l'expérience est lancée pour six cadres C, trois cadres B et trois cadres A qui passent un ou deux jours par semaine chez eux. L'expérience porte déjà ses fruits, notamment en terme d'efficacité des travailleurs et de baisse du stress, d'après les premiers retours que nous avons reçus. Les responsables hiérarchiques ont par ailleurs noté plus d'autonomie et d'efficacité chez les télétravailleurs.
Et Borloo dans tout ça ?
Je n'ai jamais changé de position sur ce sujet. J'ai toujours dit que la première étape pour peser dans la politique française était d'organiser le centre et j'ai été au coeur de la formation de l'Alliance républicaine, écologiste et sociale, que j'avais appelée de mes voeux il y a quelques mois lors d'un conseil national. Rentrer au gouvernement n'est pas renoncer à ses convictions, c'est mettre ses convictions au service de son pays et de notre côté, nous avons toujours été extrêmement clairs : nous avons toujours voulu faire de notre parti un parti de gouvernement de la France, contrairement à un François Bayrou qui s'est mis sur la ligne de touche.
J'ai toujours été clair avec mes alliances et je rappelle que le fait d'être dans cette stratégie ne mène pas à la dilution des idées ! Nous avons simplement constaté que si nous voulions peser dans la politique française, il fallait nous regrouper. De mon côté, je continuerai d'asssurer la présidence du comité d'investiture de cette Alliance, bien que de nombreuses personnes aient crié à la rupture de ban depuis mon entrée au gouvernement. Il n'en est rien. Mes convictions me portent simplement à croire qu'un parti de centre-droit doit être un parti de gouvernement. Sinon, l'on s'épuise dans des oppositions systématiques ; ou bien en croyant que l'on va reprendre les clefs de l'avenir en rassemblant droite et gauche. Ce qui est tout simplement l'erreur politique majeure que fait François Bayrou aujourd'hui.
Séquence nostalgie...
J'ai toujours aimé la politique. Depuis enfant, cela m'a toujours passionné ! J'avais la conviction qu'un jour, je serai élu. Après ça, Gilbert Mathieu (ndlr : ancien député de la troisième, puis de la quatrième circonscription de Côte-d’Or, ancien maire de Vitteaux et ancien conseiller général) ne s'est pas représenté et en 1993, ses amis sont venus me trouver pour me proposer d'être candidat à la députation. J'ai commencé par traiter des communiqués car le fait que je ne vienne pas du sérail ne plaisait pas à tout le monde... Puis les électeurs ont tranché. Pour ce qui concerne le poste que j'occupe aujourd'hui, je savais que la tête de l'exécutif souhaitait me voir entrer dans l'équipe gouvernementale. J'ai vu Nicolas Sarkozy le lundi après-midi précédant le renouvellement (ndlr : lundi 28 juin 2011), j'ai également eu un entretien avec François Fillon qui m'a appelé pour me faire part de propositions. Aujourd'hui, c'est un honneur et une responsabilité d'exercer ces fonctions.
... et règlements de comptes locaux
Dans le calendrier des nombreuses élections qui arrivent, les Régionales de 2010 ont été très intéressantes. Tout d'abord, tous les défis que j'ai posés et avaient été balayés d'un revers de main par les concurrents ressortent aujourd'hui - le Wimax, ça marche ? Le Grand canal, il est où ? Le cadencement des trains est revu à la baisse... Bref, je m'intéresse aussi aux dossiers régionaux. Et même si parfois je m'interroge sur les conséquences financières du tramway dijonnais dans les vingt prochaines années, le conseil général a pu signer un contrat avec le Grand Dijon. C'est plus difficile avec la Région, qui ne nous a toujours pas donné de nouvelles au sujet du contrat territorial d'insertion, probablement pour des raisons politiques... La Région n'assume pas son rôle. Le stade Gaston Gérard à Dijon ? On a déjà donné cinq millions d'euros. D'autre part, je vous rappelle que la ville de Dijon loue le stade 260.000 euros au DFCO et que le loyer va augmenter : combien François Rebsamen va-t-il empocher de plus ? Et bien la marge, il n'a qu'à la réinvestir. La Côte-d'Or a déjà donné".