Avec 514.800 exploitations, 1.022.300 personnes participant régulièrement au travail des exploitations agricoles et une production de 66 millions d'euros en 2010, l'agriculture française est la première de l'Union européenne. Tandis que des enjeux majeurs sont en cours - nourrir la population nationale et mondiale -, comment se porte précisément l'agriculture dans l'Hexagone et en Bourgogne ? Le point sur la question avec Jean-Roch Gaillet, à la tête de la Direction régionale de l'alimentation, de l’agriculture et de la forêt (Draaf) régionale, qui commentait lundi 19 septembre 2011 les résultats du recensement agricole 2010, organisé tous les dix ans…

56% de la Bourgogne exploitée pour l'agriculture
L’agriculture française occupe plus de la moitié du territoire national et 56% de la Bourgogne. Dans la région, elle représente 20.300 exploitations et 43.100 personnes qui participent régulièrement au travail des exploitations agricoles. "Soit 23% de moins qu'en 2000... c'est le chiffre qui tue, commente Dominique Degueurce, chef du Service régional de l'information statistique et économique (Srise) de la Direction régionale de l'alimentation, de l’agriculture et de la forêt (Draaf) de Bourgogne. Néanmoins, cela ne signifie pas que l'agriculture bourguignonne est en train de disparaître : la surface agricole en Bourgogne a très peu bougé (-0,7% soit 1.762.600 hectares) tandis que la perte au niveau national se situe à -3,2%. De plus, le mouvement de baisse du nombre d'exploitations s’est ralenti : les exploitations agricoles en France ont diminué de 26% entre 2000 et 2010, alors que leur nombre avait diminué de 35% entre 1988 et 2000.
"Ce sont surtout les petites exploitations dont le nombre diminue (-40%), alors que les moyennes et grandes, au nombre de 15.100, se renforcent (-15%). Ainsi, ce sont les grandes exploitations qui se sont emparées d'un peu plus de surface en dix ans", affirme Dominique Degueurce, précisant que l'exploitation moyenne en Bourgogne compte 87 hectares. Depuis 2000, les exploitations se sont donc agrandies en France : la taille moyenne des exploitations est passée de 42 ha en moyenne à 55 ha.
Tiercé gagnant
En France, la baisse des exploitations concerne en premier lieu de petits élevages bovins lait au profit des grands élevages (la taille du troupeau moyen a augmenté de 36%), tandis que le nombre des exploitations moyennes et grandes spécialisées en céréales et oléoprotéagineux a augmenté. En Bourgogne, la tendance se confirme : selon Jean-Roch Gaillet, directeur régional de la Draaf, les "spécialisations sont territorialisées - ou les territoires sont spécialisés. En tout cas, en nombre d'exploitations, il existe toujours un tiercé qui marche : les bovins-viande - 5.200 exploitations -, les grandes cultures - 4.900 exploitations -, et la viticulture - 3.800 exploitations. En 2010, l'ordre reste le même mais la "suprématie allaitante" s'estompe : entre bovins-viande et grandes cultures, la distance a bien diminué car le nombre d'exploitations en bovins-viande a très fortement baissé"... Ce qui signifie pas, à nouveau, un mal être de la filière : le troupeau bourguignon moyen comptabilise 57 vaches et gagne plus de 30% par rapport à 2010 - 44 vaches en moyenne à l'époque -. "Nous avons donc de gros troupeaux", relève Jean-Roch Gaillet.
Côté viticulture, "en Côte-d'Or, sur 3.200 salariés, les trois-quarts travaillent dans des exploitations viticoles", précise Dominique Degueurce. La filière, qui compte 3.800 exploitations dans la région, a vu également diminuer le nombre des petites exploitations (moins de deux hectares) sans voir sa surface exploitée diminuer pour autant...
Mr Propre à la ferme...
La tendance est donc presque la même pour les différents secteurs agricoles : les petites structures disparaissent et laissent place à de grandes exploitations. C'est notamment le cas de la filière laitière : "Pour les productions laitières de petites tailles non professionnelles, cela devient vraiment difficile. Ce n'est pas tant l'économie que le sanitaire qui est la cause de cette difficulté. Dans la production, le lait est ce qu'il y a de plus complexe. Les exigences sanitaires sont énormes. Donc pour les petites exploitations laitières, le mouvement est quasiment fait : pour elles, c'est terminé", confirme Jean-Roch Gaillet. Ainsi, depuis 2000, les exploitations à posséder des vaches laitières ont fortement diminué : -27%. "Il ne reste plus que 1.300 exploitations mais il s'agissait déjà d'une tendance lors du dernier recensement", précise la chef de service du Srise.
L'ère du sanitaire est donc en marche et ce depuis longtemps : "Les petits qui n'étaient pas propres n'ont pas survécu aux normes sanitaires, assure le directeur régional de la Draaf, qui se félicite de voir certaines maladies disparaître de l'Hexagone. "En Amérique du sud, le sanitaire est catastrophique et cela les rattrape en ce moment puisque la fièvre aphteuse est en train de les plomber. Du coup, le marché mondial manque de viande et ça, c'est très bien pour nous"...
Le grand re(sens)cement
Selon la Draaf, "les résultats du recensement agricole 2010 vont permettre d’évaluer les politiques publiques mises en œuvre ces dix dernières années en France pour accompagner le secteur, notamment en termes de protection du statut social de l’agriculteur et à la suite des engagements du Grenelle de l’environnement de 2007. "Le but de ce recensement agricole est d'avoir des données afin de trouver les tendances et faire des choix, politiques, par la suite", confirme Jean-Roch Gaillet.
Interrogé sur les premières analyses qui se dégagent des données, ce dernier affirme qu'au vu de "l'augmentation en taille d'exploitation et des normes à respecter, les efforts à réaliser à destination des exploitations d'élevage bovin doivent continuer. Nous sommes en fin de cycle sur une tranche de fonds appelés Feader (ndlr : Fonds européen agricole pour le développement rural). Mais sur cette spécificité bourguignonne, on sait que cela ne s'arrêtera pas là. Nous sommes obligés d'y repartir parce qu'il faut faire les mises aux normes des exploitations regroupées et vu la rentabilité de ces exploitations, si nous ne donnons pas les aides qu'il faut, nous empêchons les exploitants de se mettre aux normes". En Bourgogne, la qualité de nos animaux est reconnue. Il faut voir l'export vers l'Italie : 90% des veaux sevrés dans la région partent là-bas. On ne va quand même pas aller se faire attraper à se retrouver hors normes et que les Italiens nous achètent moins cher - voire pas du tout - à cause de cela.
Et de rappeler "qu'en 2013, nous changeons de Politique agricole commune (PAC) : quand il va falloir répartir l'enveloppe, l'Union européenne va donner des critères de zonage et dire que telle zone a le droit à tel type d'aide. Donc sur la mise en place de ce zonage intra-France, les données du recensement agricole vont faire une bonne partie de la loi".
- Maraîchage, on y croit !
Selon Dominique Degueurce, le maraîchage se "retrouve un peu à Auxonne (21) et à Chalon-sur-Saône (71), mais surtout dans le Morvan où se trouvent les sapins de Noël, qui relèvent de la filière horticole pour la première année". Avec 440 exploitations en Bourgogne, la filière ne pèse pas bien lourd... Néanmoins, le directeur de la Draaf assure "tenir à l'horticulture" : "Lorsqu'on nous dit que sur Auxonne, des zones de maraîchage pourrait être perdues pour le développement de grandes surfaces, nous disons halte-au feu. Les coins où il est possible de bien faire du maraîchage en Bourgogne, il faut le faire. D'ailleurs nous inaugurons les bassins d'Aiserey (Côte-d'Or) le 23 septembre 2011, ceux de l'ancienne sucrerie qui vont être transformés en bassins d'irrigation permettant de collecter de l'eau sans devoir pomper dans les nappes" (Lire ici un communiqué de presse sur le sujet).
Suite à la disparition totale de la filière betterave avec la fermeture de la sucrerie d'Aiserey, un soutien du Fonds européen de garantie agricole (FEAGA) - six millions d'euros - dans le cadre du Programme de restructuration national sucre (PRN) a été apporté pour le financement de mesures de reconversion. Il s'agit d'un projet collectif porté par vingt-deux exploitations agricoles regroupées dans l’Association syndicale autorisée (ASA) de la Biètre, qui s’étend de Rouvres-en-Plaine à Brazey-en-Plaine. Ce projet permettra de maintenir et de développer principalement la production de légumes sur 1.800 hectares irrigables en remplacement de la betterave et alimenter les outils locaux de transformation. En complément, six exploitations du secteur de Seurre/Saint-Jean-de-Losne (Côte-d'Or) ont créé une chambre froide, permettant de conserver les productions dans des conditions optimales et ainsi d’approvisionner les marchés locaux. Les six adhérents de la Cuma de la Robe des Champs se sont lancés dans un projet de valorisation en circuit court de la pomme de terre auprès des magasins locaux sous la marque "Panier de Bourgogne".
- Bio & Co...
Concernant la vente directe, 20% des exploitations bourguignonnes - 51% des viticulteurs - commercialisent via des circuits courts, qui comptabilise au maximum un ou deux intermédiaires. Sur 20.300 exploitations, 7.700 sont engagées dans des démarches de signes de qualité d'origine : 1.200 en Label rouge, et 4.100 - dont 92% de viticulteurs - en AOC (Appellation origine contrôlée) et AOP (Appellation origine protégée). "750 exploitations sont en agriculture biologique ou en phase de conversion : cela représente une augmentation de plus 132% par rapport à 2000 !", relève Jean-Roch Gaillet.
A lire sur dijOnscOpe :
- Bourgogne : La forêt, nouvel investissement à la mode ? (19/09/2011)
- Côte-d'Or : Trouver une place dans une Amap, mission impossible ? (26/07/2011)
- Côte-d’Or : La production céréalière bio passe un cap ! (14/03/2011)
- Côte-d'Or : Parole d'agriculteur ! (19/02/2011)
- Vies de paysannes : de 1927 à 2010... (15/10/2010)
- Communiqué de presse l Côte-d'Or : Le Conseil général débloque 15 millions d'euros pour soutenir les micro-filières agricoles (15/09/2011)
- Communiqué de presse l Saône-et-Loire : Versement des avances sur paiements de la PAC, dès la mi-octobre (20/09/2011)
- Communiqué de presse l Bourgogne : Bilan de la conjoncture agricole pour les mois de juillet/août 2011 (10/09/2011)
- Communiqué de presse l Bourgogne : Le revenu agricole moyen atteint 24.040 euros en 2010 (21/07/2011)
- Communiqué de presse l Bourgogne : Six projets labellisés "pôle d'excellence rurale" par l'État (15/04/2011)