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Billet de blog 21 décembre 2009

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Des cours très particuliers

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Le 9 décembre dernier, le site d’informations MédiaPart dévoilait qu’Acadomia, le leader des cours particuliers, avait permis le 7 décembre, l’abandon d’un amendement déposé par un député UMP, qui voulait supprimer le «crédit» d'impôt offert aux familles consommatrices de cours privés à domicile, autorisées jusqu'ici à déduire de leur déclaration d'impôts 50% de leurs dépenses parascolaires. Les cours particuliers sont un marché fleurissant. Que ne feraient papa et maman pour permettre à leurs chérubins de progresser ?... Oui mais voila, nombreuses sont les critiques qui fusent concernant ces agences de cours particuliers. Pour y voir un peu plus clair, dijOnscOpe a recueilli les avis de professeurs (d’agences) et d’élèves...

Un recrutement aléatoire


Pour pouvoir enseigner par le biais d’une agence, le futur professeur doit généralement posséder une licence. Des tests de connaissances sont aussi pratiqués mais beaucoup de professeurs interrogés en dénoncent la superficialité. Ainsi Marion, qui a postulé dans un organisme de cours particuliers : "Il fallait simplement posséder un niveau bac +3. J’ai été convoquée pour participer à un entretien collectif où l’on m’a expliquée le fonctionnement de l’agence. Lors d’un autre entretien, on m’a fait passer des tests assez "légers". L’examinateur n’a pas vérifié mes connaissances en histoire par exemple car j’avais une licence dans ce domaine. J’ai eu un test basique avec deux questions posées par une examinatrice sympathique. C’est le professeur qui détermine lui-même jusqu’à quel niveau il peut enseigner ; j’aurais très bien pu donner des cours sans avoir le niveau ! Ce que j’ai trouvé également "bidon", c’est que les tests étaient les mêmes pour tout le monde : une amie m’avait informée de la question qu’on me poserait en anglais car elle venait d’avoir le même examen... ».


Lydie révèle par ailleurs que certains organismes n’hésitent pas à se décharger d’un travail administratif supplémentaire sur les professeurs : "Pour enseigner, il suffisait d’avoir une licence ; on m’a aussi demandée si j’avais de l’expérience. J’ai eu droit à une journée de "fausse formation" où l’on m’expliquait ce qu’attendait la structure et comment véhiculer son image. (...) Je devais aussi remplir les dates et noms des élèves moi-même et imprimer ma fiche de paye. Tout cela est du travail administratif en plus mais qui faisait gagner du temps à l’agence..."

Une aide inexistante


Ça y est, les professeurs sont acceptés sans trop de difficulté dans l’agence. Maintenant, il ne leur reste plus qu’à attendre le coup de fil de la structure et à compter principalement sur leurs propres compétences. En effet, malgré son propos, l’agence de cours particuliers aide rarement les professeurs. C’est ce que dénonce Lydie : « Ce que j’ai le plus regretté, c’est l’absence d’aide de la part de l’agence. Elle disposait de peu de ressources pédagogiques et souvent, les manuels n’étaient pas à jour. » Pierre-Yves travaillait dans la même structure que Lydie mais pas dans la même ville. Pourtant, son constat est similaire : « Malgré ce qu’on m’avait déclaré, je n’ai pas vu dans quelle mesure l'entreprise de cours particuliers pouvait m’aider. Dans ma matière, elle disposait de quatre bouquins ; si c’est ça l’aide matérielle que je pouvais avoir ! ...»

Des prix décalés...


Sans exception, les professeurs recrutés par les entreprises de cours particuliers évoquent tous le faible salaire reçu pour enseigner. Une rémunération souvent infime en comparaison de la somme versée par les parents pour une heure de cours particulier. « J’ai donné des cours à une dizaine d’élèves de la première à la terminale, continue Lydie. L’argent reçu dépendait du niveau de l’élève et du lieu géographique. Sur les 36 euros demandés aux parents, je ne touchais souvent qu’une dizaine d’euros. Les cours demandent beaucoup de préparation et de temps ; je devais souvent me rendre de Dijon à un point plus éloigné dans la journée. Sur un plan personnel, c’était très enrichissant mais j’étais déçue par la rémunération. Si j’avais été mieux payée, j’aurais sans doute continué. »


Pierre-Yves est du même avis concernant cette rémunération : « La famille devait débourser environ 35 euros pour une heure de cours. Les agences partent sur le fait que la moitié est remboursée en crédit d’impôt. Un professeur est donc payé entre 8 et 12 euros. Aucun frais de déplacement ne m’était remboursé. J’allais en vélo chez l’élève : une demi-heure aller, une demi-heure retour, ce qui faisait trois heures en tout pour parfois moins de 10 euros... » Jean critique férocement ce coût des cours particuliers. Il dénonce le « pouvoir financier » de certaines structures qu’il n’hésite pas à qualifier de "voleuses": « Les prix des cours particuliers sont exagérés. L’État en rembourse la moitié sinon ça ne marcherait pas autant. Les agences vivent grâce à l’Etat, c’est ça qui me parait le plus important. La démocratie est mise en cause avec ce système. La situation correspond bien à l’actualité : tous les ans, le public perd des élèves. Pour moi, c’est une arnaque monumentale ; Le but de ces agences, c’est simplement faire de l’argent, point. »

Et qu’en pensent les élèves ?


Le bilan est donc assez critique si l’on en croit les professeurs mais la réussite d’une heure de cours particulier réside essentiellement dans la motivation du professeur, comme le certifie Lydie : « Je pense que la qualité des cours dispensés dépend de la conscience professionnelle des professeurs et de leur motivation. » Pierre-Yves accentue son propos : « L’agence ne trie pas plus qu’une annonce individuelle. Les gens qui donnent des cours ne sont pas plus mauvais que ceux trouvés par annonce de particulier à particulier. S’ils sont vraiment mauvais, les familles ne les demandent plus. Le seul intérêt d’un organisme de cours particulier est de ne pas avoir à faire la démarche pour trouver les élèves. »


Que ce soit de particulier à particulier ou par le biais d’une agence, tomber sur un bon professeur est souvent une histoire de chance. Nastasia en a fait l’expérience : « J’ai eu des cours de math et de français par le biais d’une agence de cours particuliers. J’ai eu de la chance : je suis tombée sur des profs qui m’ont bien aidée. » De même qu’Aurélie : « Les cours m’ont vraiment aidée, cela a été très bénéfique et m’a aidé à obtenir mon bac. Avec le prof, nous nous sommes ensuite vus sans passer par la société de cours particuliers. »


Effectivement, comme Aurélie (et malgré l’interdiction spécifiée dans le contrat), professeur et élève sont nombreux sitôt le premier contact passé, à se voir en dehors de l’agence. Nastasia révèle que ce fut le cas pour elle aussi : « Je suis passée par le biais d’une agence mais mes parents ont très vite arrêté, cela coutait très cher. Ils se sont arrangés avec le professeur mandaté par l’agence pour avoir des cours indépendamment de celle-ci. C’était intéressant pour eux mais aussi pour le prof qui était mieux payé. »

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