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Billet de blog 22 avril 2010

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Grèves SNCF : c'est pour votre bien! (Partie 1/2)

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Deux semaines de grève côté salariés pour deux semaines de galère côté usagers... Mais dès le jeudi 22 avril 2010, le trafic devrait reprendre son rythme de croisière dans la grande majorité des régions, après que les cheminots rassemblés en assemblée générale aient mis fin ou suspendu le mouvement en attendant une table-ronde des syndicats et de la direction prévue à la mi-mai 2010. En Bourgogne, c'est donc un retour à la normale pour les TGV et les trains Corail, et à 80% environ pour les TER. Le soulagement des usagers sera sans doute à la hauteur de l'irritation suscitée par une grève d'une telle ampleur... Car si les médias ont donné tout au long du mouvement des informations purement pratiques, ils n'ont que trop rarement fait état des revendications des grévistes. Pourtant, il se pourrait bien qu'elles concernent les usagers tout autant que les 150.000 cheminots de France. C'est du moins ce qu'explique Sébastien Gasc, conducteur de train et secrétaire du secteur fédéral CGT des cheminots de la région de Dijon, dans la première partie de son interview...

Sébastien Gasc, bonjour. Pouvez-vous rappeler le contexte de cette grève, la plus longue qu'ait connu la SNCF ces dix dernières années?


"Dans le mouvement de grève, il y avait deux syndicats : CGT et Sud-Rail, qui n'étaient pas sur les mêmes modalités de préavis. Les organisations CFDT et Unsa, elles, n'étaient pas dans le mouvement. Quant aux personnels, tous n'étaient pas en grève : il s'agissait principalement des agents de conduite et des contrôleurs. Même si la CGT est majoritaire partout en France, nous ne sommes pas forcément majoritaires dans ces catégories de personnels-là partout. Là où nous sommes le plus implantés dans ces métiers, nous avons bien sûr eu les plus gros chiffres de grévistes : cela concerne tout le réseau sud-est et sud-ouest. Dans la région, nous avons eu en moyenne 50% à 60% de grévistes chez les agents de conduite et 60% à 70% chez les contrôleurs pendant quatorze jours.

Quelles étaient vos revendications?


Nous avions posé les revendications par métier, qui concernaient essentiellement l'emploi. Car il faut savoir que nous avons eu 20.000 suppressions de postes depuis 2002 à la SNCF, ou plus exactement de non renouvellement des départs à la retraite. Nous avons eu un budget présenté en début d'année qui annonce déjà 3.600 suppressions d'emplois pour 2010. La direction dit qu'elle fait des embauches mais elle ne compense pas tous les départs. Aux vues des restructurations qui sont prévues d'ici 2012, nous estimons qu'il y aura 8.000 suppressions d'emplois si la SNCF va au bout des projets qu'elle est en train de mener. Ce qui reviendrait sur la région de Dijon, qui englobe la Côte-d'Or, la Saône-et-Loire et la région Franche-Comté, à la suppression de 400 postes de cheminots.

Il semblerait que les motivations du mouvement se soient également portées sur les restructurations en cours et à venir de la SNCF?


Oui, car elles sont liées à l'emploi et nous pensons qu'elles mènent à la découpe de l'entreprise en filiale, voire à la privatisation à terme. Pour le moment, ces restructurations concernent notamment le Fret ferroviaire : l'entreprise est en train d'abandonner 60% de l'activité "wagon isolé" un wagon isolé, c'est par opposition à tout ce qui est "train entier" (une trentaine de wagons d'un seul et même chargeur). Très peu de sociétés en France sont en capacité de charger trente wagons pour faire un train entier car il s'agit de train qui font quand même 3.000 tonnes. Donc le wagon isolé est une activité importante en terme de volume mais la SNCF affirme qu'en terme de chiffre d'affaires, cela ne l'intéresse pas car cela rapporte moins.


C'est l'effet de l'ouverture à la concurrence avec d'autres opérateurs sur le Fret : ils se recentrent sur les activités les plus rentables. Alors qu'il y a d'autres choix possibles : un projet européen sur le wagon isolé, "Xrails" (voir le lien ci-dessus), regroupe huit opérateurs historiques sur onze pays. La SNCF faisait partie du projet à l'origine mais elle a annoncé qu'elle se retirait. C'est le seul opérateur historique européen à ne pas y participer. Après, la SNCF affirme qu'en 2020, elle va faire des autoroutes ferroviaires et des investissements. Mais les budgets pour cela ne sont pas avérés : l'État n'a pas dit qu'il paierait. Un milliard d'euros devrait être mis sur la table par la SNCF mais cet argent représente l'abandon du wagon isolé : les emplois qu'ils vont supprimer, c'est le milliard qu'ils mettront en 2020. Donc coût zéro pour l'entreprise et pour le reste, ce sont les collectivités territoriales qui vont financer les projets et non l'État.


Il faut noter également que ce choix d'abandonner l'activité de wagon isolé, c'est un million de camions de plus sur les routes. Sachant que le Grenelle de l'environnement (voir le lien ci-dessous) est force de loi aujourd'hui, avec des ambitions qui sont de réduire de 20% l'émission de gaz à effet de serre en ce qui concerne le transport, ce n'est pas logique... De plus, nous constatons aujourd'hui que depuis l'ouverture à la concurrence en France, l'opérateur historique et ses nouveaux concurrents sur le Fret se sont recentrés sur les marchés les plus rentables au détriment du volume et donc la part de transport routier ne fait qu'augmenter.

Au fond, vous n'êtes pas directement concernés par le Grenelle de l'environnement donc qu'est-ce qui vous gêne dans cette restructuration?

C'est l'idée de réduire la voilure pour en arriver petit à petit aux filiales. Et puis avant, les agents de conduite avaient une activité transverse en faisant des trains de voyageurs et des trains de Fret. Ce n'est plus le cas pour certains, entièrement dédiés au Fret. La prochaine étape que l'entreprise veut mettre en œuvre est de redécouper le personnel par produits : par exemple, ils disent que les agents de telle zone seront dédiés à la pétro-chimie. Dans le même ordre d'idée, le projet d'entreprise est également de mettre en place des établissements mono-activité et multi-métiers : dans certaines régions, ils sont en train de regarder pour mettre tous les personnels (agents de conduite, contrôleurs, agents de maintenance, etc) dédiés au TER par exemple, dans un même établissement. A terme, ils auront un établissement qu'ils pourront vendre clé en main à la concurrence. Ils préparent la filialisation et c'est une étape avant la privatisation !


Guillaume Pepy (ndlr : PDG de la SNCF) appelle d'ailleurs de ses vœux une loi qui ferait que si un concurrent remportait un appel d'offres dans une région, les personnels puissent être mutés chez le concurrent. Aujourd'hui, une telle situation n'est pas encore possible car il existe des conventions d'exploitation signées entre la SNCF et toutes les régions de France. Depuis trois ans, toutes ces conventions d'exploitation ont été renouvelées dans tout le pays. Pourquoi ? Parce que tout le monde en est satisfait : les usagers, les conseils régionaux et la SNCF. Les conventions TER par exemple ont en effet amené plus de TER, en répondant mieux à la demande de chaque région. Alors pourquoi changer quelque chose qui marche ? La concurrence ne sous-entend pas plus d'offre ni une meilleure tarification, comme on a pu s'en rendre compte avec les opérateurs téléphoniques..."

*Retrouvez vendredi 23 avril 2010 la deuxième partie de l'interview.

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