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Dijon / Bourgogne

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Billet de blog 22 octobre 2009

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" Travaille et stresse ! "

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Les difficultés d’ordre professionnel sont régulièrement abordées par les médias. France Télécom et sa vague de suicides sont dans tous les esprits. Ces derniers jours, Xavier Darcos, le Ministre du travail, présentait son plan d'urgence sur les risques psychosociaux dans le monde du travail. Concrètement, que signifie « être mal au travail » ? Pour répondre à cette interrogation, dijOnscOpe est allé à la rencontre d’acteurs dijonnais qui luttent au quotidien contre la souffrance au sein de l’entreprise...


Un état des lieux inquiétant


Selon l’Institut National de Recherche et de Sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS), on parle de stress au travail, « lorsqu’une une personne ressent un déséquilibre entre ce qu’on lui demande de faire dans le cadre professionnel et les ressources dont elle dispose pour y répondre ». Pour l’Agence Européenne pour la Sécurité et la Santé au Travail, « Le stress apparaît depuis une quinzaine d'années comme l'un des risques majeurs auquel les organisations et entreprises doivent faire face : un salarié européen sur cinq déclare souffrir de troubles de santé liés au stress au travail. » Environ 20 % des salariés européens estiment que leur santé est affectée par des problèmes de stress au travail, ce qui en fait l’un des principaux problèmes de santé au travail déclaré.

Stresser coûte cher


Autre chiffre alarmant : selon Karine Rossi, sophrologue en entreprise exerçant sur Dijon, le stress est à l’origine de 30 % du taux d’absentéisme, ce qui représente une somme non négligeable pour l’entreprise. L’INRS estime que le coût direct et indirect du stress s'évaluerait entre 830 et 1.656 millions d'euros par an, soit 10 à 20 % du budget de la branche maladies professionnelles de la Sécurité sociale. L’Agence Nationale pour l’amélioration des conditions de travail met ainsi en évidence la multiplicité des sources de tension : « Les causes du stress d'origine professionnel peuvent être multiples et sa prévention nécessite la mobilisation de tous les acteurs ». Selon Etienne Troubat, directeur de l’Association régionale pour l’amélioration des conditions de Travail en Bourgogne (ARACT) : " en 20 ans, les souffrances au travail se sont déplacées du champ physique au champ psychologique." Il évoque la dangerosité du stress à long terme : « c’est lorsque le stress est permanent qu’il est dangereux. »

Un manque de reconnaissance croissant


Il suffit d’interroger plusieurs travailleurs au hasard pour constater que la souffrance au travail est répandue et qu’elle touche tous les milieux professionnels. Céline, par exemple, est standardiste. Son entreprise connaît des difficultés financières. Elle vit avec l’angoisse quotidienne de se faire licencier du jour au lendemain: « j’ai le stress quotidien de perdre mon travail. Si mon entreprise ferme, je n’aurai pas de possibilités de reclassement. » Les travailleurs sont nombreux à évoquer des conditions de travail de plus en plus difficiles et un manque de reconnaissance. Ce manque de reconnaissance, Karine Rossi en a fait son cheval de bataille : « En France, les gens attendent une certaine reconnaissance qui n’existe pas. Dans cette logique de rendement à tout prix, on oublie que l’être humain a besoin de repos et d’être considéré ». Yves, technicien dans une grande entreprise, reconnait que cette non-considération constitue un problème : « la vision de mes chefs est très chiffrée. Souvent on nous dit qu’on ne sert à rien, qu’on est nuls. D’où un malaise grandissant ». Dommage car d'après Etienne Troubat, « la reconnaissance du travail et de la singularité des travailleurs réduit l’impact du stress. »

Une souffrance aux causes multiples


Pour ce spécialiste, la souffrance au travail a plusieurs origines : « les sources de stress sont aujourd’hui plus nombreuses qu’autrefois. On sait moins y faire face et la solidarité est moins présente. L’avenir des employés est de plus en plus incertain. De ce fait il y a un repli sur soi et une perte des repères ». Karine Rossi ajoute que le rendement à tout prix est une véritable source de tensions : « Il faut aller vite, faire bien, ne pas avoir de problèmes de santé ou avec ses enfants. Pour résumer : l’employé idéal est une machine ». Philippe Bernard, psychiatre, affirme rencontrer de nombreux fonctionnaires du service public en consultation. Ils sont un certain nombre à être soumis à des pressions de la part de leur employeur : « lorsque l’employeur veut se séparer d’un employé dans le secteur privé, il le licencie. Pour un fonctionnaire du public, c’est plus difficile. Il y a un harcèlement social, des pressions. De ce fait, ce sont eux qui viennent me consulter. »
Finalement, si auparavant la pénibilité physique du travail était mise en cause, de nos jours, la pression psychologique et la recherche de toujours plus de productivité sont visées. Faudrait-il des signaux forts comme ceux de France Télécom pour que des mesures de grandes ampleurs soient mises en œuvre ? Car nous ne sommes pas au bout si l'on considère les propos d'un syndicaliste de France Telecom :"le malaise au sein de mon entreprise est révélateur d’un problème de fond bien plus important." Bref, il semblerait que tout ne va pas s'arrêter là.

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