
"La plupart des trafiquants sont Noirs et Arabes : c'est comme ça. C'est un fait" : cette phrase, prononcée par le polémiste Éric Zemmour lors de l'émission "Salut les Terriens", diffusée le 06 mars 2010 sur Canal +, aura causé un remous médiatique sans précédent. Pendant presque un an, ses contempteurs l'ont poursuivi pour incitation à la haine raciale, tandis que ses défenseurs crient au bâillonnement de la liberté d'expression... Celle-ci, inscrite dans la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, a pourtant des limites bien définies par la loi : voilà ce qu'en a pensé la Justice, qui a condamné Éric Zemmour pour ces propos vendredi 18 février 2011. Néanmoins, sa liberté de parole semble aujourd'hui contrariée par les médias avec lesquels il collabore... Le monde à l'envers ? Rencontre avec Amélie Pommier, responsable de l'UNI-Dijon et coordinatrice du comité Dijon-Bourgogne de soutien à Éric Zemmour.
Genèse d'une saga
Éric Zemmour est polémiste, c'est-à-dire "un journaliste ridiculisant, en principe avec panache et esprit, ce qu'il estime constituer les travers de son temps", note Wikipédia (Lire ici). Et de préciser : "Le polémiste cherche moins à balancer habilement le pour et le contre d'une situation qu'à montrer de façon aussi violente que possible ce qu'elle a d'anormal". En principe avec panache et esprit... Cette nuance a déjà valu à Éric Zemmour de nombreuses confrontations sur les plateaux de télévision, comme avec le rappeur Joey Starr en septembre 2007. Alors que l'artiste déplorait que les cinémas et bibliothèques aient disparu des cités, ne restant plus que les commissariats, Éric Zemmour avait demandé : "Le reste a été brûlé, non ?" (Voir ici la vidéo). La discussion avait coupé court.
Le 06 mars 2010 sur Canal +, intervenant dans l'émission "Salut les Terriens", le polémiste coupe la parole au metteur en scène Bernard Murat qui expliquait que "se faire contrôler dix-sept fois par jour, ça change le caractère" pour affirmer : "Pourquoi on est contrôlé dix-sept fois ? Parce que la plupart des trafiquants sont Noirs et Arabes : c'est comme ça. C'est un fait" (Voir ici la vidéo). Cette fois, la phrase aura un retentissement beaucoup plus important.
En effet, au lendemain de cette déclaration, l'association SOS Racisme assigna Éric Zemmour à comparaître devant la justice le 29 juin 2010 pour diffamation raciale et incitation à la haine raciale... Le procès a cependant été repoussé du fait de la multiplication des constitutions de parties civiles - parmi lesquelles nombre d'associations antiracistes comme la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra), le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP), l'Union des étudiants juifs de France (UEJF) et l'association J'accuse...
Soutien ou dé-Zemmour ? Telle est la question
Dès lors, détracteurs et défenseurs du polémiste ont monopolisé l'attention médiatique à grand renfort de comités de soutien, de déclarations et... de tarte à la crème ! "Dès l'annonce du procès en 2010, Le Figaro, qui emploie Éric Zemmour comme chroniqueur, pensait l'écarter de la rédaction : nous avons manifesté notre mécontentement devant le siège du journal à Paris", explique Amélie Pommier, responsable de l'UNI-Dijon et coordinatrice du comité Dijon-Bourgogne de soutien à Éric Zemmour. Et d'ajouter : "Ce grand journal de droite voulait se mettre à genou devant le politiquement correct ! Une pétition a circulé et c'est ainsi que le mouvement de soutien est né".
A l'approche du procès, le vendredi 18 février 2011, plus de cinquante hommes et femmes politiques ont également rejoint le comité de soutien à Éric Zemmour. Parmi eux, on note la présence de Louis de Broissia (UMP), président du groupe Initiatives Côte-d'Or au conseil général, et d'Alain Suguenot, député-maire de Beaune et président de l'UMP 21... "Comment se fait-il que les jeunes issus de l'immigration soient plus contrôlés que d'autres ? C'est peut-être sociologique... Toujours est-il qu'Éric Zemmour a simplement rappelé les termes d'un rapport sénatorial qui expliquait cette situation", relève ce dernier. Et d'ajouter : "J'ai l'impression qu'une désagréable chasse aux sorcières est menée contre lui et la liberté d'expression : si on ne peut plus relater des faits quand on est journaliste, où va-t-on ?". "SOS Racisme donne l'impression de décider ce que l'on peut dire ou pas : ce règne du politiquement correct me choque", note Amélie Pommier. Interrogé par dijOnscOpe, François Patriat (PS), sénateur et président du conseil régional, n'a pas souhaité s'exprimer sur le sujet.
Outre la procédure judiciaire initiée par SOS Racisme, de nombreuses voix se sont également élevées contre les propos tenus par Éric Zemmour... Par des voies parfois physiques : lundi 07 février 2011, Noël Godin, auteur d'attaques célèbres contre Bernard-Henri Lévy ou Jean-Pierre Chevènement, entartait Éric Zemmour "au nom du peuple" alors qu'il se rendait à un rendez-vous (Lire ici LeParisien.fr)...
La liberté d'expression : un droit fondamental... encadré par des lois
Les défenseurs d'Eric Zemmour ont souvent dénoncé l'atteinte à la liberté d'expression du journaliste. Mais que dit vraiment la loi à ce sujet ? "Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit" : ainsi posés par l'article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, les fondements de la liberté d'expression n'ont pas de caractère restrictif.
Cependant, la Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, qui s'applique donc au journaliste Éric Zemmour, pose tout de même des limites à cette liberté. Son article 24bis précise en effet que ceux qui "auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, seront punis d'un an d'emprisonnement et de 45.000 euros d'amende ou de l'une de ces deux peines seulement".
Éric Zemmour a-t-il franchi la limite fixée par cette loi ? Oui, répond le tribunal correctionnel de Paris, qui l'a condamné vendredi 18 février 2011 à 2.000 euros d'amende pour provocation à la haine raciale. La justice a donc tranché ; mais "l'affaire Zemmour" ne s'est pas arrêtée là pour autant...
Bientôt une "double-peine" pour Éric Zemmour ?
"Après le tribunal, c’est maintenant au tour des syndicats de faire justice !", note un communiqué de presse de l'UNI transmis par Amélie Pommier. Ce même document précise que "les journalistes et techniciens CGT du groupe public demandent au président de France 2 de tirer toutes les conclusions de la condamnation du journaliste pour provocation à la haine raciale". Et de préciser : "Quelqu’un qui est condamné pour racisme n’a pas sa place sur les antennes de France Télévisions".
Chez RTL, radio pour laquelle il présente un édito tous les matins, "l’attitude de la direction est encore plus mesurée", note Gala.fr (Lire ici l'article). "Nous regrettons les propos d'Eric Zemmour. Ses interventions matinales sont encadrées et supervisées chaque matin par la rédaction. Nous lui avons demandé de veiller au respect des valeurs humanistes de la station", a-t-elle indiqué à Gala. Plus que la condamnation à 2.000 euros par le tribunal correctionnel de Paris, la liberté d'expression d'Eric Zemmour serait-elle donc davantage menacée par ses propres employeurs ?