
Épuisement prématuré du fonds de réserve des retraites, dépenses trop élevées lors de la campagne contre la grippe A, un musée national du Sport très coûteux mais au point mort depuis cinquante ans... Les critiques proviennent-elles d'un brûlot de l'opposition au gouvernement ? Il n'en est rien ! Au contraire, la source de ces informations est loin de tout soupçon partisan puisqu'il s'agit de la Cour des comptes, dont le rapport pour l'année 2011 a été rendu public jeudi 17 février 2011. dijOnscOpe a épluché le document : revue de quelques détails...
Le fonds de réserve des retraites s'amenuise... anormalement
L'enjeu l Le Fonds de réserve des retraites (FRR), a été créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. Il s’agissait alors de constituer une réserve de 150 millions d'euros destinée à contribuer, à partir de 2020, au financement des régimes de retraite. En effet, un "déficit prévisible" du système serait à prévoir à partir de cette date, comme le précise le rapport annuel 2011 de la Cour des comptes (Lire ici, page 122).
Les points qui fâchent l En juin 2010, les missions du FRR ont été profondément modifiées : le gouvernement a annoncé qu’il entendait "utiliser les ressources du FRR pour financer l’intégralité des déficits du régime général pendant la période de montée en charge de la réforme des retraites", remarque le rapport. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 a donc prévu que, désormais, le FRR devra verser annuellement, dès 2011 et jusqu’en 2024, un montant de 2,1 millions d'euros courants à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades).
Une mission qui ne lui était pas attribuée à l'origine, très inquiétante selon la Cour des comptes... "Sa réorientation témoigne de l'abandon d'une ambition de long terme cependant que sa transformation en pourvoyeur annuel de ressources pour la Cades risque d'hypothéquer la possibilité, pour l'établissement, d'atteindre une rentabilité satisfaisante", note-t-elle (Lire ici, page 122). En clair : l'argent prévu pour financer le futur déficit du régime des retraites est aujourd'hui utilisé pour soutenir les finances de la Cades... "Le FRR court aujourd’hui le risque de ne remplir aucune des fonctions qui avaient justifié sa création", s'alarme la Cour des comptes (Lire ici, page 137). Et de conclure : "Il convient d’éviter une hausse du montant ou une accélération des rythmes de versement à la Cades qui ne pourraient qu’aggraver une situation déjà compromise".
La campagne de lutte contre la grippe A (H1N1) trop coûteuse
L'enjeu l Le 11 juin 2009, l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qualifiait de pandémie l’épidémie de grippe A (H1N1) apparue un mois et demi auparavant ; le niveau maximal d’alerte correspondant à cette annonce a été maintenu jusqu’au 10 août 2010, date à laquelle le virus n’était plus jugé dominant et circulait aux côtés d’autres virus grippaux. "En France, l’épidémie aurait été directement responsable de 1.334 cas graves et de 312 décès en métropole, 342 en incluant l’outre-mer. Il semble que ce nombre de décès soit comparable à la moyenne basse des grippes saisonnières mais les victimes ont été plus jeunes et un nombre important de cas graves a été observé au cours de l’épidémie", relève le rappport 2011 de la Cour des Comptes (Lire ici, page 181). Surtout, L’un des faits marquants de la campagne de vaccination contre la grippe A (H1N1) fut sans conteste la réticence des Français à y adhérer... Selon ce même rapport, le nombre de personnes vaccinées n’a pas dépassé 5,4 millions, soit moins de 8,5 % de la population totale.
Les points qui fâchent l Pour tirer les enseignements de cette crise, la Cour des comptes a examiné sa gestion par le gouvernement, épinglant des choix stratégiques discutables et une politique trop dispendieuse... Tout d'abord, il était connu dès le 26 juin 2009 que le vaccin ne permettrait pas d'endiguer une vague pandémique et n'aurait donc qu'un intérêt individuel. "la mise en place d’une vaccination au-delà de trente jours suivant le début de la circulation active du virus en France aura un impact très limité sur l’évolution de la vague pandémique en cours en France, quelle que soit la population ciblée", relevait alors le Haut conseil de la santé publique, cité par le rapport (Lire ici, page 185).
La décision prise par le gouvernement d'entamer tout de même une campagne collective de vaccination, à l'encontre de ces remarques du Haut conseil, pourrait expliquer par la suite la note salée de la gestion de crise... A ce sujet, la Cour des comptes remarque que "la position défavorable de négociation dans laquelle se sont placés les pouvoirs publics a découlé entièrement de l’objectif de quantités de vaccins à acquérir entériné par le Premier ministre le 04 juillet 2009. Cette position de dépendance vis-à-vis des fournisseurs a sans nul doute été aggravée par l’absence de toute coordination, notamment européenne, entre les différents États demandeurs". Une situation qui a "amoindri les marges de négociations de l’Etat, en particulier s’agissant des prix et du conditionnement" (Lire ici, page 191). La Cour a enfin procédé à une évaluation des dépenses liées à la pandémie : elles s’élèvent à 662,6 millions d'euros alors que "si, d’une manière contestable, l’on ne retenait que le coût des vaccins effectivement utilisés pour vacciner, qui représentent moins de 15 % des vaccins achetés, le montant des dépenses serait réduit de plus de 300 millions d'euros", conclut le rapport.
Le soutien aux entreprises exportatrices : un dispositif à optimiser
L'enjeu l Ce point du rapport de la Cour des comptes commence par un constat : en 2009, 116.000 entreprises françaises ont exporté des biens et des services pour un montant de 346 millions d'euros. Au sein du commerce mondial, la part de marché de la France, désormais au cinquième rang, se dégrade depuis 1980. Rapportée aux exportations mondiales, elle est ainsi passée de 6 % en 1980 à 5,8 % en 1995 et à 3,7 % en 2009... En comparaison, la France exporte de l’ordre de deux fois moins que l’Allemagne, avec une tendance à la dégradation. L'enjeu de l'évaluation des politiques publiques en matière de leviers à l'export est donc de déterminer comment enrayer ce phénomène et mieux penser l'aide aux exportations...
Les point qui fâchent l "La volonté des pouvoirs publics d’une augmentation du nombre d’exportateurs de petite taille, exportant pour la première fois, n’est pas sans risques", remarque le rapport de la Cour des comptes (Lire ici, page 266). Et de préciser : "Une telle politique est potentiellement inefficace sur le plan macroéconomique, en raison de la faible contribution des PME aux exportations. Un tiers des entreprises exportatrices, et encore davantage pour les PME, n’exporte plus l’année suivante". Elle semble également risquée car elle pourrait conduire des entreprises dont la structure financière est insuffisante pour exporter à démarcher des contrats susceptibles de menacer la pérennité même de leur activité en cas d’échec...
Surtout, la Cour pointe des contradictions dans la gestion de la politique d'aide aux exportations : alors que les contrats passés par l'Etat imposent des clauses d'emploi et de production sur le territoire national, la volonté de remporter des grands contrats d’exportation impose parfois d'importantes "délocalisation de production et de transfert de technologie des clients" (Lire ici, page 273). Ainsi, la Cour des comptes demande que la politique d'aide aux entreprises soit repensée afin de penser à toutes les facettes de leur internationalisation et non plus à leur simple désir d'exportation (Lire ici, page 274).
Le musée national du sport, projet en phase d'endormissement...
L'enjeu l Le projet de création d'un musée national du sport, destiné à acquérir des objets retraçant l’histoire du sport et de perpétuer la mémoire des sportifs célèbres, remonte à 1922 mais est resté sans suite jusqu’en 1963. "Depuis, cet unique musée public français consacré au sport a réuni, sans disposer d’une stratégie d’acquisition clairement délimitée, une collection considérable qui atteint aujourd’hui environ 600.000 objets et documents", indique le rapport 2011 de la Cour des comptes (Lire ici, page 681). Parmi les objets les plus prestigieux qu’il détient, on notera par exemple la coupe des premiers jeux olympiques d’Athènes en 1896, les gants de boxe de Marcel Cerdan, les télégrammes de Maurice Garin, premier vainqueur du Tour de France, l’armoire de Gambetta dotée d’installations gymniques, le piano de Pierre de Coubertin ou encore la torche des jeux olympiques de Berlin en 1936...
Les points qui fâchent l "Faute, depuis près de cinquante ans, d’avoir pu trouver une implantation immobilière permettant d’exposer sa collection, seule une part infinitésimale de celle-ci - de l’ordre de 0,05% des pièces recensées - est aujourd’hui présentée à un public très limité dans des locaux provisoires, réduits et coûteux", soulève le rapport de la Cour des comptes. Depuis juillet 2008, le musée est parvenu à présenter quelques éléments de sa collection dans des locaux, appelés "vitrine", situés avenue de France, à Paris, au rez-de-chaussée de l’immeuble où sont installés le secrétaire d’Etat et les services chargés des Sports. Coût des travaux d'aménagement : 4,4 millions d'euros, pour un nombre d'objets exposés inférieur à 350...
Face à cette situation et malgré la signature d'un protocole d’accord sur l’implantation du musée à Nice le 27 mai 2010, la Cour des Comptes demande à ce que les coûts très élevés de la "vitrine" soient réduits, au contraire de quoi "il conviendrait de s’interroger sans délai sur l’avenir de ce musée" (Lire ici, page 690).
- En bref, le rapport annuel 2011 de la Cour des comptes
L'agence nationale de la recherche peut faire des progrès l Créée en 2005, l’Agence nationale de la recherche (ANR) a pour principales missions de financer et promouvoir le développement des recherches fondamentales, appliquées et finalisées, l’innovation et le transfert technologiques ainsi que le partenariat entre le secteur public et le secteur privé. L’agence dispose, depuis 2006, d’un budget d’intervention annuel d’environ 800 millions d'euros. La Cour des comptes remarque que l'ANR a des progrès à réaliser en terme de pertinence dans le choix des dossiers (Lire ici, page 340) ou encore de pérennisation des contrats en CDD dans les laboratoires (Lire ici, page 343).
Les avantages SNCF des militaires remis en question l Depuis le XIXème siècle, les militaires en position statutaire d’activité bénéficient d’une réduction tarifaire de 75 % – le "quart de place" – pour leurs déplacements en chemin de fer, qu’ils soient d’ordre professionnel ou privé. L’Etat compense la charge financière de cette réduction par un versement annuel à la SNCF, dont le montant, en croissance significative depuis quelques années, s’est élevé à 192,4 millions d'euros en 2009 selon la Cour des comptes. Dans son rapport annuel 2011, celle-ci remarque que l'absence de contrôle interne pour la délivrance des titres de transport (Lire ici, page 615) entraîne de nombreuses fraudes (Lire ici, page 613) et apparaît comme "un héritage de l’histoire, inadapté au contexte actuel" (Lire ici, page 622).
Le Grand port maritime de Marseille miné par les mouvements sociaux l "Premier port français, premier port méditerranéen et troisième port mondial pour le pétrole : ces classements paraissent flatteurs. Pourtant, le port de Marseille fait face à de difficultés graves et récurrentes. Si ses résultats financiers, assurés par le trafic des hydrocarbures, demeurent convenables, il ne cesse, dans un contexte de plus en plus concurrentiel, de perdre des parts de marché dans presque tous les secteurs d’activité" : cette introduction de la Cour des comptes ne laisse pas de place au doute... L'avenir du Grand port de Marseille est menacé. Malgré de nombreux avantages dus à sa situation géographique et ses coûts de passage (Lire ici, page 336), le port souffre d'un trafic inférieur à ses concurrents européens (Lire ici, page 337). Principal handicap pointé par le rapport de la Cour des comptes : les conflits sociaux nombreux qui rythment la vie du port, renvoyant une "image sociale négative à ses clients et pesant lourdement sur son avenir commercial" (Lire ici, page 340).