Depuis quelques jours, rien ne va plus dans la sphère médiatique locale. Pour commencer, vous, lecteurs de dijOnscOpe, savez déjà que le procès qui oppose votre journal en ligne au groupe Ebra s'est déroulé au tribunal de Nancy lundi 18 octobre 2010, le délibéré étant attendu le 06 décembre. Le même jour, notre confrère Rue89.com publiait un article détonant sur la gestion de Voo TV et le conseil régional de Bourgogne débattait sur une subvention à apporter ou non à la chaîne dijonnaise. Depuis, la mairie de Dijon a rédigé un droit de réponse et un groupe facebook - "Je suis pour la transparence de Voo TV", est né. Mais ce n'est pas tout : Dijon-Beaune Mag s'y met aussi et livre un article publié dans le dernier numéro du magazine, dans lequel il explique que sa société d'édition, Studio.Mag, mène une action en justice... contre le groupe Ebra ! Bref, l'ambiance est à la fête à Dijon...
Quand les médias font l'actu...
Habituellement, chacun cuisine sa petite recette personnelle : plus ou moins à base de compromis commerciaux et politiques, plus ou moins épicés de moments économiquement difficiles... Tant que la mayonnaise prend, tout va bien. Mais parfois, comme ces temps-ci, le menu se révèle explosif. Ainsi, commençons par le début d'une semaine riche en rebondissements...
Chronologie d'une guerre fratricide : toutes les affaires, heure après heure, jour après jour
- Affaire dijOnscOpe / Le Bien public & Journal de Saône-et-Loire : Un air de déjà vu...
- Lundi 18 octobre l 9h : Début du procès de fond au tribunal de grande instance de Nancy opposant dijOnscOpe aux SA Le Bien Public et Les Journaux de Saône-et-Loire (groupe Ebra). En rentrant, Sabine Torres, fondatrice et directrice du journal, publie un article intitulé Scoop : "dijOnscOpe remplit ses colonnes avec les articles du Bien Public !", et note que "selon nos accusateurs, les effectifs de dijOnscOpe seraient si dérisoires que nous serions contraints de piller nos confrères pour parvenir à publier six éditions quotidiennes par semaine. Effectivement, nos 8.157 articles originaux édités sur le site depuis sa mise en ligne le 1er septembre 2009 ne suffisent pas en soi..." (Lire ici notre article). Et de préciser : "Méchant dijOnscOpe, dont "les pratiques dangereuses" menacent "la survivance de la presse quotidienne régionale", rien de moins, selon Me Jean-Michel Brocherieux" (ndlr : avocat du groupe Ebra). Après moults rebondissements, l'affaire qui a commencé au mois de mai dernier devrait se dénouer le 06 décembre prochain, jour prévu du délibéré...
- Affaire Voo TV / Rue89.com / mairie de Dijon / conseil régional de Bourgogne / Facebook : Internet s'en prend à la télé !
- Lundi 18 octobre l 11h25 : Le site d'informations Rue89.com publie un article sans langue de bois relatif à la gestion de la chaîne Voo TV : A Dijon, François Rebsamen pratique l'ouverture télévisuelle (Lire ici l'article). Au sujet du sénateur-maire de la ville, du nouveau directeur général, Jean-Louis Pierre (ndlr : ex-rédacteur en chef du Bien Public), et du nouveau président de la chaîne, Patrice Tapie (ndlr : par ailleurs président de la CGPME en Côte-d'Or), les journalistes évoquent des "bords idéologiques différents", en précisant que "les trois seraient liés par des intérêts politiques et économiques. Ce qu'ils nient vigoureusement. Mais pourquoi disent-ils tout et son contraire sur ces nominations, l'état financier de la chaîne et ses relations avec la ville de Dijon ? Etude de mœurs sur la gestion d'un baron socialiste en son fief"... Le ton est acéré et se concentre donc sur d'éventuelles pressions exercées par la mairie de Dijon sur Voo TV... Réactions en chaîne.
- Lundi 18 octobre l Dans l'après-midi : A l'occasion de la session plénière démarrée dans la matinée, les élus du conseil régional de Bourgogne (CRB) débattent de la subvention annuelle de 133.000 euros à attribuer ou non à Voo TV. Pour le groupe d'opposition (UMP/Nouveau centre) Bourgogne dynamique, il n'est pas question de voter la subvention : "Cette télé locale privée, largement subventionnée, n'apporte pas pour nous pleine satisfaction. Premièrement, elle ne respecte pas le cahier des charges du CSA qui oblige à deux heures de programmes frais chaque jour. (...) Ensuite, avec les méthodes de TNT actuelles, elle n'émet que sur 40% du territoire dijonnais : depuis deux ans, elle nous promet un élargissement de la couverture mais avec quelles finances ?".
Michel Neugnot, vice-président du conseil régional, répond avoir eu les mêmes questionnements : "Vous avez constaté comme nous que nous arrivons en fin d'année et que nous n'avions pas encore voté cette subvention, tout simplement parce que le calage de la mise en place de cette télévision demandait quelque temps et que nous avons décidé d'y aller qu'à partir du moment où les choses rentreraient dans l'ordre et démarreraient. Vous avez dit, à juste titre, que se posait jusqu'à présent un problème de diffusion. Nous avons eu quelques réunions - plusieurs membres du conseil régional participent au conseil d'administration de la chaîne, où nous avons eu des explications qui portaient d'une part sur le fait que Demain Tv s'est retiré et qu'il fallait donc trouver un autre partenaire du capital. D'autre part, il y a des négociations en cours pour que l'émission de la chaîne soit sur un réseau plus large que l'agglomération dijonnaise. Des assurances sont données, notamment avec la généralisation de la TNT en Bourgogne, le 16 novembre prochain. Et puis il y a une négociation avec Orange TV pour que ce soit aussi sur le bouquet d'Orange, avec une diffusion plus large que la Bourgogne elle-même. C'est donc avec ces assurances, que nous n'avions pas auparavant, que nous avons décidé de nous engager et de verser cette subvention. Donc vos remarques sont justifiées pour autant que nous n'avions pas de réponses à nos interrogations qui sont aussi les vôtres. Nous les avons eues".
- Mardi 19 octobre l Dans la journée : Le groupe Facebook "Je suis pour la transparence de Voo TV" est créé. Description du groupe : "Voo TV est un nouveau média bourguignon. Une télévision locale dont les téléspectateurs sont en quelque sorte propriétaires (financement largement public). Nous souhaitons une télévision au financement transparent et au fonctionnement basé sur la déontologie et l'ouverture aux opinons de tous". A partir de là, une vraie campagne est orchestrée...
En ligne figurent notamment les lettres d'Eric Nicolier, journaliste indépendant et animateur du blog Presse-papier.info, envoyées aux cinq députés de Côte-d'Or : Alain Suguenot (UMP), François Sauvadet (Nouveau centre), Rémi Delatte (UMP), Claude Darciaux (PS), Bernard Depierre (UMP). Extraits : "Des faits graves attesteraient d'une collusion entre la télévision locale Voo TV, d'une part avec la municipalité dijonnaise et d'autre part, avec la présence forte en son sein de M. Patrice Tapie, président de la CGPME. Cette situation interroge très vivement sur les risques pour l'indépendance de ce média à l'égard des pouvoirs politiques et économiques. Elle interroge aussi sur la crédibilité du contenu rédactionnel de Voo TV. Il ne s'agit pas de jeter l'opprobre sur la qualité et l'honnêteté de toute l'équipe de Voo TV. Au contraire, chacun peut juger de son professionnalisme. Toutefois, le mode de financement de cette chaîne à sa création ne jette-t-il pas la suspicion sur son fonctionnement, comme semble l'indiquer l'article de Rue 89 ?".
Par ailleurs, le blogueur n'hésite pas à demander qu'en tant que parlementaires de la Côte-d'Or, tous expriment "à minima" une opinion, "voire pourquoi pas faire le relais d'une question écrite au gouvernement qui porterait sur la comptabilité du financement d'un média local par des collectivités territoriales avec l'indépendance de ce média. Ne serait-il pas nécessaire que le législateur interdise cette pratique ?". Vendredi 22 octobre à 8h42, après seulement trois jours d'existence, 914 membres faisaient partie du groupe...
- Mercredi 20 octobre l 17h : Rue89.com publie le droit de réponse rédigé par la mairie de Dijon. Extraits : "Au-delà des attaques personnelles et des insinuations malveillantes qui n'honorent pas les auteurs de cet article, la ville de Dijon dénonce l'interprétation qui est faite du rôle que tiennent les collectivités dans le soutien à la chaîne de télévision locale Voo TV à Dijon. (...) Ainsi, le conseil d'administration de Voo TV a pris la décision, à l'unanimité en juin dernier, de nommer Patrice Tapie, à titre bénévole, à la fonction de président de la chaîne en remplacement du président démissionnaire pour raison de santé. Face aux difficultés économiques que rencontraient Voo TV à l'époque, le conseil d'administration a également pris souverainement et à l'unanimité la décision de renforcer l'équipe de la chaîne en faisant appel aux compétences et à l'expérience d'un homme de médias et d'un véritable gestionnaire, profitant de la disponibilité de Jean-Louis Pierre qui quittait le quotidien régional le Bien Public dont il était depuis de nombreuses années le rédacteur en chef. En effet, la présentation des résultats du premier exercice comptable et des 6 premiers mois de l'année 2010, laissait clairement apparaître la faiblesse des ressources publicitaires. (...) La ville de Dijon et les collectivités resteront attentives au respect des engagements de Voo TV et à son développement, convaincues qu'un service de télévision locale est un élément moteur pour les territoires et apporte de réels services aux habitants" (Lire ici le courrier de la mairie).
- Jeudi 21 octobre l Dans l'après-midi : Joint par téléphone, Max Rebouillat, actuel directeur délégué de Voo TV (ndlr: ex-directeur général de la chaîne), accepte de réagir sur l'article de Rue89.com, notamment sur le passage où François Rebsamen reproche "les dépenses de luxe" à l'ancienne direction, menaçant de donner "des suites à tout ça", afin de voir "d'où vient le déficit": "Dès le départ, je savais que ce serait compliqué. Il y a eu ce problème de diffusion avec l'émetteur de Chenôve... C'était difficile de réaliser de la publicité dans ces conditions, d'autant plus que le marché publicitaire à Dijon n'est pas extensible. Mais j'ai serré les charges le plus possible pour rester dans un budget de résultat. J'ai géré au plus serré car mon travail était de respecter le budget. A la moitié de l'année, fin mai 2010, nous étions dans le budget prévu en terme de résultat... C'est pour cela que j'étais choqué d'entendre parler de dépenses luxueuses ; d'ailleurs, je n'ai pas eu l'occasion d'en parler avec François Rebsamen. En tout cas, si l'on me reproche cela, c'est parce que l'on ne s'est pas intéressé à la façon dont je gérais la chaîne : c'est bien la preuve qu'il n'y a pas eu de pressions ! Tant que j'ai géré la rédaction, il n'y a pas eu de pressions sur la ligne éditoriale de Voo TV".
Quant au recrutement de la fille du directeur de cabinet de François Rebsamen, Thierry Coursin, Max Rebouillat affirme l'avoir embauchée après son stage à Dijon Première : "Elle a passé un recrutement normal et elle a été retenue. En tout cas, je n'ai jamais reçu un coup de fil de son père ; mais cette histoire me gêne : cette jeune femme fait son travail tout à fait bien...".
- Affaire Bourgogne Magazine (Studio.Mag) / En Bourgogne (L'Alsace-Ebra-Crédit mutuel) : Ca repart !
- Mardi 19 octobre / Dans la matinée : Dijon-Beaune Mag met en ligne son dernier numéro sur son site internet, dans lequel figure l'article Ebra... cadabra : "Ce qui se passe actuellement dans les rédactions des quotidiens d'une grande partie de l'Est de la France est un mystère. Mais l'émergence du groupe Ebra, dont on mesurera à terme la réalité et l'influence, n'est pas sans incidence sur le petit monde de la presse régionale. Y compris chez nous !" (Lire l'article ici).
Et d'expliquer le fond de l'affaire : "Studio.Mag, qui édite Dijon-Beaune Mag, n'est pas en reste dans ce débat, qu'on se rassure. Notre société est aussi éditrice de la revue de territoire Bourgogne Magazine, qui existe dans les kiosques depuis 1995. Après avoir tenté de récupérer à vil prix ce magazine à une période où cela aurait été possible, le groupe L'Alsace (autre propriété du Crédit mutuel et donc dans le giron d'Ebra), a décidé de lancer le magazine En Bourgogne en octobre 2008. Quelque peu déconcertés, de nombreux lecteurs et annonceurs historiques de Bourgogne Magazine ont témoigné et témoignent encore de la confusion que cette initiative a fait naître. Là aussi, une procédure est en cours, s'appuyant sur quelques jurisprudences et dans le but de mettre un terme à une agressivité dont on ne comprend pas bien le sens (et encore moins l'intérêt économique), tant il semble que le groupe Ebra a bien d'autres chats à fouetter en ce moment...".
L'avocat de Studio.Mag, Me Alexandre Misset, confirme l'action en justice menée contre le magazine En Bourgogne pour concurrence déloyale, affirmant que "la ligne éditoriale d'En Bourgogne est identique à celle de Bourgogne Magazine, de même que le titre et la pagination sont similaires : le même type de lecteurs est visé". L'audience est prévue le jeudi 28 octobre 2010...
Pouce !
Remercions finalement notre confrère Alternatives économiques qui, à l’occasion du trentième anniversaire de sa naissance à Dijon, nous invite à une trêve journalistique locale le temps d’un débat le 17 novembre prochain sur le thème : "Les transformations des médias menacent-elles l’information ?"*. La question reste ouverte mais une chose est certaine : l’exacerbation des antagonismes médiatiques ne servira pas la liberté de la presse et encore moins la crédibilité de l’information régionale. Car au final, que retiendront nos lecteurs ?...
- infOs pratiques :
Conférence-débat mercredi 17 novembre 2010, de 18h30 à 20h30, au Palais des Etats de Bourgogne, mairie de Dijon.
Inscription : 30ans@alternatives-economiques.fr / 01 44 88 58 85.