
L'ancien premier ministre a clairement tenu un discours de campagne à l'occasion de sa visite à Dijon jeudi 22 avril 2010. Invité par la CGPME de Côte-d'Or à échanger avec les entrepreneurs locaux tout au long de la journée et reçu par le sénateur-maire de Dijon, François Rebsamen, et le président du conseil régional Bourgogne, François Patriat, Dominique de Villepin a verrouillé sa cible sur l'action du gouvernement et du président de la République... Mais avant de repartir sur Paris, ce dernier est tout de même passé voir rapidement les adhérents locaux du Club Villepin. Une réunion interdite d'accès aux médias, afin de préserver l'identité de ses membres, à laquelle dijOnscOpe a finalement pu assister...
De nouveaux copains à Dijon...
"J'ai l'impression que François Rebsamen a l'occasion de filer un coup de main à un opposant à Sarkozy (ndlr : Nicolas)...", estime, un peu amer, un acteur de la politique locale. Il faut dire que le sénateur-maire de Dijon a particulièrement bien reçu Dominique de Villepin, en tête-à-tête d'abord, puis dans la salle de Flore en mairie, où se déroulait l'échange avec la CGPME de Côte-d'Or, avant de rejoindre le déjeuner-débat organisé au restaurant étoilé Le Pré aux Clercs. En fin de journée, c'était au tour de François Patriat, président tout juste réélu du conseil régional de Bourgogne, de recevoir l'invité du jour à Dijon...
"C'est triste de voir s'associer un homme politique de droite avec des hommes politiques de gauche", continue l'interlocuteur, souhaitant rester anonyme. Pas sûr pourtant que Dominique de Villepin ait émis des réticences à visiter ses collègues de l'UMP ; il s'agirait plutôt du contraire : François Sauvadet n'aurait tout simplement pas souhaité lui ouvrir la porte du Conseil général de Côte-d'Or... Quant à Rémi Delatte et Bernard Depierre, les deux députés côte-d'oriens auraient été assez frileux de se montrer aux côtés de l'ex-premier ministre : "Ils nous ont appelés cette semaine pour savoir s'ils pouvaient passer nous voir dans la journée et bien sûr, nous leur avons répondu positivement. Mais vous voyez, finalement ils ne sont pas venus...", note un responsable parisien du Club Villepin.
... Un adversaire à Paris
Qu'auraient-ils pu penser du discours de Dominique de Villepin ? Ce dernier n'a en effet pas tellement mâché ses mots sur la politique menée par l'actuel gouvernement, réagissant notamment au discours de "surenchère sécuritaire" tenu par Nicolas Sarkozy mardi 20 avril 2010 en Seine-Saint-Denis. En insistant notamment sur la burqa, que le président de la République a annoncé mercredi vouloir interdire dans tout l'espace public : "Pourquoi choisir une interdiction générale qui va diviser la classe politique et la société française pendant de longs mois alors qu'une interdiction dans les services publics aurait été à la fois efficace et rassembleuse ?".
De même, l'ex-premier ministre a critiqué l'idée émise ces derniers jours par le président français, de généraliser la suppression des allocations familiales aux parents dont les enfants sont régulièrement absents, de manière injustifiées, à l'école : "Pourquoi choisir cette option au lieu d'accompagner les familles en difficultés qui, dans certains quartiers, sont confrontées à de vrais problèmes? Avec le risque, dans une famille de cinq enfants, de voir les petits derniers payer pour la bêtise des aînés...". Dans la même optique, les thèmes du bouclier fiscal, du débat sur l'identité nationale ou encore du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux à la retraite ont été évoqués devant les médias.
Des visages sans noms
Devant la quarantaine d'adhérents côte-d'oriens du Club Villepin rejoints en fin de journée, l'ex-premier ministre a tenu à peu près le même discours : "Faut-il ajouter de la polémique là où nous pourrions trouver des solutions ? Je crois que l'esprit de tout cela n'est pas bon. A vouloir diviser l'ensemble des Français, à vouloir politiser l'ensemble des sujets, on finit par perdre l'essentiel et le résultat, c'est que nous sommes affaiblis quand il s'agit de discuter des sujets tels que les retraites ou la protection sociale. Ces deux années qui nous restent, ces deux années consacrées à faire des choix décisifs pour la France, je crains que de polémique en polémique, on ne resserre pas les rangs d'une majorité aujourd'hui inquiète, du moins pas par l'équilibre et le rassemblement mais par la surenchère. Ce qui n'est jamais de bon conseil en politique...".
Organisée dans le jardin d'une propriété privée au cœur du vignoble bourguignon, l'entrevue avec les adhérents ne dure que quelques instants, le temps du discours, de quelques poignées de mains et de photos-souvenir. L'ambiance est particulièrement détendue et Dominique de Villepin semble ravi de voir se constituer petit à petit son armée. Mais encore faudrait-il qu'elle sorte de l'ombre... Ayant obtenu le droit d'y assister, la consigne est néanmoins claire pour dijOnscOpe: pas de prise de note ni de photos afin de ne pas effrayer les adhérents qui ne souhaitent pas tous révéler leur identité."Certaines personnes travaillent dans l'administration et elles craignent des représailles", chuchote-on. Un autre : "Vous vous rendez compte que d'une certaine manière, on doit se cacher ! Et dire que nous sommes en démocratie...".
Celui qui a marqué l'Histoire...
"Je crois que c'est exagéré, moi-même je travaille pour une mission intergouvernementale !", souligne Manuel Demougeot, désigné co-président du Club Villepin en Côte-d'Or avec Jean-Loup Coornaert début avril 2010. Selon lui, le club compteraient une centaine d'adhérents en Côte-d'Or et à peu près autant en Saône-et-Loire : "Cela progresse très vite ; le club n'existe en effet que depuis trois ou quatre mois et les adhésions augmentent chaque jour. Ce sont des orphelins du gaullisme, du centrisme et d'autres qui ont été marqués par le discours du Premier ministre à l'ONU en 2003. Et puis j'ai beaucoup entendu aujourd'hui le fait qu'il est un homme de lettres. Je crois que cela compte beaucoup".
Discours présidentiable
Le nombre d'adhérents doit impérativement augmenter selon l'ex-Premier ministre : "Le dernier message que je voudrais vous donner aujourd'hui, c'est que lorsqu'on veut s'affirmer en politique, il faut le faire aussi à travers son engagement et sa présence. Nous avons un rendez-vous important le 19 juin, aussi je compte sur votre présence à vous tous et j'espère que vous ferez des petits entre-temps. Parce que nous avons besoin de montrer cette capacité à compter, à peser et à vouloir faire de la politique différemment. Je le dis maintenant depuis de longs mois, il faut offrir au sein même de la majorité, une alternative. Il faut être capable de montrer qu'il y a un autre chemin que celui qui est pris aujourd'hui, qui conduit à l'impasse puisqu'on voit qu'il ne donne pas les résultats espérés et qu'il ne rassemble pas les Français.
Il n'est pas trop tard, il ne faut pas désespéré de la politique, il faut tout simplement marteler notre message avec force et conviction. Il faut montrer que nous sommes aujourd'hui capables de faire nombre, là où s'exprime l'abstention et le désarroi dans un certain nombre de grandes formations. Ce message est un message fort, qui peut modifier l'équation politique. Un simple débat télévisé est bien en train de bouleverser l'histoire britannique. Il suffit d'un tiers que l'on découvre, qui peut-être parfois plus sensé que les leaders traditionnels et tout à coup, on découvre un nouveau visage, une nouvelle façon de faire de la politique. Je pense que tout ceci est bien dans l'esprit de tout ce qu'il nous faut faire ; il faut s'appuyer sur les convictions qui sont les notres ; il faut se servir de notre capacité à créer la surprise et du rassemblement. Le faire avec beaucoup de calme et ne céder à aucune polémique. Avançons avec notre détermination sans faille à défendre nos idées."
Aussi, pour ceux qui douteraient encore de la volonté de Dominique de Villepin à créer son parti en dehors de la majorité présidentielle, un interlocuteur, anonyme toujours, confirme l'hypothèse : "Moi j'ai entendu qu'il s'agissait d'un parti libre et indépendant donc je ne pense pas que le parti s'inscrira dans l'UMP"... Réponse définitive 19 juin 2010.
