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Billet de blog 26 janvier 2010

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Bientôt un ministre des droits de l'Homme en France?

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Vendredi 15 janvier, Science Po Dijon organisait une rencontre avec Michael Kocáb, Ministre des droits de l’Homme de la République tchèque, ainsi qu’un débat sur le thème : "Pourquoi un ministre des droits de l’homme dans un pays européen aujourd’hui ?" Un débat animé par Richard Descoings, Directeur de Sciences Po Dijon, en présence de Safia Otokoré, vice-présidente du Conseil régional de Bourgogne, et de Pavel Fischer, Ambassadeur de la République tchèque. L’occasion pour dijOnscOpe de s’interroger sur le rôle et l’utilité d’un Ministre des Droits de l’Homme alors que le gouvernement français a supprimé le secrétariat des droits de l'homme en juin 2009...

Un ministre rock'n' roll


Michael Kocáb a su séduire l’auditoire, essentiellement composé d’étudiants et lycéens, par son humour et son ouverture d’esprit : "Je ne suis qu’un praticien qui a fini dans la politique par un hasard de circonstances. A l’origine, j’étais musicien de rock métal. Actuellement, je ressemble plutôt à Ozzy Osbourne fatigué !" L’homme a ensuite raconté ses débuts en politique, lors de la révolution de Velours (en 1989, il est l’un des fondateurs de l’initiative civique Most, qui cherche à favoriser le dialogue entre les dissidents et les autorités du régime communiste.) Sans langue de bois, Michael Kocáb n’a pas cherché à cacher les difficultés de son métier : "J’ai pris ce poste et je ne le regrette pas, bien que ce soit très difficile."

Quel intérêt d'avoir un ministère des droits de l’Homme ?


Le ministre a aussi expliqué l’importance du ministère des droits de l’Homme en République tchèque : "Après le passage dans la démocratie en 1989, nous avons créé une agence spécifique pour les droits de l’Homme et l’égalité entre hommes et femmes. Au début des années 1990, nous avons vu apparaitre la naissance du milieu associatif. Nous avons aussi dû nous occuper de nouveaux problèmes liés aux Roms, faire face à la croissance dans le domaine de la consommation de stupéfiants et à l’apparition des premiers SDF. Toutes ces problématiques et d’autres ont été confiées à cette agence. Petit à petit, elle fut transformée en ministère." Et de rappeler que les lois sont parfois difficiles à appliquer : "Ce ministère est important. Nous avons une très bonne législation, il n’y a aucune ségrégation. Mais l’application du cadre législatif ne se fait pas toujours comme il le devrait."
Comment gérer le conflit d'intérêt ?


Le public présent a ensuite questionné le ministre sur les dérives possibles de l'atteinte aux droits de l’Homme dans un contexte d’hyper-présidentialisation. Si le ministre s’est dit incapable de s’exprimer sur la situation en France, il n’a pas hésité pas à évoquer celle de son pays : "Je n’hésite pas à dire les choses telles qu’elles sont. Notre président "surutilise", "surabuse" lui aussi de ses compétences. Souvent, il présente ses opinions comme s’il s’agissait de celles de l’Etat tout entier." De jeunes étudiants ont également interrogé l’homme politique sur les conditions des Roms en République tchèque. Des conditions relativisées par l’homme politique : "Dans notre pays ainsi qu’en Slovaquie, les Roms ne sont plus des gens itinérants contrairement à beaucoup de pays. En Roumanie, par exemple, ils sont coupés des villes et n’ont pas accès à l’éducation. J’ai voyagé dans plusieurs pays de l’ex-Europe de l’Est et j’ai pu constater que leur situation est souvent plus précaire." Il est cependant bien conscient que beaucoup de choses restent à faire pour cette population.

Des convictions contrecarrées...


Après le débat, un monument à la mémoire de Jan Palach, étudiant hongrois qui s’immola par le feu pour protester contre l’occupation soviétique le 16 janvier 1969, est inauguré au sein de Science Po. Michael Kocáb, visiblement ému a honoré sa mémoire : "Il voulait apporter le témoignage totalement désespéré d’un être humain pour dire qu’il y a des choses qu’on ne peut accepter à aucun prix. L’acte de Jan Palach est un acte que les politiques atteignent rarement : celui de la vérité et du courage." A cette occasion, Richard Descoings a aussi rappelé la difficulté d’aller jusqu’au bout de ses convictions : "Jusqu’à quel point peut-on définir nos convictions ?" Et de rappeler que cette question est bien actuelle lorsque l’on parle par exemple de la Chine et du Tibet. Interrogé sur les difficultés des hommes politiques à concilier intérêts économiques et droits de l’Homme, Michael Kocáb déclare : "En tant que rockeur, je peux dire ce que je veux ! Si quelqu’un m’interpelle, je parle de manière assez ouverte même si après, j’ai quelques soucis. J’ai déjà transgressé les règles du politiquement correct et j'ai eu une note de l’ambassade. D’autres ministres sont chargés de parler de manière diplomatique."

Un ministère des droits de l’Homme en France : utile ou non ?


En France, après deux ans de service, le secrétariat d’Etat aux droits de l’Homme a disparu après le remaniement ministériel de juin 2009. Questionné sur l’utilité ou non d’un secrétariat d’Etat aux droits de l’Homme en France, Michael Kocáb n’a su que répondre : "Je n’ai pas de réponse concernant la France. L’intérêt d’un tel ministère dépend de la situation du pays". A ce sujet, Francis Perrin, l’ancien président d’Amnesty International France et actuel membre du bureau d’exécutif n’a pas de parti pris : "Nous n’avons pas de position sur cette question. Il y a deux possibilités : soit il y a un ministère ou un secrétariat d’Etat dévolu aux droits de l’Homme, soit il n’y a pas de structure mais la question des droits de l’Homme est prise en compte par l’ensemble des ministères. Amnesty ne dit pas que l’une ou l’autre des options est meilleure."

Selon Francis Perrin, "L’expérience montre que même s’il y a un ministère, il peut endormir la vigilance des associations. Les gouvernements doivent prendre en compte les droits de l’homme en matière de politique intérieure et extérieure. La façon dont ils le font n’a pas d’importance, ce n’est pas parce qu’il y a un ministère que c’est mieux. » Il rappelle toutefois qu’en terme de droits de l’Homme, ministère ou pas, des efforts restent à faire en France : "En ce moment, c’est très insuffisant : la situation des demandeurs d’asile et migrants est déplorable. Leurs droits ne sont pas garantis. Les violences policières sont également à déplorer. Même s’il n’ya a pas de statistiques, l’existence de ces violences est inacceptable. Sur le plan de la politique étrangère, un diplomate doit parler haut et fort sur la question des droits de l’homme en Chine et ailleurs. Les autorités françaises nous rappellent que la France est la patrie des droits de l’homme donc il faut en porter hauts les couleurs."

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