
Pas toujours facile de parler de l’ l'interruption volontaire de grossesse (IVG)... Cela fait à présent 35 ans que la pratique est légalisée mais le sujet reste tabou en France. En ce jour anniversaire, dijOnscOpe vous dresse un état des lieux de la situation de l’avortement en France et en Bourgogne.
Pour l'histoire...
En France, l'avortement a longtemps été pénalisé, passible des travaux forcés à perpétuité, voire de la peine de mort. Il faudra attendre les années 1970 et les premiers mouvements féministes pour que la question de l’avortement soit mise sur le devant de la scène. En avril 1971, avec le "manifeste des 343" publié dans le Nouvel Observateur, des femmes osent avouer qu’elles ont eu recours à l’IVG. Elles réclament le droit d’accéder librement à la contraception, ainsi que celui d’avorter en toute légalité. Parmi elles se trouvent des célébrités comme Catherine Deneuve ou Simone de Beauvoir.
La dépénalisation de l'avortement et l'encadrement légal de l'interruption volontaire de grossesse (IVG) finissent par être effectifs en 1975, à l'époque où Simone Veil est ministre de la Santé, sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing. Plus récemment, la loi du 4 juillet 2001 introduit une première modification des règles de recours à l’interruption volontaire de grossesse, en allongeant de deux semaines le délai maximal de recours (l’avortement est possible jusqu’à 12 semaines de grossesse) et en permettant aux femmes de recourir à une IVG médicamenteuse dans le cadre de la médecine de ville.
État des lieux en Bourgogne
Selon un médecin dijonnais, qui préfère garder l’anonymat, une femme sur deux aura recours à l’IVG au cours de sa vie. Le Ministère de la Santé estime qu’en 2005, 206 311 IVG ont été réalisées en France métropolitaine. En bourgogne, selon la DRASS Bourgogne, l’avortement a concerné 4100 femmes en 2006. La Bourgogne enregistre donc une IVG pour 4,4 naissances. Selon ce même organisme, la Bourgogne "fait partie des 6 régions françaises où le recours à l’IVG est le plus faible : 11 IVG y sont pratiquées pour 1 000 femmes de 15 à 49 ans, contre 14 en France métropolitaine. Le recours à cette intervention a diminué au début des années 90 mais est en augmentation depuis (dans la région comme au plan national). Dans la région, la plupart des IVG (91 %) sont accomplies à l’hôpital public." A Dijon, les IVG ont lieu au CHU (centre hospitalier universitaire). Depuis juin 1999, les femmes peuvent avoir recours à la contraception d’urgence (pilule du lendemain) efficace dans un délai de 72 heures.
De difficultés en difficultés...
Toujours selon notre médecin dijonnais, les femmes souhaitant avoir recours à l’IVG doivent faire face à de nombreuses difficultés. Le praticien révèle que le machisme de certains médecins est encore bien présent vis-à-vis des femmes : "Ce n’est pas clairement dit mais beaucoup de médecins considèrent que les femmes voulant avorter sont bêtes." Le vrai problème réside dans le suivi des patientes : "Le médecin qui opère n’est pas forcement celui qui a eu la femme en consultation". Pour ce spécialiste, l’IVG pose surtout problème lorsqu’il s’agit de mineures : "La mineure voulant avorter peut le faire sans l’accord de ses parents. Elle se rend avec un représentant adulte mais celui-ci peut être n’importe qui : il peut très bien s’agir de son proxénète ! Il faudrait des personnes formées pour les accompagner, des médiateurs. Par ailleurs, les personnes du planning familial vont dans les collèges à risque alors qu’il n’y a pas de profil type et il n’y a pas assez de moyens mis dans la prévention. Pourquoi ne pas proposer aux adolescentes un bon pour faire un briefing sur la contraception ?" Cet acte, rappelle le médecin, n’est pas anodin et marque à vie la femme. Il a aussi constaté que "la femme vient souvent seule lors de l’IVG, comme si la population masculine se sentait peu concernée."
Un droit mais un acte non anodin...
Selon Caroline de Hass, du collectif "Osez le féminisme", l’IVG est également menacée par la reforme engagée par le ministère de la santé : "Afin de faire des économies, les centres d’avortement sont regroupés. En principe, chaque hôpital doit avoir un service pratiquant l’avortement, or ce n’est pas le cas. Par ailleurs, les médecins qui le pratiquent sont la plupart du temps des militants." La jeune femme fustige aussi les délais d’attente pour se faire avorter, beaucoup trop longs : "La conséquence de tout cela, c’est que 5.000 à 6.000 femmes vont à l’étranger pour avorter chaque année." Pour cette féministe convaincue, les tabous vis-à-vis de l’avortement sont encore bien là : "Il y a toujours ce côté moral. Mais on s’en fout de savoir si c’est bien ou pas : c’est un droit ! La femme fait ce qu’elle veut. La culpabilisation est très forte : les médecins font encore de très nombreuses remarques du genre : "Vous ferez attention la prochaine fois..."
Un droit certes, mais certainement pas anodin car les conséquences psychologiques d’un avortement sont durables. Le Docteur Vanesse est conseillère conjugale et familiale au planning familial du Bocage, et nous explique la procédure d’avortement : "Quand la personne a fait le test de grossesse et qu’il est positif, ma collègue lui donne un rendez-vous médical et un temps de parole, obligatoire pour les mineures. Nous ne sommes pas là pour influencer la décision de la personne, c’est un travail d’écoute et d’accueil." Elle constate que même si l’IVG s’est quelque peu banalisée, elle reste encore tabou : "Il ya beaucoup de crainte et de culpabilité de la part des femmes qui avortent."
Les anti-IVG toujours actifs
Rappelons que les militants contre l’avortement sont toujours bien présents, en France comme en Bourgogne. A noter que nombre d’entre eux sont catholiques. Ainsi les "marches pour la vie" réunissant une quinzaine d’associations contre l’avortement, mobilisant chaque année depuis 2005, des milliers de personnes. 20.000 personnes se seraient réunies dimanche 17 janvier selon Virginie Raoult-Mercier, chargée des relations avec la presse et membre de l’association Choisir la vie. Cela constitue presque deux fois plus de monde que l’an dernier. Une soixantaine de Dijonnais avait fait le déplacement jusqu’à Paris selon Linde Charles, militant de "La marche pour la vie" et de l’association SOS tout petits à Dijon.
Que ce soit à Dijon ou ailleurs, leurs actions ne se limitent pas à cette marche nous précise Charles Linde : "Toutes les deux semaines, le samedi, nous pratiquons ce que nous appelons "un rosaire pour la vie" : Nous nous réunissons rue Tassigny à Dijon pour une prière de réparation par rapport à l’avortement. C’est notre manière de protester contre cette loi." Pour ces militants "pro-vie", l’avortement est synonyme de meurtre, explique Virginie Raoult-Mercier : "L’avortement, c’est toujours la suppression d’une vie. Toute vie mérite d’être vécue et pour nous, elle commence dès sa conception."
Pour la militante, les femmes qui avortent manquent d’information sur la possibilité d’accueil des enfants. Pourtant, pour le Docteur Vanesse, les informations sont nombreuses et ce, en particulier auprès des jeunes. Le problème serait donc ailleurs : "Les jeunes ont les informations, ils connaissent les moyens de contraception mais sur le moment, ne les utilisent pas forcement. Il y a de multiples réponses à cette non-utilisation." Mais voilà une autre histoire...
