
"C'est tellement simple, l'amour, tellement possible, l'amour"... Ces paroles vous rappelleront peut-être la chanson reprise de la comédie musicale "Les dix commandements" par Les Prêtres : le clip, trois prêtres en habit qui chantent dans une église pleine à craquer, passe actuellement en continu sur la chaîne la plus regardée des Français, TF1. Au même moment, plusieurs hommes d'église prennent position en faveur des Roms, contre la politique sécuritaire de Nicolas Sarkozy : un prêtre lillois dit même souhaiter la mort du président de la République... Que se passe-t-il ? Après des années de traditionalisme, l'Eglise catholique se rachèterait-elle une image ? Éléments de réponse avec le Père Emmanuel Pic, prêtre à Dijon et auteur sur internet du "Blog du curé"...
Père Pic, bonjour. Plusieurs hommes d'église, dont même le Pape Benoit XVI (En savoir plus ici), viennent de prendre position contre un aspect de la politique du gouvernement français : c'est assez étonnant, pas tant sur le fond que sur la forme. Qu'en pensez-vous ?
"Que cela ne date pas d'aujourd'hui. Il est vrai que l'Église ne prend pas souvent position sur une polémique mais cela arrive : il y a vingt ans, le cardinal Decourtray, évêque de Dijon, avait pris position contre le Front national et la xénophobie. Ainsi, de temps en temps, les hommes d'église interviennent. Sur le site de la Conférence des évêques de France (Voir ici), ces derniers interviennent d'ailleurs sur toutes sortes de sujets de société : la bioéthique, l'économie, la famille, la laïcité...
Ainsi, le Père Arthur, qui est farouchement opposé à l'expulsion des Roms, affirmant même souhaiter que le président de la République ait un arrêt cardiaque (Lire ici), n'a pas fait un "coup de com'" ecclésiastique ?
Vous savez, il existe depuis longtemps une aumônerie catholique des Gens du voyage : dans chaque diocèse ou presque, des prêtres ou des diacres sont chargés de les rencontrer. A Dijon, ce dernier vient tout juste de prendre cette fonction mais à Chalon-sur-Saône (71), le diacre partage carrément la vie de ces gens ; c'est également le cas dans la Nièvre. Lorsque l'on est autant compromis, on ne peut être qu'indigné. Dans le même esprit, mes paroissiens et moi-même connaissons bien le petit garçon d'une maman qui fait la manche à la porte de mon église (ndlr : Saint-Pierre à Dijon). Cela parce que le papa de l'un des enfants de chœur a proposé à ce petit garçon de l'être également et il a accepté : en fait, il n'attendait que cela ! C'est pour cela que nous connaissons mieux leur histoire. Ce genre de choses changent tout.
Après des années de scandales, mêlant révélations pédophiles et positions intransigeantes, l'Église a-t-elle conscience qu'il est important de redorer son image ?
Il est certain que dans l'Église, c'est une question qui se pose. Lorsque le Pape a pris position contre les préservatifs, c'est une bourde de communication de sa part et de son entourage. Il ne s'est pas rendu compte des conséquences, je crois... Chaque année, plusieurs journées sont consacrées aux questions de communication. En 2010, le Pape a écrit une lettre aux prêtres sur ces questions, leur demandant de s'investir sur internet (En savoir plus ici). Grosso modo, il explique que les médias ont pris de proportions énormes, ce qui est vrai...
Personnellement, j'écris mon blog (ndlr : Le blog du curé) et je fais partie, depuis septembre 2009, du site Sacristains.fr : un agrégateur de blogs qui a pour but de participer à l'émergence d'une opinion publique catholique. Car il faut savoir qu'il existe quantité de blogs chrétiens, comme par exemple celui d'un journaliste et d'un professionnel de la communication qui réagissent sur les polémiques internes à l'Église : Urgencecom'catho.com. Je pense qu'il est temps en effet de rattraper un retard que nous avions pris par rapport aux groupes évangéliques fondamentalistes, très présents et très agressifs sur la toile, même en France (En savoir plus ici).
Pour communiquer, il existe internet mais aussi... les chaînes de radio et de télé ! Mgr Di Falco, évêque de Gap et d'Embrun l'a bien compris en lançant "Les prêtres" : Spiritus Dei, le premier disque du trio produit par le label musical de TF1, est sorti en mars 2010. En juillet, il se serait vendu 300.000 exemplaires. Que pensez-vous de cet engouement ?
Là, c'est évidemment une opération de communication montée par Mgr Di Falco, ancien porte-parole de la Conférence des évêques de France, quelqu'un de très branché showbusiness, c'est bien connu... Mais tant que ce n'est pas contre la foi et les mœurs, je ne vois pas pourquoi on les en empêcherait. C'est une initiative privée qui marche plutôt bien, tant mieux. Ce qui est vraiment intéressant est ce que cela révèle : les prêtres continuent d'avoir une image positive dans la société française. Pour ma part, je suis toujours très bien accueilli partout où je vais. Même quand j'étais prêtre à l'église Sainte Bernadette aux Grésilles, à Dijon, pendant dix-huit ans, et que je faisais mon marché, tous les commerçants musulmans me saluaient par un "Bonjour mon père" de plus, il n'y a jamais rien eu contre l'église. Pourquoi ? Cela veut dire que le christianisme fait partie de tous les Français. Je crois que tout le monde a une histoire avec Dieu. Et la communication, c'est très important mais ce n'est pas le fond de la vie : dans deux ans, les prêtres chanteurs seront sans doute oubliés, comme les autres boys-bands..."
