
Ce n'est pas tous les jours qu'est offerte l'occasion de rencontrer l'héritier de François 1er et d'Henri IV! En effet, Jean de France, prince d'Orléans et Duc de Vendôme, était de passage à l'Hôtel de la Cloche à Dijon mercredi 24 mars 2010, histoire de présenter son livre: "Un prince français" (édition Pygmalion). Un événement qui est venu piquer notre curiosité... Mais qu'a-t-il à dire aux Français au juste ? Imagine-t-il monter un jour sur le trône ? Récit de la soirée...
Le Cercle des monarchistes disparus ?
"On m'a dit de bien m'habiller alors j'ai mis une jupe, comme toi", précise une adolescente à sa voisine avant que la conférence ne commence. En jetant un bref coup d'œil à l'assemblée, cette jeune fille ne semble pas être la seule à s'être mis sur son trente-et-un : costumes, chaussures bien cirés, cheveux bien coiffés... C'est qu'il faut bien présenter devant le prince ! Voyant la foule arrivée de plus en plus nombreuse, les employés de l'hôtel s'agitent dans tous les sens pour ajouter des rangées de chaise.
La salle est comble, certaines personnes doivent néanmoins rester debout. Un homme d'un certain âge lâche à son voisin : "Finalement, le mouvement a plus d'ampleur qu'on ne le pense... Vous allez bientôt rattraper le Front national ! ". Un autre : "Je suis sûr qu'il y aura certainement des opposants pour protester violemment". Jean de France apparaît...
Pensées de prince...
Durant plus d'une demie-heure, le prince expose au public les grandes lignes de son livre qu'il explique avoir eu envie d'écrire après avoir parcouru la France pendant douze ans. "Cela m'a donné envie de poser des idées fortes avec un ouvrage direct et ouvert partagé en deux parties : mes idées personnelles d'un côté, les idées politiques de l'autre". Premier chapitre : l'Histoire et la culture, "qui sont des éléments forts de ce que nous sommes en France". Second chapitre : l'Enfance et l'éducation. "L'éducation est le rôle de la famille ; l'Éducation nationale ne devrait pas s'appeler ainsi mais plutôt instruction civique".
"Je dis toujours que je pense en prince chrétien mais que j'agis en prince français, indique-t-il. Je sais que c'est risqué de dire cela mais je veux me faire connaître dans ce que je suis réellement à travers cette ouvrage". Puis d'évoquer son frère et sa sœur handicapés : "Cet élément de la foi m'a permis d'aborder notre relation avec sérénité".
Prince des pensées ?
Jean de France aborde ensuite le chapitre sur ses réflexions politiques et sociales, évoquant en premier lieu l'économie et la justice, "ces éléments forts qui ont forgé notre histoire, qui sont liés à notre liberté d'entreprendre et à faire avancer nos idées". "Souvent, les entreprises familiales jouent un rôle fondamental. Voyez Auchan, c'est la plus grande entreprise française et elle se transmet de génération en génération"... Les sujets des Affaires étrangères et de la Défense sont abordés, le discours prend alors un peu de corps...
L'Europe ? "Elle se construit sans les peuples ; elle est technique, utopique, réglementaire ; c'est une structure pour nous dire comment on doit faire les choses plutôt que de mettre en place les conditions de la réussite. Et quand on regarde l'Europe, on y repère deux tendances : les monarchies parlementaires et les républiques fédérales. Au milieu, la France cherche un petit peu son modèle".
France, ne cherche plus...
Doucement mais sûrement, le prince en vient au sujet de fond : "La monarchie est un objectif à atteindre, elle reste une espérance. Mais il faudrait pour cela que deux conditions soient réunies : la volonté des Français de la voir revenir et de cela je n'en suis pas sûr, ainsi que les circonstances adéquates. Est-ce que la crise est un élément suffisant ? Là non plus je n'en suis pas sûr."
Et de continuer : "Pourtant, dans la monarchie, des éléments seraient utiles à notre pays : la pérennité tout d'abord, afin de s'inscrire dans le temps et dans un projet de société. On voit bien la pérennité d'un personnage comme la reine d'Angleterre. Quant au roi belge, s'il s'en va, il n'y a plus de Belgique : c'est donc un vecteur de rassemblement. Et puis le roi est au dessus des partis, des divergences. La monarchie n'empêche pas la démocratie"...
Projection monarchiste
Le débat avec le public s'amorce. Première question : "Comment va madame la dauphine et le prince Gaston (son fils de quatre mois) ?". Heureusement, les questions qui suivent se corsent un peu : "Pouvez-vous préciser le rôle que vous envisageriez par rapport aux quatre pouvoirs régaliens* ?". "C'est difficile à envisager, nous en sommes loin. Mais on pourrait penser à un prince représentatif, hors des débats. (...) Je ne suis pas un grand théoricien. Pour l'instant, mes préoccupations sont que les Français apprennent à connaître notre famille. Et puis j'ai l'association Gens de France, qui traite de questions sur l'économie solidaire, le développement durable et la francophonie. J'aimerais avoir des réalisations concrètes autour de ces axes".
Un jeune homme, venu de Paris exprès pour le rencontrer, lui demande où il se situe entre "l'école sarkozyste", qui veut "associer toutes les communautés à l'avenir de la France", et une loi de 1717 qui interdisait les mariages mixtes entre blancs et noirs : "Je ne sais pas comment sera la France plus tard, répond le Prince. On ne peut pas prendre des mesures coercitives, nous ne sommes plus dans cette époque. Quelle autre réponse vous apportez que de vous dire : mariez-vous et ayez des enfants ?"...
"Monseigneur s'il vous plait ?... "
A chaque question ou presque, les interlocuteurs commencent leur phrase par "Monseigneur...". Il semblerait que Monseigneur ne prend pas le risque de finir sur l'échafaud en fréquentant ce type de public, vraisemblablement acquis à sa cause... Et justement, qu'en as-tu pensé public ? Une bande de jeunes répond : "Son discours est mou et pas assez ambitieux", "s'il se veut vraiment comme un figurant, ce n'est pas la peine", "il pourrait être VRP du ministère du Commerce extérieur !", "je trouve qu'il est lucide", "avec un monarque digne de ce nom, je serais pour la monarchie", "pas moi".
Il est vrai que si le prince a le sens de la formulation, son discours pouvait sembler fade et décevant pour ceux qui attendaient plus de cette personnalité emblématique. Et d'ailleurs, un jeune homme évoquera "l'attente des Français d'un personnage charismatique"... Pour le charisme, c'est discutable mais question physique, point de frustration : vu de l'esprit ou non, son visage, ses yeux bleus, semblent presque familiers, comme tout droit sortis d'un livre d'Histoire...
* Le prince parle aux Français
- "Le mot "Français" vient de "France" et donc de "Franc" qui signifie libre".
- "Si on rentrait dans un conflit, je ne suis pas sûr qu'on soit capable de se défendre. Avant, les hommes donnaient un an de leur vie au pays. C'est dommage que cela ait disparu...".
- "Je n'aime pas trop les réunions mondaines et les cocktails".
- "Je n'aime pas être dans une case".
- "Le bien commun et le service, tel qu'Aristote ou St Aubin les ont pensés, sont des éléments forts de mon état d'esprit".
- "J'aimerais savoir si ces idées que je défends ont un écho car je suis peut-être à côté de la plaque !".
- "Le roi est un arbitre dans un match de football, quelqu'un qui prend de la hauteur".
- "Il faut aider ceux qui font pour le compte de ceux qui ne peuvent pas faire. C'est cela l'idée de justice"...
- "Pour savoir où l'on va, il faut savoir d'où l'on vient".
- "Si j'avais un mandat, je rentrerais dans la logique des partis".
- "Henri IV était chrétien et a pu rassembler les catholiques et les protestants... Nous pourrions faire de même dans notre pays pour les différentes religions".
- "Pour mener un tel combat, il faut être sûr de ses forces. Le minimum requis n'est pas là : personne ne me connaît".
* Les fonctions régaliennes de l'État sont limitées aux grandes fonctions souveraines qui fondent l'existence même de l'État et qui ne font, en principe, l'objet d'aucune délégation. Elles sont au nombre de quatre : assurer la sécurité extérieure par la diplomatie et la défense du territoire, assurer la sécurité intérieure et le maintien de l'ordre public, avec notamment des forces de police, définir le droit et rendre la justice, détenir la souveraineté économique et financière en émettant de la monnaie.
