
Dans le livre « Pourquoi le pape a mauvaise presse », Bernard Lecomte, ancien journaliste à la Croix et l’Express, ex-rédacteur en chef de la revue Médiaspouvoirs et président du « Club des Écrivains de Bourgogne ». Ce spécialiste des affaires religieuses, aussi surnommé « le papologue Bourguignon », tente d’expliquer l’incompréhension qui s’est tissée entre le monde médiatique et la religion, et plus particulièrement le Pape. Sans prendre parti, il explique comment les impératifs de la presse (rapidité, efficacité, etc.) peuvent nuire à une information sérieuse et nuancée. Et, a contrario, à quelles difficultés communicationnelles le pape est confronté. Semi-réquisitoire contre la presse moderne...
D’où est venue l’idée d’un tel livre ?
"Ce livre est né de l’actualité papale. Au moment où je sortais « Les Secrets du Vatican », sont apparues les « trois affaires »*. Je faisais beaucoup de conférences à ce moment-là et j’ai mesuré à quel point les Catholiques étaient troublés et avaient besoin qu’on leur remette les idées en place.
Quel est le problème des médias dans le traitement de l’information religieuse et du pape aujourd’hui ?
Les médias d’aujourd’hui sont de plus en plus rapides. Pourtant, il est très difficile d’être rapide quand on veut traiter de sujets complexes. Les médias vont vite, évitent la nuance et ne sont pas ouverts à l’information religieuse et au pape en particulier. Le pape est à la tête de la plus ancienne institution du monde or les médias contestent tout ce qui est institutionnel. C’est un mouvement profond de plus en plus individualiste et favorisé par Internet et la mondialisation.
Est-ce une spécificité française ?
La France a une tradition laïciste. Or la laïcité provoque souvent des malentendus et malveillances. Cette tradition existe aussi dans les médias et à l’école. Mais, est-il normal qu’un enfant soit ignorant de la Bible ? D’une certaine culture religieuse ?
Dans la presse, on constate une forme d’inculture religieuse. Beaucoup de journalistes ignorent par exemple, la différence entre un concile et un conclave, un luthérien et un anglican, etc. Il n’y a plus beaucoup de spécialistes de la religion. Pourtant, c’est un domaine aussi important que beaucoup d’autres. Que dirions-nous si un journaliste sportif confondait deux clubs de foot ? Cette inculture est une évolution fondamentale de la société. Les médias sont le reflet de la société.
Le thème de l’immédiateté, du raccourci est récurrent dans votre livre, pourquoi est-ce un problème fondamental ?
Il faut que les catholiques et les consommateurs de médias acceptent la complexité de la société. On ne peut se contenter de traiter des sujets « zappings ». Ce qui est pourtant devenu la norme pour beaucoup. On compte un milliard 300 millions de catholiques sur terre, ils méritent qu’on les respecte. Les médias sont dans l’immédiateté, le raccourci ; de ce fait, on traite mal les sujets qui demandent pourtant mémoire et nuance.
Prenons l’exemple de la burqa : il faut prendre le temps de faire des recherches et de comprendre ce phénomène. Le monde n’est pas binaire, il n’est pas immédiat et simple comme certains le pensent.
Quel est le rôle de l’Église dans cette incompréhension entre les médias et la religion ?
L'Église ne s’adapte pas beaucoup à la société moderne et commet des erreurs de communication tandis que les médias devraient respecter le pape et la religion. Et le pape et les évêques devraient faire de même avec les médias. De nos jours, ils s’excluent mutuellement. Il faudrait qu’ils fassent un effort pour discuter.
Par le biais de votre livre, on a le sentiment que vous cherchez à défendre le pape...
Je n’attaque et ne défends personne. J’essaie de croiser l’évolution des uns et les fautes de communication des autres ; Je tente de dénoncer ce qui ne va pas.
Quels conseils donneriez-vous aux journalistes pour traiter des sujets religieux et du pape en particulier ?
Je leur conseille tout d’abord de lire mon livre pour y trouver quelques clés. La religion catholique se respecte. Elle représente plus d’un milliard de personnes. Les journalistes doivent avoir conscience de cela. Les gens de l'Église doivent aussi le lire pour comprendre les médias. J’essaye de tracer une passerelle entre ces deux mondes.
L’incompréhension d’aujourd’hui est néfaste pour le fonctionnement de l’Eglise, des médias mais aussi de la démocratie. De ce fait, il s’agit des affaires de tout le monde.
*Lorsque Bernard Lecomte évoque les « trois affaires » du début de l’année 2009 ; il s’agit des affaires Williamson en janvier (le pape lève l’excommunication de l’évêque Williamson alors que celui-ci tient des propos négationnistes), Recife en mars, (excommunication par l’archevêque de Recife d’une mère ayant fait avorter sa fille de 9 ans enceinte de son beau-père) et des propos du pape sur la faible efficacité du préservatif contre le sida en Afrique.
